Concussion

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Concussion
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États-Unis, 2013
De Stacie Passon
Scénario : Stacie Passon
Avec : Robin Weigert
Durée : 1h33
Note FilmDeCulte : ****--
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Abby est mariée, riche et lesbienne. A 42 ans, elle s'occupe des enfants tandis que son épouse consacre ses journées au travail. C'est une famille heureuse. Sa vie bascule le jour où elle est frappée à la tête par une balle de baseball. Son quotidien lui paraît soudain insoutenable. Elle décide alors de s'inventer une nouvelle vie, faite de secrets et d'érotisme.

HAPPY ACCIDENT

Comment préférez-vous votre titre anglais? Plutôt inquiétant comme Concussion (titre américain d’origine), évoquant la commotion, l’accident et le traumatisme ? Ou plutôt positif comme Breathe (titre initialement envisagé pour la sortie française, lorsque cet article fut écrit, ndlr) à la fois en forme de réflexe de survie et de bouffée d’air frais qui fait du bien ? Sans revenir sur l’idée toujours un peu absurde de traduire un titre anglais par un autre mot anglophone, on doit bien dire que chacun de ces titres correspond plutôt bien au film en question. Suite à un coup reçu à la tête, Abby commence en effet à réaliser qu’elle étouffe dans sa vie rangée, et elle va opérer un virage radical pour se retrouver. Vous pensez avoir deviné la suite? On parie que non. Là où chez John Waters, une maman assommée serait devenue folle de son corps et obsédée (A Dirty Shame), là où dans 99% des autres films du monde ce même personnage serait parti au bord de la mer et/ou avec quelqu’un de plus jeune, Abbie a droit une destinée plus surprenante.

Il y a certes quelque chose de très classique dans Concussion, mais cela tient nettement moins à son discours qu’à sa facture. Sans doute dans cette lumière blanche saturée, à la fois un peu convenue et élégante, qu’on a l’impression d’avoir déjà croisée ailleurs, notamment dans The L Word. Concussion est d’ailleurs produit par Rose Troche, figure culte de la représentation lesbienne au cinéma, et réalisatrice, entre autres, d’épisodes de The L Word. Mais Stacie Passon, dont c’est ici la première réalisation, fait mieux qu’un simple épisode télé version longue, et s’inscrit dans une double problématique ultra-contemporaines des représentations LGBT. D’une part, l’homosexualité n’est plus traitée comme un sujet en soi : Abby est lesbienne mais cela ne change rien à l’histoire, les enjeux sont heureusement ailleurs. D’autre part les idées les plus subversives passent comme une lettre à la poste grâce à un emballage classique, faussement domestiqué. Or Concussion a beau manquer parfois de rythme, il ne manque pas de culot.

Culot de prendre pour protagoniste un personnage trop rarement filmé : une lesbienne aisée et heureuse, à la fois épouse et mère, bien dans ses baskets et bien intégrée dans sa communauté. Voilà déjà qui envoie gentiment bouler les clichés victimaires de filles dépressives, solitaires et en colère. Culot surtout dans le fameux virage pris par Abby pour changer de vie. Ne lisez pas plus loin si vous voulez conserver la surprise, tout de même rapidement dévoilée par le film. Alors qu’Abby n’a besoin ni d’argent ni d’amour, Abby décide presque joyeusement de se prostituer. Pour d’autres femmes. Bien plus jeunes qu’elles. Pourquoi ? Comme dans Jeune et Jolie : on s’en fiche. La question est éludée et là encore, l’enjeu est ailleurs : dans cette manière de prendre avec douceur le contre-pied des clichés les plus tenaces. La prostitution lesbienne existe, la prostitution peut-être un acte volontaire, et elle ne donne pas forcément lieu à la honte où à une violence glauque.

Ce contrepied ne serait qu’un autre cliché, celui d’un fantasme d’une prostitution irréaliste? Non, car il est surtout le moyen pour Concussion de multiplier les morales… les plus immorales. Abby redevient elle-même en se prostituant, et ce à la suite d’un coup porté par l’un de ses enfants (donc c’est un peu de leur faute si l’on cherche bien). Il n’est pas dit clairement qu’elle arrêtera après que son épouse l’ait réalisé, le film se terminant sur le sous-entendu d’un accord tacite entre les deux conjointes. Épouse qui, de son côté, finira par assumer elle aussi son manque d’intérêt relatif pour la sexualité. Drôle de morale (peut-être et même surtout dans un film LGBT, où la jouissance est souvent obligatoire) : la clé de l’épanouissement n’est pas forcément dans la pratique sexuelle en elle-même, mais dans la réappropriation et l’acceptation de sa sexualité, que l’appétit soit grand ou petit. Comme il est dit dans le film « Relax, breathe, be and adult, it’s just sex ». Finalement, il n’était peut-être pas si mal trouvé, ce titre français.

par Gregory Coutaut

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