John Rambo

John Rambo
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
John Rambo
Rambo
États-Unis, 2008
De Sylvester Stallone
Scénario : Sylvester Stallone
Avec : Sylvester Stallone
Musique : Brian Tyler
Sortie : 06/02/2008
Note FilmDeCulte : *****-
  • John Rambo
  • John Rambo
  • John Rambo
  • John Rambo
  • John Rambo
  • John Rambo
  • John Rambo
  • John Rambo
  • John Rambo
  • John Rambo
  • John Rambo

John Rambo s'est retiré dans le nord de la Thaïlande, où il mène une existence simple dans les montagnes et se tient à l'écart de la guerre civile qui fait rage non loin de là, sur la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar. Il pêche et capture des serpents venimeux pour les vendre. La violence du monde le rattrape lorsqu'un groupe de volontaires humanitaires mené par Sarah et Michael Bennett vient le trouver pour qu'il les guide jusqu'à un camp de réfugiés auquel ils veulent apporter une aide médicale et de la nourriture. Rambo finit par accepter et leur fait remonter la rivière, vers l'autre côté de la frontière. Deux semaines plus tard, le pasteur Arthur Marsh lui apprend que les volontaires ne sont pas revenus et que les ambassades refusent de l'aider à les retrouver. Rambo sait mieux que personne ce qu'il faut faire dans ce genre de situation.

LE MAITRE DE GUERRE

Honnêtement, qui aurait parié, il y a encore quelques années, que Stallone serait en mesure de clôturer intelligemment deux sagas aussi caricaturées que celle des Rocky et plus encore celle des Rambo ? Qui aurait pu prévoir, lors de la sortie il y a vingt ans d’un Rambo 3 daté et souvent proche du ridicule, que Stallone accepterait à soixante ans de reprendre les armes pour apporter une conclusion aux souffrances et aux aventures de cet antihéros ? Même en cette période de projets plus improbables et (in)attendus les uns que les autres (Land of the Dead, Indiana Jones 4…), le projet d'un Rambo 4, pourtant évoqué depuis quelques années, sonnait comme une rumeur infondée. Pire, une blague, l'une de plus à l'encontre d'un acteur doué que le public, amnésique, prend pourtant plaisir à imiter, la gueule en biais, la kalachnikov en plastique à la main. Facile de se foutre de sa gueule, certes. Parfois même justifié. Mais se focaliser sur les échecs de Sylvester Stallone, se borner à ses seuls films les moins finauds (et avouons qu'ils sont nombreux, depuis ses débuts : A nous la victoire, Rocky 3, Rocky 4, Rambo 2, Rambo 3, Cliffhanger, L'Expert, Assassin, Judge Dredd, Get Carter, D-Tox...), c'est oublier que cet acteur sensible est aussi un scénariste doué (Rocky, La Taverne de l'enfer, Rocky 2, Rambo, jusqu'au scénario bien construit d'un Driven saccagé par son metteur en scène) et un réalisateur compétent, qui pense sa mise en scène aussi bien que son montage. Bombe lacrymale, Rocky Balboa avait reconstruit l'image de sa star, l'imposant de nouveau parmi les meilleurs acteurs de sa génération, ce que Copland n'avait pas su faire faute d'une distribution honorable. Plus encore, le sixième film de la saga qui l'a fait connaître l'a définitivement imposé comme réalisateur. Au même titre qu'un Clint Eastwood mais avec vingt ans de retard, Stallone entame aujourd'hui sa nouvelle carrière : humble, sensible, touchant, il tourne la page, rature les lignes. Violemment.

Derrière le pitch classique, presque archétypale, et la construction un rien banale du film, se cache une idée scénaristique finalement plus maligne qu'elle n'y paraît. Rambo conduit des missionnaires en Birmanie, Rambo apprend qu'ils sont retenus en otage, Rambo part les sauver. La rythmique ressemble peu ou prou à celle de Rambo 3 et pourtant, à bien y regarder, le film (dont le titre français vient corroborer cette idée) se rapproche bien plus de Rocky Balboa : commençant par des images télévisuelles, John Rambo se poursuit par une transposition cinématographique de ces images d'actualité. Puis viennent la présentation du quotidien du héros, sa sollicitation par des personnages extérieurs, l'hésitation, la visite des fantômes du passé, l'insistance d'une femme qui le comprend mieux que les autres, l’éveil aux autres et au monde qui l’entoure, l’acceptation et la participation finale... Une même structure, pour un résultat similaire : redéfinir le héros, le projeter dans une réalité éloignée de son paysage cinématographique habituel, lui redonner le sens qu'il avait dans le premier épisode. Mais Stallone, avec ce nouveau film, ne se contente pas de répéter les codes et les arcs scénaristiques de son précédent film. A l’aise avec cette figure qu’il a contribué à créer et populariser, l’acteur, avec John Rambo, élève le personnage éponyme au rang d’icône - au sens biblique du terme. Rambo n'est plus un soldat contraint pour des raisons politiques de partir en guerre. Ce Rambo, qui rejette ses propres erreurs sur les autres, est mort (idée de mise en scène incroyable et inédite, d'ailleurs, qui consiste à reprendre dans un rêve du personnage ce plan tourné mais non conservé au montage de Rambo 1, dans lequel Trautmann tire sur son élève). Au cours d'une scène calquée sur une autre (elle aussi tournée mais non montée) du troisième épisode, dans laquelle il forge sa fameuse machette tout en exorcisant ses démons, Rambo, barbare, primitif, comprend et accepte enfin sa véritable nature : «War is in your blood».

En acceptant sa propre nature, John Rambo confirme par la même occasion sa vision d’un être humain ne s’épanouissant qu’au combat, et ne pouvant régler les problèmes (ici la guerre civile en Birmanie) que par la violence. Sous son apparence anodine, le message final est ahurissant de noirceur et de nihilisme ; aucun espoir n’est permis, et l’homme naturellement bon qu’est le missionnaire ne peut que s’y résoudre : «sans arme, on ne change rien». La violence comme argument principal désespéré, la guerre comme terrain de discussion, le sang et les larmes en lieu et place des traités de paix. Sans forcément atteindre la force politique du premier épisode, dont le discours apparaissait comme courageux et sensible à l’époque, Stallone s’engage à travers John Rambo : sans forcément faire dans la nuance, il insiste sur la souffrance d’un peuple en proie à une guerre sanglante. «Qu’est-ce qu’on attend pour leur rentrer dans le lard», serait le discours dicté par le film ? Pas tout à fait. Car à travers son personnage, c’est l’apathie internationale que l’acteur souligne, l’inertie de la communauté occidentale qui encourage une situation inacceptable qualifiée de «génocide lent mais indéniable», la mort ou l’esclavage de villages entiers. L’anecdote est connue : pour situer son scénario, Stallone a contacté la revue Soldier of Fortune (bible américaine sur l’armée, destinée aux soldats et aux mercenaires) pour connaître le pays du monde dans lequel les droits de l’Homme sont le moins respectés. Abandonnant ses idées de script initiales (Rambo sauve sa fille de ravisseurs, Rambo combat des terroristes sur le territoire américain), l’acteur réalisateur préfère se tourner vers un sujet plus brûlant, et en même temps plus original car délaissé par le cinéma depuis Rangoon en 1995. Ce sujet, il l’étudie et le découvre progressivement en écrivant son scénario. Ecoeuré, Stallone comprend que pour rendre au mieux à l’écran les horreurs supportées par le peuple birman, il doit abandonner le cinéma d’action.

Ce qui surprend le plus dans ce nouveau film, c’est cette incroyable violence qui va au-delà de tout ce qu’on a pu voir en provenance d’Amérique sur un écran de cinéma : John Rambo est un long métrage direct, puissant et très court (à peine 1h30), à mi-chemin entre la bande d’exploitation italienne des années 70 (certains plans font réellement penser à un film de Ruggero Deodato) et un cinéma de guerre plus moderne initié par le fameux Il faut sauver le Soldat Ryan. D’une brutalité extrême et expurgé de toute concession, le film, dans lequel les combats semblent se dérouler véritablement sous nos yeux, est principalement tourné caméra à l'épaule, en écho aux plans télévisés qui précèdent son générique d’ouverture. Corps qui explosent, membres déchiquetés, femmes violées, enfants brûlés, éventrés, le tout éloigne ce nouveau métrage du cinéma d'action, plus classique, plus optimiste, plus spectaculaire, que les deux précédents épisodes avaient redéfini voici vingt ans. Finis les tanks, terminés les hélicoptères, les pièges ingénieux, les moudjahiddines à cheval. Stallone décrit l’enfer et y plonge intégralement son personnage, une dernière fois. Un dernier aller-retour dans des limbes, une ultime immersion dans les flammes purificatrices, avant de reprendre vie, et de se libérer de ce que Stallone, dans Rocky Balboa, appelait «the stuff in the basement». C’est là la très grande force du film : ne pas chercher à s’imposer comme un simple épisode de plus à une série à bout de souffle, mais au contraire triturer le personnage, le faire revivre à l’écran, lui donner une seconde jeunesse, une nouvelle humanité, lui qui, rongé par les souvenirs et les cauchemars, n’est plus qu’une masse informe et barbare. Un an après Rocky Balboa, Stallone clôt en grandes pompes, et on l’espère définitivement, cette seconde série. Et le petit ventre mou d'une durée de quinze minutes, qui ralentit le film en son milieu, ne l'empêche pas de s'imposer, après l’indétrônable premier épisode, comme le meilleur de la série.

par Anthony Sitruk

En savoir plus

Quelques liens :

Partenaires