Kill Bill Vol. 1

Kill Bill Vol. 1
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Kill Bill Vol. 1
États-Unis, 2003
De Quentin Tarantino
Scénario : Quentin Tarantino
Avec : Sonny Chiba, Vivica A. Fox, Gordon Liu, Lucy Liu, Uma Thurman
Durée : 1h52
Sortie : 26/11/2003
Note FilmDeCulte : ******
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Une tueuse professionnelle est agressée le jour de son mariage par son ancien chef, Bill, qui la laisse dans le coma. Quand elle se réveille, elle n'a qu'un mot en tête: vengeance.

HOLD ME, THRILL ME, KISS ME, KILL BILL

"La vengeance est un plat qui se mange froid". C’est sur ces mots, qui suivent une ouverture sur le logo granuleux des Shaw Brothers (producteurs de quelques classiques du cinéma chinois des années 70), que s’inscrit le "pacte de visionnage" du quatrième film de Quentin Tarantino, comme l’on parlerait pour un livre de "pacte de lecture". Première impression: le petit génie du cinéma américain, reconnu pour la limpidité de ses dialogues, n’a pas été chercher très loin le proverbe mis ici en exergue. Seconde impression, renforcée par l’ajout tardif d’un crédit supplémentaire ("proverbe klingon"): le film qui s’apprête à être projeté devant nos yeux ne se déroulera sans doute pas dans un univers classique, mais probablement plus dans un macrocosme cinématographique dans lequel tout est possible et fait référence à autre chose, cette autre chose étant bien entendu tirée de la banque de données mémorielle du cinéaste. Ainsi, dans Kill Bill, mélange ouvertement divertissant et sans cesse jubilatoire de genres contre-culturels (série B, western spaghetti, manga, chambara...), l’héroïne porte une combinaison jaune similaire à celle de Bruce Lee dans Le Jeu de la mort, les hommes de main portent des masques rappelant celui du frelon vert de la série éponyme, les coups d’épée tranchent les membres dans d’immenses gerbes de sang, et les sièges d’avion comportent un emplacement expressément prévu pour le sabre, que tout japonais se doit bien entendu de porter, y compris en public. Le cinéma de Tarantino a toujours été celui d’un vidéophile ayant appris et conquis le septième art par l’ingurgitation intensive de VHS oubliées. L’on ne s’étonnera donc plus devant ce déballage interminable de clins d’œil plus ou moins appuyés puisqu’ils sont ici, contrairement à un Reservoir Dogs dans lequel les références étaient variablement assimilées par un cinéaste débutant et trop content de réciter ses classiques, parfaitement adaptés et intégrés à un univers cohérent et éminemment cinématographique.

LA MARIEE ETAIT EN JAUNE (ET ROUGE)

Sur un canevas déstructuré proche de la construction éclatée d’un Pulp Fiction, Kill Bill suit les traces d’une lointaine cousine de la mariée en noire du film de Truffaut (que Tarantino certifie ne pas avoir vu). Cadrée comme une icône divinatoire au destin tragique, la "mariée" bénéficie de la maturité acquise pas le cinéaste sur le fascinant portrait de femme que constitue son excellent Jackie Brown. Il y a dans ce nouveau film un romantisme dans la description des personnages qui les fait s’élever au delà du statut de vignette figurative. Prologue sublime en noir et blanc pour Uma Thurman, vie de famille rangée pour "Vipère Cuivrée", flash-back magnifiquement dessiné pour O-Ren Ishii... Chaque personnage suit un parcours tracé par le cinéaste qui le révèle, l’approfondie, le façonne par un passé, un passif, et une multitude de détails iconographiques. A ce titre, l’épisode contant l’enfance et la vengeance de O-Ren (excellente Lucy Liu) est exemplaire, aussi bien visuellement que textuellement. Conférant une réelle profondeur au personnage, ce manga sur lequel est apposé une musique de western constitue l’une des plus belles idées du film – qui n’en manque pourtant pas. Tout d’abord parce qu’il fait la jonction entre deux genres (western spaghetti et manga) que tout oppose à priori, mais que Tarantino réussi à lier par des détails scénaristiques: la vengeance, les hommes de main, le meurtre de la mère (autant de figures imposées que l’on retrouve, au hasard, chez un Leone)... Ensuite parce que ce flash-back, réalisé par le cinéaste lui-même qui a refusé de le déléguer tout simplement à un animateur connu, s’inscrit en parfaite continuité du personnage, de son histoire et en reste indissociable. En introduisant ainsi la mythologie, les codes, et les stéréotypes des deux genres invoqués, c’est tout un pan de cinéma que Tarantino cherche à assimiler à O-Ren.

ET POUR QUELQUES SECONDES DE PLUS

Dilatant le temps à l’extrême, principalement grâce aux possibilités offertes par la construction du film en deux chapitres, Tarantino surprend en privilégiant des instants magiques sublimés par les morceaux judicieusement choisis de la bande originale (constance chez le cinéaste, y compris dans ses films les plus discutés). Kill Bill pullule ainsi de plans anthologiques et étonnants, car ne figurant pas nécessairement là où on les attendait. Alors que les scènes d’action, pourtant impeccablement montées, et chorégraphiées par Yuen Woo Ping (Matrix, Tigre et dragon), peuvent sembler parfois longues et superflues, la minutie, la préciosité avec laquelle Tarantino s’attarde sur des détails anodins transcende totalement la durée excessive du métrage total (près de quatre heures). "The Bride" portant les mains à son ventre, cherchant le bébé qu’elle portait, ou encore tentant de remuer un orteil à sa sortie du coma (scène empruntée à L'Aigle vole au soleil de John Ford), Elle Driver avançant en sifflant et en split-screen dans les couloirs d’un hôpital, Hattori Hanzo écrivant le nom de Bill sur une vitre, le clapotis de l’eau lors du combat final dans la neige, le regard de l’enfant face au meurtre de sa mère dans la première scène… Autant d’instants à priori innocents et superficiels, mais qui ajoutent là aussi au romantisme extrême du film, à la beauté des personnages, et à l’aspect tragique de leur destinée. Autant d’instants qui confèrent à ce chef d’œuvre une beauté stupéfiante et absolument unique, qu’il faudrait pour être exhaustif et honnête énumérer un par un afin de rendre compte le plus objectivement possible de la perfection de ce qui est sans doute le plus beau film de l’année. Si le volume deux transcende ce qui n’est pour le moment qu’un prologue, Tarantino aura alors non seulement réalisé son meilleur film, mais il aura en plus imposé une nouvelle date dans l’Histoire du cinéma. Les prochains mois risquent d’être longs.

par Anthony Sitruk

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Editeur DVD: TF1 vidéo

IMAGE ET SON

Une qualité qui risque de devenir le maître étalon des comparaisons pour les films à venir. L’image est magnifique de bout en bout. Rien à reprocher. Les couleurs sont rendues avec une justesse incroyable et chaque ton, du plus sombre au plus clair, rend justice à la magnifique photo de Robert Richardson. Un bonheur de chaque instant. Le son ne démérite pas non plus. Avec quatre pistes sonores, deux 5.1 et deux DTS, en versions anglaise ou française, le mixage est aussi jouissif qu’à là vision en salle. Chaque canal est utilisé à bon escient et fait profiter le spectateur d’une puissance sonore adéquat au film. Le caisson de basses n’en finit pas de rugir, les voies arrière sont très souvent exploitées (quel bonheur de revoir le duel entre The Bride et GoGo) et le mixage musical est d’une finesse impressionnante. Chapeau bas. Des sous-titres français sont aussi accessibles pour les versions originales, mais sont obligatoires. Dommage. Des sous-titres pour malentendants sont aussi disponibles.

BONUS

- Le making-of (21’) sert d’objet promotionnel, mais rentre plus dans les détails que les éternelles featurettes de 5 minutes qui ne sont que top souvent présentes. Ici, Tarantino et ses acteurs passent par l’origine du projet, sa phase créative, les rôles des comédiens et leur implication dans le film, les influences, les choix musicaux, etc. Très agréable à regarder, même si trop court. À noter que ce making-of sera sûrement étendu pour la prochaine version de l’édition collector, à venir dans le courant de l’année. - "The 5,6,7,8’s en concert" est un clip de ce groupe de Japonaises qui chante dans "la villa bleue". Rien de bien passionnant, sauf pour les amateurs de nipponeries. - Le teaser de Kill Bill vol.2. Un premier teaser pour le film à venir le 17 mai, mais c'est quelque peu dommage puisque depuis la bande-annonce complète est disponible. Mais cela reste toujours appréciable pour quiconque attend avec impatience la sortie du volume 2. Ce teaser est aussi accompagné de la bande-annonce du premier Kill Bill. - Une galerie de photos (une vingtaine) est également disponible. - Enfin, en bonus caché, l'on peut aussi trouver un making-of des ombres chinoises qui jalonnent le menu du premier DVD, ainsi que les crédits de fabrication du dit DVD. Bref, pas spécialement intéressant mais indispensable pour les fanatiques du film.

Christophe Chenallet

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