De battre mon coeur s'est arreté

De battre mon coeur s'est arreté
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Tom a suivi les traces de son père. Il est devenu agent immobilier, travaille avec deux associés, achète des logements insalubres pour les rénover puis les revendre au prix fort. La rencontre avec l'ancien agent de sa mère concertiste va changer sa destinée.

COMMENT J'AI TUE MON PERE

Jacques Audiard occupe une place à part au sein du cinéma français. Ni auteur post-Nouvelle Vague comme Arnaud Despleschin ou Olivier Assayas, ni membre de la fameuse génération des mordus de l'image (Mathieu Kassovitz, Jan Kounen et à un degré moindre Gaspard Noé), le réalisateur de Sur mes lèvres se construit une filmographie à l'écart des chapelles avec un style difficilement réductible ou comparable. De battre mon coeur s'est arrêté reprend les motifs de ses précédents films. Constamment en porte-à-faux vis-à-vis de l'attente de ses proches, Tom est un lointain cousin de l'affabulateur d'Un héros très discret, le frère fictif de Carla, l'héroïne de Sur mes lèvres. Reprendre sa vie à zéro. Faire du passé table rase. S'affranchir d'un père trop pesant... Difficile de ne pas établir un parallèle avec la propre destinée du cinéaste aux prises lui aussi avec un héritage paternel encombrant. Dès les premières scènes, on retrouve ce qui fait la marque d'un grand metteur en scène: cette capacité à embarquer le spectateur dans le tumulte de la vie, à saisir les contradictions des êtres et les petits moments de calme qui précèdent les grandes tempêtes. En quelques plan-séquences pris sur le vif, Jacques Audiard nous dévoile le milieu corrompu de l'immobilier, les petites magouilles entre amis, la férocité des relations humaines.

LE SOUFFLE COUPE

Pourtant, malgré ses évidentes qualités, De battre mon coeur s'est arrêté déçoit. Cette énième rédemption par la musique suit des chemins balisés et fonctionne par opposition primaire: rage masculine/douceur féminine, violence des associés de Tom/tendresse de l'apprentissage... La caméra ne lâche jamais le personnage de Tom et provoque un douloureux sentiment de trop-plein psychologique: trop de bruit et de fureur, trop de personnages secondaires psychologiquement chargés, trop de sous-intrigues peu convaincantes. Les touches d'humour, peut-être l'apport de Tonino Benacquista, évacuent parfois la tension et rendent anecdotiques certaines scènes, une partie de jambes en l'air avec la maîtresse d'un mafieux russe, la leçon de piano revue et corrigée... De ce magma finalement trop fécond, de cette partition jouée au sprint, remake de Mélodie pour un tueur (Fingers) de l'Américain James Toback, naît rarement l'émotion. L'interprétation - comme toujours avec Jacques Audiard - est pourtant brillante, le couple père-fils incarné par Niels Arestrup et Romain Duris très convaincant. Mais l'on regrettera jusqu'au bout la présence de trop grosses ficelles psychologiques et narratives.

par Yannick Vély

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