Festival Kinotayo: The Kingdom of Dreams and Madness

Festival Kinotayo: The Kingdom of Dreams and Madness
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Kingdom of Dreams and Madness (The)
Japon, 2013
De Mami Sunada
Durée : 1h58
Note FilmDeCulte : *****-
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The Kingdom of Dreams and Madness est une fascinante plongée au cœur du monde fantastique et fou des créateurs du Studio Ghibli...

SOUVENIRS DE MIYAZAKI

Que connaît-on des coulisses de Ghibli ? Alors que la France représente le deuxième marché mondial pour les films du studio, l'image de sa figure emblématique, Hayao Miyazaki, reste assez lisse. L'homme ne l'est pourtant pas. Le documentaire signé Mami Sunada pénètre à l'intérieur du studio et se penche sur ses trois noms les plus connus: Miyazaki donc, mais aussi le réalisateur Isao Takahata et le producteur Toshio Suzuki. Le mystère demeure autour de Takahata, absent et secret - au moment du tournage, personne ne semble savoir s'il pourra achever Le Conte de la Princesse Kaguya à temps. Et si le chemin de Sunada croise souvent celui de Suzuki, c'est essentiellement le portrait de Miyazaki qui semble intéresser la cinéaste. Sunada filme quelques amusants à-côté: les moments où Ushiko, le chat officiel des lieux, se prélasse, ceux où tous les artistes se mettent ensemble à faire leur gymnastique. Miyazaki fait aussi sa gym, et se confie.

On craignait le doc-hommage et promotionnel. The Kingdom of Dreams and Madness n'est pas cela. Sunada filme à un moment-clef du studio: Miyazaki achève ce qui constituera son dernier long métrage, tandis que l'avenir de Ghibli semble désormais en stand-by après la réalisation de Souvenirs de Marnie. Un crépuscule poignant, car Sunada parvient, derrière les ronchonneries de Miyazaki et son apparence passéiste, à faire le portrait d'un idéaliste déçu. Un homme de gauche dont le propos écologique des films semble s'être heurté à la triste réalité lorsque le drame de Fukushima a renversé le Japon. Le génie Miyazaki se retrouve nu: lui qui pensait changer le monde avec le cinéma, lui qui a signé certains des plus beaux films de son histoire, n'a rien pu faire contre cette catastrophe. La blessure est là, et en chaque homme. Meurtri, Miyazaki parle des rêves maudits de l'humanité, du constructeur d'avions du Vent se lève aux humains en général. Ce film ne s'est pas fait sans heurt, la NHK suggérant notamment de ne pas aborder quelques points sensibles. Miyazaki, lui, semble entier.

Il y a toujours cette surprise de découvrir derrière les chefs d’œuvre du studio ce côté artisanal en équipe "réduite" qui a fait naître tant de merveilles. Le bilan est-il si noir ? Lors d'une séquence assez bouleversante, peu avant l'annonce officielle de son départ à la retraite, Miyazaki regarde par la fenêtre. La ville est plutôt terne, le temps est gris. Et son esprit s'échappe: peut-on sauter d'un immeuble à l'autre, voler d'un toit vers un toit voisin ? Sunada monte sur ces paroles les innombrables images d'envolées dans les films du maître : la puissance de l'imaginaire est là. Il transfigure la réalité par sa poésie, comme les films du cinéaste ont pu changer celle de ses spectateurs. "Et si c'était possible ?", dit-il ? Une lumière s'invite dans ce constat pessimiste. Toute fin permet, dit-on, un nouveau départ. L'émouvante image finale d'un Miyazaki marchant tranquillement, suivi au loin par une classe d'écoliers, semble le confirmer.

par Nicolas Bardot

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