Knock at the Cabin

Knock at the Cabin
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Knock at the Cabin
États-Unis, 2023
De M. Night Shyamalan
Scénario : M. Night Shyamalan
Avec : Dave Bautista
Photo : Jarin Blaschke
Durée : 1h45
Sortie : 01/02/2023
Note FilmDeCulte : ***---
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Alors qu’ils passent leurs vacances dans un chalet isolé en pleine nature, une jeune fille et ses parents sont pris en otage par quatre étrangers armés qui exigent d’eux un choix impossible afin d’éviter l’imminence de l’apocalypse. Alors qu’ils n’ont pratiquement aucun moyen de communication avec le reste du monde, ils vont devoir seuls prendre et assumer leur décision.

LA MAISON EST EN CARTON

Nouveau Shyamalan. Nouveau huis-clos. Nouveau high concept. Nouveau film moyen dont il est difficile de parler sans spoiler. Non pas qu'il y ait à proprement parler un final twist comme dans certains de ses plus célèbres films - quiconque connaît le corpus de l'auteur peut aisément deviner un des éléments-clé du film (et la bande-annonce longue ne cherche visiblement pas à cacher quoi que ce soit) - mais on ne peut garder le secret si l'on veut rentrer dans les détails les plus problématiques. Le postulat de départ de Knock at the Cabin, tiré du roman La Cabane aux confins du monde de Paul Tremblay (un bien meilleur titre, surtout dans sa version originale qui garde le double-sens, The Cabin at the End of the World), est presque inévitablement accrocheur. Un Choix de Sophie apocalyptique. Mais il est aussi de ces promesses dont on se demande si elles peuvent être autre chose que destinées à ne pas être tenues.

D'un pur point de vue formel, qu'il s'agisse de l'écriture ou de la mise en scène, Knock at the Cabin est peut-être le Shyamalan le plus convaincant depuis 15 ans. Il n'y a aucune faute, aucun temps mort, presque aucun moment où le spectateur se dit que les personnages agissent bêtement. Il y a bien ce moment où les otages laissent le personnage de Dave Bautista en vie alors qu'on lui aurait tiré dessus direct mais le scénario a l'intelligence de ne pas leur faire payer cette erreur. Au contraire, l'un des deux pères avance même fréquemment les arguments auxquels on aurait recours face aux discours des illuminés qui le retiennent prisonniers et exigent de lui l'impossible. Toutefois, le film doit son efficacité de série B correctement troussée à la relative simplicité de son récit et des opportunités limitées qu'il offre. A première vue, le champ des (dénouements) possibles paraît vaste, avec plusieurs alternatives. Soit les preneurs d'otage sont dans le vrai, soit ils se leurrent. Et dans un cas comme dans l'autre, soit l'un des deux pères choisit de se sacrifier, soit ils sacrifient leur fille (improbable), soit ils parviennent à prendre le dessus sur leurs bourreaux. Et le chemin pour arriver à l'une de ces conclusions se fait des plus pragmatiques...donc des plus évidents.

Sans réelle surprise, le film est intéressant surtout dans ce qu'il travaille des sempiternelles réflexions sur la foi chère à l'auteur et n'est jamais aussi intéressant que lorsqu'il laisse planer l'ambigüité. Le protagoniste shyamalanien type est un personnage en quête d'une place dans le monde, d'un rôle à jouer, et c'est presque exclusivement par le biais d'une croyance personnelle et folle qu'il parvient à trouver cette place, à asseoir son positionnement, à être récompensé pour sa dévotion. Dans Sixième sens, Malcolm doit croire Cole pour que chacun puisse connaître sa place. Dans Incassable, David doit croire Elijah pour que chacun puisse connaître sa place. Dans Signes, Graham doit croire que les événements (et les paroles de sa femme) ont un sens pour sauver sa famille. Tous les habitants du complexe résidentiel de La Jeune de fille de l'eau doivent croire Story... Etc. Dans Split et Glass, on essaie de faire croire aux protagonistes qu'ils sont fous mais leur croyance est avérée. A posteriori, Le Village et The Visit sont les seuls films où Shyamalan paraît proposer une subversion de son propre cinéma. Deux films où ce à quoi l'on croit/fait croire (il y a des monstres, on est au XIXe siècle et il y a quelque chose de surnaturel dans le comportement de papy et mamie) s'avère faux. Pire, dans Le Village, c'est carrément un mensonge.

Et c'est là que le bât blesse pour Knock at the Cabin, le film surenchérissant sur les aspects les plus questionnables de Signes, dans son rapport à la peur, aux coïncidences et aux croyances. A un moment, l'un des otages compare précisément le raisonnement et le fonctionnement de leurs bourreaux à ceux des complotistes, ces gens en circuits fermés sur des forums QAnon qui se gargarisent de leurs biais de confirmation. Et les preneurs d'otage utilisent des images de journaux télévisés pour prouver leur dire (et instiller la peur donc), un peu comme "la télé fait peur" dans le contexte post-11 septembre de Signes. L'espace d'un instant, on espère qu'il y aura un retournement et qu'il s'agit en fait de faux journaux TV, mais une fois de plus, le souci, c'est que la fin valide ce raisonnement. Elle valide ces croyances. Et si la pire conséquence de ce choix dans Signes était ce propos vaguement condescendant selon lequel "ceux qui ne voient que des coïncidences vivent dans la peur tandis que ceux qui y voient des signes savent que quelqu'un veille sur eux", ici on est face à un dilemme biblique niveau Abraham. Prouve que tu crois en tuant un être aimé (pour sauver le monde). Et ça se double d'une leçon d'humilité pour le sceptique colérique. Cette conclusion s'avère d'autant plus gênante quand on apprend que le film dévie complètement du roman pour la fin (et même la deuxième moitié du film). Dans le livre, la fille meurt accidentellement au cours d'une échauffourée mais comme c'était un accident, l'apocalypse n'est pas évitée et le couple doit encore choisir de tuer l'un d'entre eux. Ils refusent toutefois d'obéir à un dieu qui n'accepte pas la mort de leur fille comme sacrifice suffisant. Cette fin est infiniment plus audacieuse et forte dans ce qu'elle dit que la conclusion préférée par Shyamalan, quelque part entre Emprise et Prédictions, deux autres thrillers fantastiques forts en tension mais tout de même un peu douteux moralement.

par Robert Hospyan

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