Chok Dee

Chok Dee
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Chok Dee
France, 2004
De Xavier Durringer
Scénario : Véra Belmont, Dida Diafat, Xavier Durringer, Christophe Mordellet
Avec : Dida Diafat, Bernard Giraudeau, Rit Luecha, Florence Vanida Faivre
Durée : 1h45
Sortie : 16/02/2005
Note FilmDeCulte : *****-

A sa sortie de prison, Ryan a le choix entre l’enfer des cités, du chômage et de la délinquance, et partir en Thaïlande tenter de donner un sens à sa vie. Choisissant la seconde option, il tente par tous les moyens d’intégrer le plus grand temple de formation à la boxe Thaï.

SANS LA MAITRISE, LA PUISSANCE N’EST RIEN

Popularisé par Jean-Claude Van Damme et Chuck Norris, dont la pérennité s’étendra jusqu’à la fin des années 80 auprès des Jeff Speakman et autre Eric Roberts, le film de combats, devenu un genre en soi, s’est vu rapidement confiné dans le ghetto peu glorieux des sorties vidéo et DVD. Près de quinze ans depuis les exploitations en salles de Best of the Best ou Kickboxer, dix ans depuis Le Grand Tournoi... Surprise, triple d’ailleurs, un film exploitant habilement le genre sort sur les écrans, réalisé par un Français et interprété par un ancien boxeur, qui adapte ici sa propre vie. Rings, boxe thaï, sueur, sang, coups filmés sous huit angles différents, entraînement auprès d’un vieux mage chinois? Pas tout à fait. Car Xavier Durringer, après son remarqué J’irai au Paradis car l’Enfer est ici, choisit une nouvelle fois de se démarquer de tout un pan du cinéma de genre, pour trouver ses sources ailleurs. Son ring n’est pas celui de Van Damme (avec qui Dida a joué dans Légionnaire). Ses combattants ne sont pas des acteurs devenus champions le temps d’un film. Son Chok Dee, il le veut authentique, réaliste, mais également à l’image de son interprète et des thèmes développés dans son précédent film. Chok Dee est ainsi moins un film de combats qu’une œuvre sur la détermination, le caractère et la puissance de l’esprit. La foi déplace les montagnes, et Durringer de se référer directement à Rocky ou Raging Bull, des titres qui trouvent bien plus grâce à ses yeux que ceux du Belge volant. Pari réussi? Haut la main!

ANATOMIE D’UNE DETERMINATION

Véritable récit initiatique, Chok Dee explore des thèmes qui sont justement ceux de Rocky: aller au bout de soi-même, prouver au monde que l’on peut "tenir la distance", parvenir à réaliser ses rêves, et surtout modifier un destin qui semblait pourtant tracé dès la naissance. Ici, la banlieue, avec ce que cela comporte de codes et de passages obligés. Rap, racailles, vol, problèmes d’immigration et surtout d’intégration, Ryan doit échapper à tout ça. Comme son personne principal, qui change au fur et à mesure de comportement et de démarche, le film effectue ainsi une fuite en avant, une mutation, échappant au genre du film de cité et à celui du film de prison, pour trouver son propre chemin, en Thaïlande. Film sur la détermination, au discours que certains jugeront simplistes (ils auront tort), Chok Dee bénéficie de toute la richesse d’un parcours unique, celui de Dida, et d’un talent sans faille, celui de Durringer. A la précision des coups du boxeur, le cinéaste oppose une rigueur incroyable dans l’écriture des personnages et l’enchaînement des différents événements qui composent le récit. Que l’histoire s’éloigne quelques secondes de son héros, et c’est tout le film qui risque de s’écrouler. Mais lorsque la caméra colle à son personnage, triturant les traits émaciés du champion, mettant en valeur une stature impressionnante, explorant la profondeur d’un regard décidé, le récit redémarre. Et de façon surprenante, c’est finalement dans ses moments les plus intimistes que le film parvient à toucher, par la justesse et la sobriété de sa mise en scène et de sa direction d’acteurs: les scènes avec le jeune Coffee (et son monologue émouvant sur son pays d’origine), avec Giraudeau, celle également avec la grand-mère, confèrent au film une authenticité incroyable.

DIDA REND COUP POUR COUP

Et ces combats, que valent-ils finalement? Car au-delà des qualités et des défauts propres au film, il faut bien reconnaître qu’une grande partie de la tension qu’il génère, évoluant en fonction de l’issue du combat, provient des scènes de ring, parfaitement intégrées à l’histoire. Si Chok Dee peut paraître dépourvu d’enjeu pour qui connaît ne serait-ce que brièvement le parcours sportif de Dida, Durringer parvient néanmoins à insuffler une dynamique propre à chaque combat, déplaçant l’enjeu et l’intérêt de chaque scène, de l’issue (qui gagnera?) vers le déroulement (comment, en combien de temps?...). Oeuvre sur la transmission du savoir, sur la volonté de vaincre, Chok Dee devient ainsi un concentré de tension brute fonctionnant par la mise en scène avisée de l’auteur. Filmant en plans longs des coups bien souvent réellement portés, le cinéaste confère à son film une authenticité dont les plus grands chefs d’œuvre de la boxe sont pourtant dépourvus. Par ailleurs, en évitant les archétypes visuels inhérents à ce type de produit, il réussit à dépasser littéralement le genre. Alors bien entendu, on regrettera sans doute l’intrusion à mi-film d’une sous-intrigue autour d'un trafic de drogue... Mais Chok Dee existe à ce point par et pour son personnage principal, sa hargne, sa détermination, que les à-côtés parviennent eux-mêmes à ne pas en plomber l’intrigue principale. Chaque trophée de Dida faisait jusqu’à présent figure d’événement (dans un domaine squatté logiquement par des Thaïlandais)... Il se peut que le film tiré de sa propre vie en soit un de plus.

par Anthony Sitruk

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