DVD: La Duchesse de Varsovie

DVD: La Duchesse de Varsovie
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Duchesse de Varsovie (La)
France, 2015
De Joseph Morder
Avec : Andy Gillet, Alexandra Stewart
Durée : 1h26
Sortie : 25/02/2015
Note FilmDeCulte : ****--
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Valentin est un jeune peintre qui vit dans le monde imaginaire de ses tableaux. Lorsqu'il retrouve sa grand-mère Nina, une émigrée juive polonaise dont il se sent très proche, il lui confie son manque d'inspiration et sa solitude. Au fil de ces quelques jours passés ensemble dans un Paris rêvé, Valentin exprime de plus en plus le besoin de connaitre le passé que Nina a toujours cherché à dissimuler...

PARIS NOUS APPARTIENT

Attention : curiosité. La Duchesse de Varsovie, c’est à la fois l’art de parler de choses graves sans en avoir l’air, l’art de faire un cinéma moderne avec des références classiques, et l’art de passer par l’artifice pour parvenir à l’émotion. A la base de ce drôle de film, il y a un drôle de principe : faire jouer deux comédiens devant des décors uniquement composés de toiles peintes. Un concept à l’économie assumée, comme un hommage aux origines foraines et bricolées du cinéma, et qui rappelle d’ailleurs moins le dernier Resnais (les comédiens d’Aimer boire et chanter jouaient déjà devant des bâches de couleurs) que Rohmer. Le Rohmer de Perceval surtout, dans lequel la fausse naïveté du décor s’adaptait en fait savamment au point de vue des personnages. Le Paris de La Duchesse de Varsovie est un Paris peint, un Paris fantasmé, un tour de vieux carrousel qui mélange la douceur des impressionnistes et à la fantaisie colorée des comédies musicales hollywoodiennes. Un Paris en forme de terrain de jeu, quelque part entre la Nouvelle vague et Drôle de frimousse, mais un Paris littéralement en carton. Ici on ne chante pas, on ne danse pas (ou presque), mais c’est tout comme. Si ce Paris est fantasmé, c’est parce que Valentin et sa grand-mère Nina ont besoin d’y rêver à voix haute, de s’inventer une place à défaut d’en trouver une.

« Plus le sujet est grave, plus il faut le traiter avec légèreté » dit Joseph Morder, et en effet, La Duchesse de Varsovie dévoile sa profondeur progressivement (quitte à passer par quelques baisses de rythme). Le rêve en couleurs roses ne cache pas toujours une réalité parfois sordide (comme dans une scène de boîte gay particulièrement peu banale) et une vraie amertume. Dans une ville où tout parait toc, les gens qu’ils croisent ponctuellement ne sont « joués » que par des silhouettes en carton. A deux exceptions près : un fantôme, et deux stars d’un film muet (rôle dans lequel on retrouve Rosette qui, avec Andy Gillet, fait à nouveau planer l’ombre de Rohmer). Seuls les morts leurs paraissent aussi vivants qu’eux. Le Paris de carte postale qui s’offre à eux ressemble à une ville idéale pour les étrangers. C’est que Nina vit une vie d’apatride, exilée loin d’un passé trop sombre pour être évoqué. La révélation de ce passé fait d’ailleurs basculer le ton mais aussi la mise en scène du film, qui en perd son décor. Comment montrer l’indicible autrement que sur le visage de survivants ? Le visage d’Alexandra Stewart, sur fond noir, c’est la seule chose que l’on voit durant une longe séquence radicale et assez impressionnante. L’envie de danser passe définitivement.

Mais derrière son économie de bouts de ficelle, derrière un dispositif poétique presque primitif, La Duchesse de Varsovie est un film moderne, qui redonne tout son poids à la parole. La parole prise par les personnages les libère, la révélation de secrets brise leur incapacité à vivre pleinement. Mais c’est surtout la parole en tant que geste cinématographique qui retrouve ici sa vraie place. C’est le paradoxe des films qui assument leur artificialité avec élégance : il y est parfois plus émouvant et évocateur de filmer un personnage dire qu’il va faire quelque chose, plutôt que de filmer directement cette action.

par Gregory Coutaut

En savoir plus

La Duchesse de Varsovie sort ce mardi 18 août en dvd.

Bonus
Lors d'une interview croisée de 20 minutes, le réalisateur Joseph Morder et ses acteurs Alexandra Stewart et Andy Gillet reviennent sur la genèse du long métrage. Plus particulièrement, Morder explique que La Duchesse de Varsovie est né d'un documentaire sur sa propre mère déportée. Comment raconter cette histoire sans reconstituer ce qui n'est montrable, le réalité des camps ? Morder cite également ses influences américaines pour le film (comme Drôle de frimousse, Gigi, et ces productions américaines se déroulant dans un Paris rêvé) et évoque le long travail de préparation des décors, des photographies initiales aux peintures utilisées dans le film.
Un making-of d'une douzaine de minutes prolonge cette exploration des coulisses avec une plongée dans les ateliers où sont construits les décors si particuliers. Ce bonus montre ensuite comment ces décors ont été exploités pendant le tournage. Gros morceau de ces suppléments, Joseph Morder revient en détails sur la conception du film lors du commentaire audio.

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