God Loves Uganda

God Loves Uganda
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God Loves Uganda
États-Unis, 2013
De Roger Ross Williams
Durée : 1h23
Note FilmDeCulte : *****-
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Ce documentaire nous plonge au cœur des évangélistes extrémistes américains de l’International House of Prayer. En nous faisant rencontrer les principaux acteurs de la croisade que ce groupe mène en Ouganda, le film explore le rôle et les moyens mis en œuvre par cette armée d’un nouveau genre pour obtenir l’adoption de lois homophobes allant de l’appel à la délation jusqu’à la condamnation à mort. Grâce à leurs charismatiques guides spirituels et leurs campagnes généreusement financées, ces lois et les politiciens locaux qui veulent bien les soutenir ont sournoisement gagné le cœur des Ougandais. Pourtant, comme le montre le film, ce qui les inspire et l’argent qui finance leurs campagnes ne vient ni d’Afrique ni de Dieu mais bien de l’un des plus riches et puissants groupes religieux américains. Une plongée au cœur des ténèbres.

WHITE GOD

Le Dieu qui aime l’Ouganda est un Dieu blanc. Un Dieu américain, riche et conservateur. Un Dieu qui, sous couvert de charité chrétienne, ré-applique d’anciens réflexes colonialistes. Aimé, l’Ouganda ? L’un des pays où l’épidémie du Sida a fait le plus de ravage, au point que les autorités internationales prévoyaient que le pays allait tout simplement finir par disparaître ? L’Ouganda est même adoré, presque vénéré, par l’organisation américaine International House of Prayer, l’IHOP, qui voit en « la perle de l’Afrique » un pays qui a tout à reconstruire, un ground zero propice à tous les nouveaux départs, un terrain vague à paysager selon sa propre vision. God Loves Uganda n’est pas un documentaire sur l’homosexualité ou l’homophobie. Le film n’a que peu de place à offrir à la situation telle qu’elle est vécue par les homosexuels, mais dans un pays où l’on peut se faire tuer impunément en pleine rue pour être homo (ce fut le sort réservé au militant ouvertement gay David Kato), difficile de reprocher la rareté d’une parole libérée. God Loves Uganda n’aborde le sujet de l’homophobie qu’au bout d’un certain temps, et s’en sert surtout comme exemple pour illustrer les mécaniques de colonisation et de propagande religieuse. Il y a ici plus d’un point commun avec le documentaire Jesus Camp. D'abord dans la forme (très Sundance : efficace, avec une jolie photo mais aussi avec un peu de manichéisme, quitte à convaincre surtout un public déjà acquis) mais également dans la force brute et glaçante de ce qu’il montre : une organisation à l’échelle internationale d’illuminés qui se qualifient sans rire d’armée de Dieu, pour qui les mots valent bien les armes. Et le meilleur moyen de faire passer les gens pour des fous est encore de leur laisser pleinement la parole, de les laisser exposer eux-mêmes leur vision du monde.

Cette organisation proche de la droite conservatrice la plus sévère, s’est fait rejeter de plusieurs autres pays en voie de développement, là où les gens avaient suffisamment de ressources pour refuser leur aide, et assez de recul pour se méfier de la contrepartie. En envoyant des vagues de jeunes missionnaires blancs aux sourires irrésistibles et à l’optimisme candide, l’IHOP avance avec les meilleures intentions : répandre la « bonne parole » et œuvrer pour le bien. Mais glissés entre les versets de la Bible appris par cœur, ces gentils petits soldats exportent aussi naïvement les valeurs et les idées politiques du mouvement. Comme tout bon dominateur, l’IHOP a réussi à se rendre indispensable à l’épanouissement du pays à coup d’écoles ou d’aides budgétaires. Ce faisant, elle a réussi à exporter de semi-gourous qui n’étaient strictement personne chez eux (le pasteur Scott Lively, qui est depuis en procès pour crimes contre l’humanité, ou encore une ex-lesbienne refoulée), qui ont réussi à influencer un pays entier au point de se retrouver invités au débat parlementaire. Ce lavage de cerveau fonctionne grâce une manipulation de l’information qui ferait presque rire (une séance de diapos scato-cuir-extrêmes, censées illustrer les pratique de chaque homosexuel), si elle ne faisait pas froid dans le dos. Car il n’y a hélas rien d’anachronique dans cette guerre secrète : fin 2014, deux ans après les premières projections du film, la loi ougandaise condamnant l’homosexualité est actuellement sur le point d’être adoptée, malgré l’opposition de Barack Obama et des organisations internationales. En dépit d'une forme lisse, God Loves Uganda est donc un documentaire passionnant, souvent effrayant, qui vient rappeler que ce n’est pas l’Afrique qui est homophobe : cette haine est 100% occidentale. Et blanche.

par Gregory Coutaut

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