Grande Séduction (La)

Grande Séduction (La)
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Grande Séduction (La)
Canada, 2003
De Jean-François Pouliot
Scénario : Ken Scott
Avec : Raymond Bouchard, David Boutin, Benoît Brière, Pierre Colin, Clémence Desrochers, Lucie Laurier
Durée : 1h50
Sortie : 28/04/2004
Note FilmDeCulte : **----

A Sainte-Marie-la-Mauderne, on a des idées et il ne manque plus que le pétrole. Pour faire venir les financiers dans cette petite île modeste afin d’y bâtir une usine, les habitants, majoritairement des vieux pêcheurs usés par la mer, doivent se trouver un docteur qui accepterait de s’installer loin de tout confort moderne. A force de stratagèmes, les autochtones futés vont tout faire pour qu’il "tombe en amour" avec leur patelin…

NIAISERIES SANS JARNIGOUENNE

Archétype de la comédie familiale couleur locale, policée et programmée pour l’exportation, La Grande Séduction, succès surprise en son pays, sans viser au chef-d’œuvre cinématographique, disposait a priori d’un capital sympathie fanfaronne suffisant pour diffuser un charme mou et printanier sur les salles hexagonales. Galerie de trognes, accent à couper au couteau volontairement exagéré mais expurgé de tout juron pour sorties en famille pop-corn sur les genoux, fable sociale à morale lourdingue, humour gentillet… Un peu de démagogie pour lier le tout et l’on aurait pu tenir une sorte de Billy Elliot à la canadienne. Seulement voilà, là où le cinéma anglais porte en ses gènes une conscience sociale marquée par le post-thatchérisme, celle de La Grande Séduction a quelque chose de douteux qui fleure aigre et qu’on aurait tort de passer sous silence. Sous l’œil de l’ex-publicitaire Jean-François Pouliot, cette histoire de vieux loups de mer en quête de reconnaissance sociale, excentrés sur une petit île répondant ironiquement au doux nom de Sainte-Marie-la-Mauderne, se pare d’atours libéraux de fort mauvais effet. Règne du paraître, salut dans l’argent, fonctionnariat brocardé, rêve de décentralisation, sacralisation de la valeur travail (pour survivre, bâtissons donc une usine!), déni de culture (une vieille bâtisse décrépie classée monument historique en guise de cache-misère)… Tous vents droitiers qui ne dépareraient pas, par chez nous, dans un spot de pub pour le Medef.

COMME L’IMPRESSION DE POGNER UN CRAPET

Certes, au-delà de ces considérations politico-sociales qui, qu’on le veuille ou non, minent le joli paysage insulaire, un squelette classique de comédie transparaît par instants. De fait, l’on rit, parfois. Rares, ces instants de légère hilarité nerveuse se font dès lors dans une culpabilité latente. Visages rougeauds du Canada d’en bas Vs yuppies cocaïnomanes du Canada d’en haut, quiproquos de télé-réalité (le jeune docteur censé "tomber en amour" avec Sainte-Marie-la-Mauderne est constamment espionné comme les lofteurs dans leur cage à lapins)… L’on est sans cesse partagé entre rire gras façon Grosses Têtes et dépit agacé. D’autant que les quelques moments potentiellement "sauvables", outre une poignée de dialogues qui, à force d’accumulation, finissent par faire mouche, sont trop souvent gâchés par une mise en scène peu inventive. La scène d’ouverture mise à part, jolie mise en images de la sublimation enfantine du départ nocturne des pêcheurs pour le grand large, la réalisation brille en effet par son absence de personnalité. Ainsi, l’une des scènes les plus prometteuses – un match de cricket improvisé en toute ignorance des règles – se résume à un enchaînement de plans fouillis, sans la moindre prise en compte de l’espace et des effets comiques que sa gestion aurait pu entraîner. Les acteurs ont beau en faire des caisses, les costumes ont beau assumer leur quota de cocasserie, rien à faire, ça ne décolle pas. Quant au scénario, on ne dévoilera pas grand-chose en vous le révélant promis au happy end et à un désamorçage moralisateur de toute acidité. Aussi, dans le registre comédie sociale étrangère gentiment piquante, on préfèrera donc en rester à la Grande-Bretagne et ses Vieilles Canailles autrement plus inspirées.

par Guillaume Massart

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