Detention

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Detention
États-Unis, 2011
De Joseph Kahn
Avec : Josh Hutcherson
Durée : 1h30
Note FilmDeCulte : *****-
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Adolescente paumée, Riley tente de survivre à la pression quotidienne d’un lycée complètement azimuté et frappé par un tueur tout droit échappé d’un authentique slasher. Mais l’établissement recèle aussi d’autres secrets…

LA COLERE DE KAHN

Après s'être fait un nom dans le milieu du clip - on lui doit notamment celui, formellement déjanté, de "Freeek! de George Michael ou l'amusant "Without Me" d'Eminem - Joseph Kahn avait fait ses débuts au cinéma avec Torque, sous-Fast & Furious à moto, décomplexé et conscient de soi mais n'ayant rien à raconter et limité à quelques scènes d'action numériques impressionnantes. Contre toute attente, ce n'est pas sur la voie du blockbuster que Kahn a préféré suivre son chemin. Après avoir été un temps pressenti pour réaliser Superman et après avoir développé une adaptation du Neuromancien de William Gibson, le metteur en scène s'est réfugié à nouveau dans le clip avant de faire son retour loin des studios, avec un film indépendant qu'il a financé lui-même, lui permettant absolument tous les excès. Lors de sa présentation au Paris International Fantastic Film Festival, Kahn évoque comment "réaliser un premier film pour Hollywood, c'est aussi excitant que la première fois qu'on va coucher avec quelqu'un, mais travailler avec un studio, c'est découvrir que son partenaire sexuel est un catcheur de 200kg qui veut être le dominateur". Quand bien même ne l'aurait-il pas précisé, le spectateur comprend, et ce dès les premières minutes, que ce deuxième long métrage est "la matérialisation de ce que j'ai dans la tête". Ses clips les plus barrés et le second degré de son premier film préfiguraient dans une certaine mesure ce Detention qui s'impose comme le bébé de Joseph Kahn à 4600%. Et c'est un bon gros bébé bien turbulent que Brian Taylor & Mark Neveldine, les créateurs d'Hypertension ont qualifié comme la "sœur déglinguée adepte de scarification de Scott Pilgrim". Si le film ne témoigne pas de la maîtrise formelle et narrative d'Edgar Wright, il est clair que les deux films sont parents, enfants d'une même génération, gavés de références et d'influences qu'ils tentent de digérer et de régurgiter au mieux. Ainsi Joseph Kahn adopte-t-il le décorum de fleurons des années 80 (de Breakfast Club à Retour vers le futur en passant par Freaky Friday - l'original, directement cités voire parodiés) pour écrire une lettre d'amour aux années 90 (sa musique, sa mode, ses séries TV) dans un style totalement 2000, voire 2010 (mise en scène hyper-kinétique et déluge d'informations à assimiler comme on navigue sur une fenêtre à onglets). Kahn a abandonné ses gimmicks de mise en scène clippesques les plus voyants mais signe tout de même un film dont la logique interne semble être celle d'un clip, où l'on peut changer de genre à l'envie, où l'on se permet tout, avec un visuel ultra-léché, abondant de flares comme il les aime.

MY GENERATION

Le cinéaste le résume très bien : c'est un film pour la génération SMS/Twitter. C'est à cette vitesse-là que carbure le film qui ne laisse littéralement pas UN moment pour respirer. Cette approche sera à n'en pas douter proprement détestable aux yeux de certains, tant dans la forme que dans le fond. Parce qu'il y a, dans ce gros délire nawakesque qui semble juste tout prendre au 367e degré, un cynisme qui peut paraître facile ou fatiguant mais qui s'avère en réalité une déconstruction des codes d'un genre (le teen movie, et le slasher dans une moindre mesure) - moqués, détournés, tordus dans tous les sens (les nerds pas puceaux, le mec cool pas superficiel, l'athlète gros freak, par le biais d'un improbable hommage croisé La Mouche/Spider-Man!!) - visant à traiter d'un âge difficile à surmonter, où le lycée semble être la fin du monde. Detention est un film qui déborde de clins d'œil et de name dropping, les transpirant par tous ses pores, mais c'est un film à références sur la manière dont on se définit justement par des références. Plus "méta", tu meurs. Les protagonistes, qui semblent ne communiquer que par le biais de commentaires sur eux-mêmes et leur fonction dans la hiérarchie du bahut et du film, n'ont de cesse de chercher à être branché en se réclamant de modes passées, jusqu'à défier la réalité pour y parvenir. Le récit prend un chemin alambiqué pour finir par dire "ça va aller" à la jeunesse d'aujourd'hui, comme un mix inattendu de Scott Pilgrim et Lolita malgré moi. Et comme dans Scott Pilgrim, les hipsters en prennent pour leur grade. Entre le rythme sans relâche et l'avalanche de blagues, pas le temps de s'ennuyer. Et si pendant trois quarts d'heure l'intrigue est fort sympathique, c'est la deuxième moitié qui projette d'un coup le film à l'étape supérieure, l'intrigue explosant, le cinéma de genre faisant pleinement son apparition, et la thématique aboutissant à son point d'orgue plutôt touchant.

par Robert Hospyan

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