Cercle (Le)

Cercle (Le)
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Cercle (Le)
The Ring
États-Unis, 2002
De Gore Verbinski
Scénario : Ehren Kruger
Avec : Brian Cox, David Dorfman, Martin Henderson, Naomi Watts
Durée : 1h50
Sortie : 05/02/2003
Note FilmDeCulte : *****-

Katie et Becca, deux jeunes étudiantes, s'amusent à se faire peur dans une maison désertée par les parents de la première. Becca parle à Katie d'une légende urbaine qui se répand, celle d'une vidéo maudite qui tue 7 jours plus tard celui qui la regarde. Or, Katie a vu cette vidéo…une semaine auparavant.

BEFORE YOU DIE, YOU SEE THE RING

Il était légitime de frissonner à l'annonce d'un remake américain de la perle de Hideo Nakata, Ring, qui puise son essence dans les mythes les plus purement japonais, d'autant que le projet était confié à un faiseur inégal en la personne de Gore Verbinski. Mais Hideo Nakata n'était-il pas lui-même un faiseur qui n'avait pas encore effectué ses preuves dans le cinéma d'horreur? L'un des aspects indéniables de ce remake, c'est le soin qui a été apporté quant à sa conception. La mise en scène est élégante, la photo très soignée donne un cachet brumeux et inquiétant au film, la partition de Zimmer dans le même ton. Mais l'horreur n'est-elle pas quelque peu étouffée dans cet écrin si esthétisé? L'une des forces du film original, c'était l'épure de sa mise en scène et de sa photographie, ancrant l'horreur dans une réalité plus palpable et ainsi plus efficace. Paradoxalement, les maquillages d'un spécialiste en la matière (Rick Baker) n'ont pas l'effet effrayant escompté, alors que le visage déformé d'une jeune fille enfermée dans un placard faisait plus forte impression chez Nakata. Pour celui qui est déjà au courant de l'histoire, Le Cercle est donc moins effrayant, même s'il se pare d'une ambiance angoissante assez jouissive.

Qu'en est-il alors de l'identité culturelle marquée de Ring, qui puisait dans les mythes nippons pour représenter le démon? Le film de Verbinski pose une question, à savoir celle d'un cinéma hollywoodien aculturel. Les références au Japon d'origine parsèment quand à elles le récit: une caissière qui semble avoir déjà vu le film, une estampe accrochée à un mur, une feuille de soin en caractères japonais, un pommier rouge du Japon sont là pour témoigner du fantôme de Nakata. Pourtant, à y voir de plus près, cette représentation du Mal, de regard qui distribue la mort, est présente dans les plus anciens mythes grecs, inscrivant en un sens Le Cercle dans cette tradition.

LA MORT DANS LES YEUX

Ici le fantôme tue littéralement du regard: Samara, comme Sadako, c'est la fille de Gorgô, de la Méduse, des divinités grecques, des puissances de l'au-delà qui étaient dotées du même pouvoir. Le masque d'horreur de Gorgô, l'œil gorgonéen, confrontaient, comme le fantôme du Cercle, à l'indicible, à l'impalpable, ce qui cristallise une peur déraisonnée. Ainsi, fait assez singulier pour un film d'horreur, on n'assistera à aucune mise à mort directement à l'écran, Le Cercle s'inscrivant après Sixième Sens ou Les Autres dans une tradition renouvelée de la suggestion plutôt que de l'horreur montrée. De même, le cheval, présent dans le film, est une manifestation d'une Puissance des Enfers au même titre que le chien ou le serpent dans le bestiaire démoniaque grec. Le cheval qui se cabre, c'est la manifestation du frénétique et de la terreur pure, le hennissement ou le claquement des sabots appartiennent aux codes de l'horreur diabolique. Anna Morgan, éleveuse de chevaux, devient alors en quelque sorte celle qui " élève les monstres ", leur mère, telle une Lilith mythologique. En mettant l'animal ainsi en scène, Verbinski offre au film une de ses rares incartades hors de l'oeuvre original, proposant également ce qui constitue une de ses plus belles scènes de par la fascination et le malaise conjugués que le pathétique spectacle suscite. Influences mythiques assumées ou non, celles-ci sont bien présentes, et inscrivent le film dans une certaine filiation culturelle.

VARIATIONS SUR LE MEME THEME

Cette double lecture se retrouve dans le cœur du mystère: celui de la vidéo maudite. Alors que la vidéo de Nakata se basait avec grand succès sur des sensations tenant du bizarre sans que les images montrées n'aient un sens appuyé (un peu comme un cauchemar sans logique), Verbinski a opté pour un symbolisme qui ajoute au film une dimension d'énigme à résoudre. Chacun des tableaux présentés dans la vidéo suscite de troubles impressions comme autant d'indices parsemés: l'eau comme nid de l'agonie et de la mort (le sang dans la mer, la bête sur la plage), la solitude (la chaise vide, le phare comme unique lumière de vie dans les ténèbres), le regard (celui de la mère, la présence du miroir, l'œil du cheval) sont autant de données à prendre en compte dans l'énigme qui se dévoile peu à peu sans être explicitée en détails. Même si l'intrigue de l'original a été très respectée, Verbinski a donc effectué quelques aménagements. Le mécanisme de la création de la peur est ainsi légèrement autre. Si les deux réalisateurs ont soigné leur cadre (avec avantage à Nakata qui semble mieux gérer son timing pour susciter la peur, Verbinski allant parfois un peu trop vite), le mécanisme de la création de l'angoisse diffère. Kawaï et ses effets sonores d'outre-tombe habitaient Ring, Verbinski a préféré suggérer la progression et la présence du danger par la lumière sophistiquée. Ainsi, son usage devient quasi-expressionniste: en remplissant la chambre de visionnage d'une intense lumière rouge issue des feuilles d'un arbre (peut être l'unique présence de "sang" dans le film), ou en entourant l'héroïne de flashes circulaires issus d'un phare.

L'héroïne, parlons-en: Naomi Watts était quelque peu attendue au tournant après sa magnifique prestation dans le non moins somptueux Mulholland Drive de l'ami David. Watts, d'une beauté sidérante, prouve que ses talents ne tiennent pas que des dons de directeur de Lynch en incarnant son personnage avec force subtilité, conviction et charisme. Elle participe à la réussite d'un remake fidèle et respectueux, très soigné, peut être légèrement frustrant pour le spectateur "averti" mais qui demeure un spectacle à la fois très divertissant et plus riche thématiquement qu'il n'y paraît.

par Nicolas Bardot

En savoir plus

L'actrice qui interprète Samara est celle qui a prêté sa voix à une autre créature à longs cheveux longs bruns, à savoir Lilo de Lilo et Stitch.

Après le succès de ce film au box-office US (plus de 120 millions $), une suite est en cours.

JEU DE MIROIR

De Ring à Le Cercle, Sadako devient Samara. Dans Ring, Sadako est la fille d'une sorcière qui lit l'avenir. Dans Le Cercle, Samara est la fille d'une éleveuse de chevaux.

La scène où Becca déambule dans l'hôpital cachée derrière un paravent n'est pas présente dans Ring mais dans sa suite, Ring 2.

Dans Ring, la vision de Sadako ne laisse à ses victimes qu'un masque humain de terreur. Dans Le Cercle, Samara, qui a aspiré la vie de ses victimes, laisse ces dernières à l'état de monstres en putréfaction.

Dans Le Cercle, la première apparition du fantôme crée un bruissement digital sur l'écran de télévision. Dans Ring, c'est la silhouette du fantôme qui apparaît telle quelle dans un coin de l'écran.

Dans Ring, la première interaction monde des vivants - monde des morts n'intervient qu'en fin de film avec Sadako sortant de l'écran. Dans Le Cercle, une mouche, animal-véhicule de la mort par excellence, traverse l'écran et s'échappe de la vidéo de l'au-delà pour le monde des vivants.

Quelques liens :

Partenaires