Dogville

Dogville
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Dogville
Danemark, 2003
De Lars von Trier
Scénario : Lars von Trier
Avec : Harriet Andersson, Lauren Bacall, Jean-Marc Barr, Paul Bettany, James Caan, Ben Gazzara, Nicole Kidman, Chloë Sevigny
Durée : 2h58
Sortie : 21/05/2003
Note FilmDeCulte : ******

Dogville est un petit village perdu dans les Rocheuses. Une nuit, Tom entend des coups de feu dans la vallée. Poursuivie par des gangsters, une jeune femme lui demande de l’aide. Il accepte et réussit le lendemain à convaincre les villageois de la protéger.

LA VIE NOUVELLE

Dogville marque une étape importante dans la filmographie de Lars von Trier. Le génial cinéaste danois inaugure avec ce film une troisième trilogie dont le sujet sera l’Amérique. Provocateur né, l’auteur de Breaking the Waves répond aux critiques acerbes des journalistes outre-atlantiques qui lui reprochaient, dans Dancer in the Dark, sa vision étriquée des Etats-Unis - pays où il n’a jamais mis les pieds. L’attention de LVT se focalise ici non pas sur une reconstruction historique de la réalité, mais sur sa portée symbolique. Dès lors, le choix de mise en scène se justifie. Le créateur du Dogme lance un pari audacieux. Un hangar suffit à représenter une ville. Les rues et les maisons sont délimitées à la craie, les murs éclairés ou assombris selon l’heure de la journée. Un rapport de connivence s’installe avec le spectateur qui, comme dans un jeu d’enfant, doit faire abstraction des habituels schémas de représentation. Mais attention: il ne s’agit en aucun cas d’une expérience de théâtre filmé. La réalisation virtuose met l’accent sur le filmage à l’épaule et se concentre sur la tragique destinée de Grace, nouvelle martyre du cinéaste scandinave.

AMERICA, AMERICA

Inspiré par les paroles de la chanson Pirate Penny de L’Opéra de quat’sous écrit par Bertolt Brecht et Kurt Weill, le scénario de Dogville multiple les sens de lecture. Narrée par une voix off ironique qui rappelle celle de Barry Lindon (l’un des films préférés du cinéaste), l’histoire se veut une fable sur la cruauté humaine, découpée en neuf chapitres d’une durée quasi équivalente. Ces mêmes chapitres sont précédés d’un laïus explicatif souvent hilarant. Chaque personnage de Dogville occupe un rôle précis dans la communauté. Une caractérisation extrême qui ne les empêche aucunement d’exister à l’écran. Tel est le miracle de Dogville, grand jeu de massacre ludique et métaphorique, aussi bouleversant que théorique. Lars von Trier situe volontairement l’intrigue dans une Amérique de cinéma. Les Raisins de la colère croisent Le Parrain, Thomas Edison tombe amoureux de Grace, jolie blonde hitchcockienne, sans bien sûr oublier les shérifs, les voitures américaines, l’ambiance folklorique d’une ville des Rocheuses, la nounou noire et l’importance du clocher dans l’intrigue. Il nous plonge avec délectation dans un univers familier, vendu par Hollywood comme la charmante petite bourgade américaine. Le retour à la réalité n’en sera que plus rude.

CHIENS DE PAILLE

Dans une seconde partie ponctuée par d’incroyables fulgurances esthétiques, le réalisateur danois met à jour les bassesses de l’être humain, prêt à tout pour profiter de la faiblesse d’une étrangère apeurée. Pas de bons ni de méchants, juste l’(in)humanité dans toute sa lâcheté et son égoïsme. Nul n’échappe au scalpel acéré du Scandinave et surtout pas Tom, le bon garçon vertueux et prêt à aider son prochain. Pierre après pierre, LVT démonte le fameux rêve américain avec une évidente jubilation et un subtil mélange de chaud et de froid. Connecté avec le réel, le générique final tient lieu de morale de l’histoire. L’Amérique, à travers laquelle l’humanité espère retrouver le paradis perdu, a échoué. Accompagnée par des seconds rôles prestigieux (Ben Gazzara, Paul Bettany, Lauren Bacall, Chloë Sevigny et James Caan), Nicole Kidman éblouit la pellicule dans le rôle de Grace. Merveilleusement dirigée, l’actrice australienne apporte au personnage son visage fragile et déterminé, sans jamais sombrer dans l’hystérie. Une performance en or dans le chef-d’œuvre d’un cinéaste décidément pas comme les autres. Tous deux ont décidé de poursuivre l’expérience dans Mandalay qui conservera le même principe de mise en scène. Une chance pour le cinéma.

par Yannick Vély

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