Forum: Deadweight

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Deadweight
Allemagne, 2016
De Axel Koenzen
Durée : 1h28
Note FilmDeCulte : *****-
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Ahti Ikonen est le capitaine d'un navire marchant. Sous la pression de sa hiérarchie, il enfreint les règles de sécurité lors d'une escale, et l'un des membres de son équipage décède. Ahit doit faire face à ses responsabilités.

MAITRE A BORD

Qui donc est le poids mort du titre, dans cette histoire ? L'ouvrier récalcitrant dont le décès met en danger tout l'équipage, ou bien le capitaine, responsable aux yeux de tous du fatal accident? Ou bien est-ce ce sentiment de culpabilité que ce dernier traîne comme un boulet ? Le visage fermé sans être pour autant impénétrable, viril sans être une brute, le capitaine Ahti Ikonen est maître à bord. Mais maître de quoi ? En tout cas pas de la destinée ou des réactions de son équipage, aux nationalités et langues toutes différentes. Si Deadweight fait effectivement ce qu'on appelle le portait d'un personnage, il le fait avec une discrète singularité: en s'attachant à montrer l'impossibilité de la personne à se dédouaner de sa fonction, du rôle qu'il lui est imparti.

Ahti n'est ni un lâche ni un héros. S'il émeut, c'est parce que personne autour de lui ne laisse le choix: personne ne veut le considérer autrement que comme le capitaine. Pas d'histoire d'amour parallèle (un regard un peu trop insistant de la part d'une assistante sert d'unique indice - un détail d'ailleurs bouleversant), pas d'explications sur sa vie ou son passé en dehors du bateau. Deadweight ne romantise jamais la vie à bord, et de fait, le film demeure jusqu'à la fin d'une retenue qui pourrait passer pour exigeante. Il y a pourtant dans ce stimulant portrait en creux des qualités d'écriture rares et qui ne trompent pas. Ce réalisme poussé plus loin qu'ailleurs (lors d'une scène nocturne, une actrice a carrément des traces d'oreiller sur la joue !), cette sobriété qui parvient à dire beaucoup, l'émotion qui naît de la tension intérieure de personnages peinant à trouver leur place : Deadweight est un digne héritier du mouvement de l'Ecole de Berlin. La présence au casting de Jeanne Balibar (dans un rôle d'enquêtrice – quelle bonne idée) permet d'ailleurs un clin d’œil à A l'age d'Ellen de Pia Marais, autre révélation allemande récente.

Malgré ses remous intérieurs, Ahti garde une contenance apparente. Le vernis craquelle par instants mais n'explose jamais vraiment. Bien vu: les larmes retenues sont toujours plus émouvantes que les larmes colériques. Comme souvent avec le jeune cinéma allemand le plus pointu, on pourrait croire Deadweight prisonnier de son hyperréalisme. Comme si ne filmer que des choses réelles et anti-spectaculaires trahissait une ambition trop terre-à-terre de la part de l'auteur. Rien de plus faux, comme vient le prouver un dénouement inattendu, qui remet en perspective le parcours de Ahti. Deadweight n'est peut-être pas tant un film sur la culpabilité qu'un film sur la difficulté et la nécessité pour un individu d’appartenir à un groupe, à transmettre quelque chose de soi aux autres. Tant qu'il y aura des premiers films allemands aussi aboutis, la source de l'un des meilleurs cinémas d'auteurs d'Europe ne sera pas prête de s'éteindre.

par Gregory Coutaut

En savoir plus

Notre entretien avec le réalisateur Axel Koenzen. Deadweight sera diffusé à Paris dans le cadre de La Berlinale à Paris du 4 au 15 avril. Plus d'informations à venir sur le site du Goethe Institut.

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