Femme est l'avenir de l'homme (La)

Femme est l'avenir de l'homme (La)
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Femme est l'avenir de l'homme (La)
Corée du Sud, 2004
De Sang-Soo Hong
Scénario : Sang-Soo Hong
Avec : Sung Hyun-Ah, Kim Tae-Woo
Durée : 1h25
Sortie : 19/05/2004
Note FilmDeCulte : *****-

Deux anciens amis d'enfance devenus l'un cinéaste fauché, l'autre professeur de dessin, se retrouvent dans un bar à saké. Ils se souviennent de la fille dont ils étaient éperdument amoureux. Le lendemain matin, ils décident de partir à sa recherche.

LA PREMIERE GORGEE DE SOJU

Après les énigmes du cru, après les légendes ancestrales, Hong Sang-soo convoque Aragon et l’avenir qu’il pressent féminin pour ouvrir la porte de son cinquième film. L’occasion d’installer sous un lit de neige les souvenirs morcelés et communs de deux personnages à la dérive de velours, anesthésiés par les excès d’alcool ou l’usure quotidienne du passé qui s’enfuit. L’un est revenu de ses escapades lointaines qui n’ont guère éteint le feu doux-amer des regrets, l’autre a préféré couvrir ses flammèches d’un grand tapis épais en se mariant et achetant une belle maison. Les retrouvailles sont d’abord malaisées, réveillant maladroitement des corps endormis depuis belle lurette. Puis l’alcool autour d’une table, et une conversation plongeant dans un ruisseau de souvenirs permettent la communion muette, enfant d’un tour de magie du cinéaste. Deux vieux amis face à face, séparés du monde à jeun par une grande vitre qui les entoure, posés ainsi dans l’aquarium transparent de la mémoire. L’un des deux s’absente, l’autre aperçoit une jeune fille sur le trottoir. Indistinctement, le nuage du passé se forme, et le flash-back s’immisce en quelques notes de musique et un changement de saison. Le sort est fragile: une courte discussion avec une serveuse, puis un pano qui s’échappe du cadre strict du souvenir, et le présent est rappelé à l’ordre. La magie quotidienne de Hong Sang-soo marche sur un même principe d’une limpide évidence.

I WILL SING YOU AN AMBER SONG

Dans la jeune oeuvre du réalisateur coréen, on se bat souvent pour rattraper ce qui ne peut l’être - les désirs perchés trop hauts, les souvenirs laissés trop loin. Comme le professeur d’art l’explique à ses élèves, on «retrouve» le passé plus qu’on ne le revit, on visite son monument, on y règle ses comptes puis on oublie. Le passé et l’avenir sont l’envers et l’endroit d’un même tissu qui distille son parfum enivrant comme l’alcool de soju, ce liquide surnaturel qui permet de passer de l’une à l’autre des rives. De son côté, la femme est le bel objet du passé, lavé soigneusement sous une douche, abandonné sans élégance dans un hall d’aéroport, mais elle est aussi la clef de l’avenir: elle observe ses hommes chiens qui lapent leurs verres avant le coït, pendant qu’Hong Sang-soo capte la mélancolie de ses songe-creux avachis. Alcool triste et spleen douceâtre. L’épure et la précision de la mise en scène, de ces cadres où il se passe tant de choses, dénudent les sentiments, comme lors de la formidable scène dans l’appartement de Sunhaw, où les langues et les cœurs se libèrent - encore une fois autour d’un verre de trop. Les mélodies anodines du Coréen atteignent une justesse souveraine au détour d’une discussion qui dérape et de ses humiliations, de fins de nuit ivres sur un canapé ou de petits matins à la gueule de bois. L’avenir est compliqué mais mérite de partir à sa recherche. Laissé au bord d’une route, l’anti-héros aura toujours un peu d’alcool pour échapper à son âpreté.

par Nicolas Bardot

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La belle plante coréenne que recherchent les deux anciens complices est incarnée par Sung Hyun-Ah, ancienne Miss Corée du Sud en 1997.

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