Harvest Time (The)

Harvest Time (The)
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Harvest Time (The)
Vremya Zhatbiy
Russie, Fédération de, 2004
De Marina Razbezhkina
Avec : Vyacheslav Batrakov, Dima Ermakov, Ludmila Motornaya, Dima Yakovlev
Durée : 1h08
Sortie : 01/01/2004
Note FilmDeCulte : *****-

Antonia est conductrice de moissonneuse-batteuse dans une ferme collective de Chuvash, dans la Russie des années cinquante. Son mari est revenu de la Seconde Guerre Mondiale amputé des deux jambes, et ses deux fils sont encore petits, elle doit donc travailler dur pour assurer la subsistance de la famille. Tellement dur qu’elle reçoit chaque année la bannière de la meilleure ouvrière, ce qui fait sa fierté mais la plonge aussi dans le plus grand désarroi quand elle constate que celle-ci est la proie des souris. Elle n’a plus qu’une solution, la regagner tous les ans.

LA SOURIS ET LA BANNIERE

Marina Razbezhkina est une réalisatrice de documentaires réputée pour le regard drôle et charmant qu’elle porte sur le peuple russe dans ses films. Cette grande connaissance des mœurs locales lui fut une aide précieuse pour le tournage de son premier long métrage, tiré d’une histoire vraie qui lui fut racontée par sa voisine de lit lors d’un séjour à l’hôpital. Il ne lui restait plus qu’à trouver l’endroit et les acteurs qu’elle voulait, dans un souci d’authenticité, non professionnels. Ainsi, seule Ludmila Motornaya, qui joue Antonia, est une professionnelle. La période de pré-production a d’ailleurs duré plus longtemps que le tournage, qui s’est étalé sur 20 jours avec peu de répétitions, afin de conserver une certaine spontanéité de la part des apprentis-acteurs. Le film est rythmé par les chansons paysannes et la voix off de l’un des fils d’Antonia, voix qui vient en fait d’outre-tombe. Celui-ci se souvient des événements qui sont racontés dans le film. Il y a peu de dialogues entre les époux, Antonia est peu à la maison et, quand elle est présente, plus occupée à réparer sa bannière qu’à s’occuper de son mari ou de ses fils. C’est avec cette bannière, signe de reconnaissance et de fierté pour Antonia, que le malheur va entrer dans la maison. Tout le temps qu’elle ne passe pas aux champs est désormais consacré à la bannière, d’autant plus quand les souris décident de s’y attaquer. Il ne faut surtout pas que les voisins s’en aperçoivent. Qu’importe si son mari délaissé se met à boire, si les enfants sont livrés à eux-mêmes. Quand elle regardera autour d’elle et prendra la décision de sacrifier un jard pour sauver l’âme de son mari, il sera déjà trop tard. Il lui restera sa nouvelle bannière pour se consoler.

DOULOUREUSE POESIE

The Harvest Time est une petite merveille et chaque minute des soixante-huit qui composent le film reflète une grande tendresse pour les personnages et le grand talent de la réalisatrice pour mettre en magnifiques images la Russie des années cinquante. Que ce soit les plans baignés de soleil de l’intérieur de la maison, s’attardant sur le ballet des particules de poussière, la caméra qui se pose sur la voiture en bois du tout petit, ou encore la venue du "cirque", moments de poésie volés dans la difficulté du quotidien. La vie est filmée avec une caméra fixe, sans ajout, exactement comme elle se déroule, donnant peut-être un aspect documentaire au film mais ce, dans le souci d’authenticité cher à la cinéaste. Ainsi, elle emmène vraiment le spectateur dans les années cinquante avec Antonia et montre à quel point la vie était alors ardue dans le Kohlkoze, et l’intérêt superficiel des gens importants pour les paysans, venant une fois l’an pour remettre la bannière et ne s’attardant point. Avec sa dernière scène, située dans le présent, la réalisatrice regrette également avec une certaine nostalgie que le passé disparaisse et avec lui ses enseignements. De l’histoire de la famille d’Antonia ne va survivre qu’un bout de la précieuse bannière, qui va maintenant orner les cheveux d’une adolescente. Le reste est jeté à la poubelle, oublié, plus rien n’étant sacré de nos jours. Le film de Marina Razbezhkina ne risque pas de subir le même sort tant il parvient à toucher le spectateur avec ses images remplies de lumière malgré le destin tragique de ses héros.

par Carine Filloux

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