Bon Voyage

Bon Voyage
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film

1940. Frédéric est emprisonné à tort pour avoir naïvement aidé son ancien amour, l’actrice Viviane d’Anvers. Profitant de l’instabilité du régime, il prend la poudre d’escampette en compagnie d’un malfrat. A Bordeaux, il croise de nouveau la donzelle dans les bras du futur ministre de l’Intérieur.

ARRETE-MOI SI TU PEUX

Bon Voyage fête les éclatantes retrouvailles entre Jean-Paul Rappeneau et le cinéma de divertissement. Sur le papier, on pouvait craindre "la grande œuvre", le film ultime sur la débâcle de 1940, avec son cortège de stars et sa reconstitution ripolinée. Il n’en est rien: le réalisateur de Cyrano de Bergerac renoue avec l’aventure et le romanesque, en dressant un épatant inventaire de personnages pris dans le tourbillon de l’Histoire. A la manière des romans feuilletons, chaque protagoniste reçoit le sceau de sa condition sociale. On redécouvre avec plaisir l’écrivain maudit, l’actrice prête à tout, le ministre amoureux, le journaliste équivoque, le voyou débrouillard et l’étudiante ingénue. Vaudeville enchanteur, Bon Voyage déborde d’enthousiasme, d’une foi sincère pour le septième art et le film de genre. Dopée par la magnifique photo de Thierry Arbogast, la mise en scène de Jean-Paul Rappeneau épouse à satiété la fougue de son interprète principal et entraîne le spectateur dans une valse ininterrompue, où se mêlent amour et espionnage.

CHAISES MUSICALES

En dépit d’une narration linéaire, le scénario co-écrit par Patrick Modiano rebondit sans cesse. La petite histoire jouxte la grande; les décisions immédiates influent sur les destinées. Face à l’imminente occupation ennemie, les protagonistes doivent choisir entre collaboration et résistance. En quelques mots savamment mis en bouche, Jean-Paul Rappeneau profite des allers et venues de son héros dans un palace bordelais, pour égratigner la bourgeoisie locale et les élites au pouvoir prêtes à toutes pour sauver leurs chemises. Mais si les heures sont graves, le ton est délibérément léger. L’amour prend le pas sur la guerre, les sorts individuels sur les grandes crises mondiales. Chaotique mais toujours limpide, l’action initiée par Frédéric ne faiblit pas. Ecrivain naïf et impétueux, armé d’une volonté inébranlable, il est le point de ralliement des différents nœuds de l’intrigue. Le jeune homme précipite les événements au gré de ses hésitations sentimentales. Avec un tel parti pris, les acteurs ont bien sûr la part belle et se délectent de leurs doubles extravagants.

CASABLANCA, MON AMOUR

Pour son premier grand rôle au cinéma, Grégori Dérangère crève l’écran et insuffle un charme fou à Frédéric, échalas abusé qui finit par prendre sa revanche. Diva calculatrice et attachante, Isabelle Adjani s’offre une seconde jeunesse auprès de celui qui avait révélé son talent comique dans Tout feu, tout flamme. Elle compose un couple savoureux avec Gérard Depardieu, qu’elle retrouve seize ans après leurs étreintes passionnées dans Camille Claudel. De nouveau dirigé par un grand metteur en scène, l’acteur oublie le jeu outré de ses précédentes performances pour se glisser dans la peau d’un homme de pouvoir malmené par l’amour. Les seconds rôles sont plus en retrait, à l’image d’Yvan Attal et Peter Coyote oubliés en cours de route. Peu importe, Jean-Paul Rappeneau s’octroie une jolie friandise en réalisant ce Casablanca moderne et endiablé. Bon Voyage s’ouvre et se termine dans une salle obscure: une évidente et gourmande filiation avec les comédies d’aventure des années 50.

par Yannick Vély

En savoir plus

Né en 1932, Jean-Paul Rappenau réalise son premier film en 1965. La Vie de château évoquait déjà la période de la collaboration. Suivront six films, dont le fameux Cyrano de Bergerac qui remporte dix Césars, cinq nominations à l’Oscar en 1991 et le prix d’interprétation masculine à Cannes en 1990.

Quelques liens :

Partenaires