Klimt

Klimt
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Klimt
Autriche, 2006
Avec : Saffron Burrows, Sandra Ceccarellin, Stephen Dillane, Veronica Ferres, Nikolai Kinski, John Malkovich
Durée : 2h07
Sortie : 26/04/2006
Note FilmDeCulte : *****-

Paris, 1900. Klimt est fêté à l'exposition universelle pendant qu'il est condamné à Vienne comme provocateur. Il vit sa vie comme il la peint, ses modèles sont ses muses. Klimt est en avance sur son temps. Ses relations passionnées avec les femmes et sa quête éternelle de Perfection et d'Amour se reflètent dans toutes ses oeuvres. La controverse atteint son comble lorsque que Klimt détourne ses allégories "scandaleuses" et les rachète.

LA VIE RÊVÉE DES PEINTRES

Il y a quelque chose de jubilatoire à découvrir le Klimt de Raoul Ruiz. Vous veniez voir une grosse coproduction européenne, annoncée pompière et hollywoodienne — pensez donc, tout Paris et tout Vienne y parle anglais et John Malkovitch est aux pinceaux! — imagerie d'Épinal et classicisme replet? Vous vous disiez d'avance que Ruiz, cinéaste inégal, aurait peu eu son mot à dire, par-dessus les bureaux des décideurs financiers, préparant T-shirts, mugs et posters à l'effigie du peintre? Vous aviez tout faux: Klimt n'a rien à voir. Grosse machine internationale, où chaque euro investi est présent à l'image, certes. Mais œuvre résolument personnelle cependant. Première surprise: Klimt ne se prétend pas biopic. Son argument narratif en témoigne: sur son lit d'agonie, le peintre consacre ses derniers délires à se réinventer, à rebours, une vie rêvée. En découle, songe éveillé, une longue procession concentrique autour d'une époque fantasmée et d'un idéal romantique d'artiste en palpitation créative. Entraîné dans les jeux de miroirs de sa propre vie et de celle qu'il s'imagine, Klimt dérive au fil d'une intrigue surréaliste et bondissante. Ici les historiens en art quittent la salle, hurlant au blasphème, jugeant que Klimt n'est pas Klimt puisqu'il peint si peu. Les autres, happés par une stimulante structure circulaire, dont la mise en scène virevoltante amplifie l'écho, s'installent avec plaisir.

BEING GUSTAV KLIMT

Filmé comme une valse sans cesse recommencée, Klimt danse, tourne, sautille autour des enfants aux corps et mots d'adultes qui le peuplent. A l'évidence, Ruiz s'amuse à faire s'agiter ce petit monde, en une fantaisie éblouissante, dont la liberté de ton ravit. Pions puérils sur le digne échiquier de l'Histoire, les grandes figures de l'époques y sont en effet dépeintes en polémistes de comptoir (le beau est-il fonctionnel?), mômes turbulents cherchant la bagarre ou ados lubriques en quête de fesses. Il faut voir Malkovitch, enfermé dans une cage, un masque de singe rabattu sur le visage, se trouver cerné par des prostituées à moustaches. Il faut ensuite l'entendre reconnaître, parmi ces putains velues, l'une de ses filles biologiques, semées aux quatre vents de ses amours d'un soir… L'art, pourtant, n'est pas en reste. Insistons bien: l'art, pas le discours sur l'art — celui-ci étant, au contraire, justement éreinté. Simplement l'art, donc, comme expression intime, émanation d'un être débordant, d'une émotion incontrôlable. Klimt ici peint peu, on l'a dit, mais prépare sans cesse, griffonnant, recherchant, pillant ses propres œuvres, faisant de son carnet de croquis le miroir de ses pensées. Et le film, rêvé par lui, de s'imaginer à son tour agrégat des toiles que le peintre n'a pas eu le temps d'achever avant de mourir. La prouesse de Ruiz, en cette recherche du temps pictural perdu, est dès lors esthétique. L'écran devient toile, le cinéma peinture animée (on ne croise pas Mélies gratuitement). Gorgé de couleurs chaudes, subtilement cadré (est-ce le cadre qui embellit le tableau, ou le tableau qui embellit le cadre, s'interrogent vainement les esthètes "fonctionnalistes" de l'époque), jouant sur l'horizontalité des corps élancés, nus ou harmonieusement ornementés, les reflets et les enchevêtrements,… Klimt, si l'on veut, est "un Klimt". La boucle se bouclant en une étincelante pluie d'or, mêlant, en une splendide suspension aérienne, et le peintre et son œuvre, éparpillés dans l'image.

par Guillaume Massart

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