Festival de Gérardmer: February

Festival de Gérardmer: February
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
February
États-Unis, 2015
De Oz Perkins
Scénario : Oz Perkins
Durée : 1h33
Note FilmDeCulte : *****-
  • Festival de Gérardmer: February
  • Festival de Gérardmer: February

Parce qu’étrangement leurs parents ne sont pas venus les chercher pour les vacances d’hiver, Rose et Kat sont retenues dans la prestigieuse institution pour jeunes filles où elles suivent leurs études. Dans un pèlerinage sanglant à travers les paysages gelés, Joan décide de s’y rendre. Au fur et à mesure qu’elle s’en rapproche, Kat est assaillie de visions terrifiantes et Rose voit avec horreur sa camarade devenir possédée par une force invisible et maléfique.

Il y a des films livrés clés en main, expliqués de A à Z, et il y a les films qui manient les virages et les non-dits jusqu'à préférer former un élégant et stimulant point d’interrogation plutôt qu'un point final net. Toute première réalisation de l'Américain Osgood Perkins (frère du chanteur Elvis, et fils d'Anthony), February est un long métrage aussi mystérieux que son titre est sibyllin. Le genre de film sur lequel, à vrai dire, il vaut mieux en savoir le moins possible. Cela tient certes au fait que ce récit à la construction saccadée possède plus d'une surprise en réserve, mais l'écriture cinématographique est ici plus ambitieuse et exigeante qu'un simple enchaînement de coups de théâtre. Quand de nombreux jeunes réalisateurs se contentent de singer leurs références, Perkins ré-assemble les codes du genre dans une formule qui lui est propre.

Un décor familier semble nous accueillir : une école de filles quasi-désertée pendant les vacances d'hiver et plongée dans un mystérieux silence. On croit se trouver en plein dans la sous-famille fantastique du film de pensionnat de jeunes filles, et finalement pas du tout. La séquence d'introduction nous met pourtant sur la piste : en quelques plans très brefs, avec une économie de dialogues (et donc d'explications) et un découpage qui fait la part belle à l'ellipse, Perkins crée d'emblée une ambiance bien particulière et nous prévient - les indices sont là, ne les laissez pas passer. La tension est glaciale et pourtant le potentiel mélodramatique semble guetter les personnages à chaque coin de rue.

Ce n'est pas la seule ambivalence de l'incroyable atmosphère de February. Des choix de mise en scène très maîtrisés et une ambiance pesante y côtoient des aisances et subtilités d'écriture qui forcent le respect. Certains codes attendus du genre sont totalement ignorés (pas de puberté, de rivalité féminine, ou même de scène de douche) au profit d'un récit étonnamment détaché de certaines contraintes narratives (à quelle époque cette histoire est-elle censée se dérouler exactement ?). Un récit qui parvient à changer de protagonistes en cours de route, à alterner les points de vue, et même amalgamer les genres parfois dans la même scène (surnaturel, slasher). Le jeu de piste est parfois imparfait, demande une attention particulière, et pose parfois plus de questions qu'il n'offre de réponse quitte à semer certains spectateurs en cours. Mais il se révèle par moment tout simplement hypnotisant.

Le rythme très particulier de l'ensemble, lent (sans pourtant que le long métrage paraisse long, une petite prouesse), y est également pour beaucoup. Le plus fascinant paradoxe de February tient d'ailleurs dans le fait que derrière cette partie de puzzle au ralenti, qui pourrait paraître trop maîtrisée, calculée, et derrière l'horreur parfois très concrète à l’œuvre, le mélodrame finit par reprendre le dessus. Les personnages ont la place d'exister, de respirer, mis en valeur par des interprètes convaincantes (dont l'excellente Kiernan Shipka). Cet ultime jonglage est peut-être bien le plus radical : en plus d'être un vrai film fantastique, en plus d'être un petit tour de force d'écriture, February se révèle bouleversant. Comme une étrange métaphore filée sur le deuil, le premier film est à la fois glaçant et poignant.

par Gregory Coutaut

Commentaires

Partenaires