Festival CPH:DOX : Cobain - Montage of Heck

Festival CPH:DOX : Cobain - Montage of Heck
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Cobain: Montage of Heck
États-Unis, 2015
De Brett Morgen
Scénario : Brett Morgen
Durée : 2h12
Note FilmDeCulte : *****-
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La vie de Kurt Cobain à travers un ensemble d'archives personnelles inédites.

AS YOU ARE

Quoi de plus connu que le destin de Kurt Cobain ? La rise and fall story qui sert trop souvent de résumé à sa vie est tellement archétypale qu’elle en est devenue presque christique. Combien de commentateurs n’ayant rien à dire sur le rock se sont-ils emparés de ces clichés top pratiques ? Combien de reportages plus ou moins (souvent moins) inspirés ont-ils été consacrés à ce musicien prodige ? Cela tombe bien, Cobain : Montage of Heck n’est pas un documentaire comme les autres. Il évite toute piste sensationnaliste pour se concentrer sur un portrait intime, se concentrant sur le jeune homme plutôt que le musicien, la star ou la figure influente. Pas de fans, de lointains collaborateurs ou d’« héritiers » musicaux réduits à 3 secondes de présence pour enchainer les « he was so great » et autres platitudes télévisuelles. Ici les intervenants sont réduits au strict minimum : les parents, l’ex-fiancée, Krist Novoselic, Courtney Love, et c’est tout. L’absence de Dave Grohl est aussi surprenante que remarquable, et Frances Bean Cobain n’apparait que bébé dans des images d’archives.

C’est pourtant (ou justement) elle qui est à l’origine de ce documentaire produit par HBO, doc qui a par conséquent eu accès exclusif à une foule de documents personnels : images jamais vues de Cobain et sa famille, vidéos familiales de son enfance, premiers concerts dans des chambres d’ados, films amateurs tournés par lui ou par Courtney Love. Le réalisateur a surtout eu accès aux journaux intimes du musicien, notes, peintures et dessins s’éparpillant de l’adolescence à l’âge adulte. Cela permet non seulement à Cobain : Montage of Heck de décoller bien plus haut que les habituels remix de vieilles interviews, mais cela lui donne surtout une profondeur émouvante. Ce que confirme l’autre audace du film : celle de mélanger les natures d’images, alterner archives et animation. Certains passages de son adolescence sont reconstitués dans des scènes d’une violente nostalgie, tandis que les mots de ses journaux s’envolent littéralement des pages. Rien que par la forme, le film possède une singularité rare.

Il est finalement très peu question de Nirvana dans ce documentaire. Les performances restent relativement rares, le coté compilation est évité par le remplacement des tubes attendus par des versions réorchestrées, reprises, décalées. Ces montages expressionnistes donnent au film son imprévisibilité, ainsi qu’un rythme surprenant qui fait passer ces deux heures en quelques minutes. Cette inventivité donne également lieu à un paradoxe. La rise and fall story devient presque l’inverse, un curieux parcours en forme de fall and rise. L’adolescence difficile et violente de Cobain dans une banlieue white trash pluvieuse laisse place l’explosion d’un génie bouillonnant puis à l’épanouissement personnel d’une vie de famille, d’une paix fragile mais réelle. Dans ce sens, la plus grande audace de Cobain : Montage of Heck est sans doute de ne pas virer à l’hommage funèbre et à se payer le luxe de s’arrêter avant la mort de son protagoniste. Ce que nous montre ce film passionnant, c’est un homme vivant, tel qu’on ne l’avait jamais vu.

par Gregory Coutaut

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