Big Eyes

Big Eyes
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Big Eyes
États-Unis, 2014
De Tim Burton
Scénario : Scott Alexander, Larry Karaszewski
Avec : Amy Adams, Christoph Waltz
Photo : Bruno Delbonnel
Musique : Danny Elfman
Durée : 1h47
Sortie : 18/03/2015
Note FilmDeCulte : ***---
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Big Eyes raconte, dans les années 50 et 60, l'histoire vraie de Margaret et Walter Keane. Le couple était devenu célèbre grâce à leurs peintures, des portraits d'enfants aux yeux énormes. Margaret était l'auteur de ces peintures tandis que Walter s'appropriait son travail...

PLUS GROS QUE LE VENTRE

Les films de Tim Burton ont souvent réservé des rôles forts aux femmes, de Catwoman aux apparitions ravageuses de Lisa Marie en passant par Angelique Bouchard dans Dark Shadows. Mais, hormis Alice, les histoires de Burton étaient exclusivement centrées sur des garçons. Il y a pourtant une logique évidente, dans le cinéma de Burton dédié au contre-pouvoir et aux outsiders, à rencontrer une héroïne telle que celle de Big Eyes : une femme certes mais surtout une héroïne féministe. Le contexte social de Big Eyes est plus présent que dans les précédents films du cinéaste où règne le merveilleux. Margaret Keane (incarnée par Amy Adams) quitte son premier mari à une époque où ça n’était pas convenable, et passera le film à se heurter à une société patriarcale où les femmes sont tenues en laisse autant par leur époux masculiniste que par l’église elle-même. L’effacement des femmes-artistes dans l’histoire de l’art n’est pas une fantaisie, et lorsque Walter Keane (Christoph Waltz) affirme dans les 60s que les artistes femmes ne peuvent pas être prises au sérieux, on pense aisément à la façon dont sont considérées les femmes réalisatrices aujourd’hui. Le sujet de Big Eyes est parfois suffisamment fort pour porter le film lui-même : le héros de Ed Wood (qui partage les mêmes scénaristes que Big Eyes) était nul mais s’imaginait être un génie ; Margaret Keane n’a même pas l’autorisation de penser qu’elle a du talent.

Amy Adams, lookée comme Doris Day, conduit lors de la première scène une voiture qui semble tout juste avoir été sortie d’un emballage de Majorette. Plus tard, on la verra siroter un mai tai dans un paradis Tiki Pop d’Hawaï. Le visuel extrêmement coloré façon sachet de bonbons rappelle le travail déjà opéré par Bruno Delbonnel sur certaines parties de Dark Shadows. La dynamique du film est celle du personnage et de ses peintures : lisse en apparence et pourtant tourmenté. C’est d’abord là que l’écriture du film pèche : son manque de profondeur notamment dans la caractérisation le rend parfois aussi lisse qu’il le paraît. « La subtilité, ce n’est pas vendeur », avance ironiquement Walter Keane. On le sait : du kitsch au sang, il n’y a qu’un pas, et ceux qui ne voient dans le kitsch qu’un gadget rigolo n’y voient pas grand-chose. Mais, à l’image d’un Mars Attacks !, Burton a déjà eu le kitsch plus mordant. De la même manière, on ne comprend pas bien cette direction d’acteur qui pousse Christoph Waltz à jouer comme un mix de méchant de Dreamworks et de Louis de Funès qui caricaturerait le plus outrancier des Johnny Depp.

Il y a des pistes à explorer dans Big Eyes, notamment sa noirceur. Il y a quelques années, Burton effectuait un virage avec Sweeney Todd où, pour la première fois, la noirceur n’était dissipée ni par le conte, ni par l’humour. C’est ce que l’on perçoit en pointillé dans Big Eyes, où la violence se libère parfois, où l’on joue avec le feu et où la belle lumière devient finalement menaçante. Il y a également dans le scénario de Scott Alexander et Larry Karaszewski d’intéressants niveaux de lecture extra-filmique sur la marchandisation de l’art (et on remercie Burton et les scénaristes de nous éviter les clichés traditionnels du cinéma populaire sur l’art contemporain et la critique) ou sur cette artiste dont on n’attend plus qu’une formule lucrative répétée à l’infini et qui décide de changer de style. Après le triomphe commercial de Alice au pays des merveilles, on a immédiatement annoncé le cinéaste derrière la caméra de Maléfique ou de Pinocchio, alors qu’il est finalement retourné faire un Frankenweenie en stop-motion promis à un box-office beaucoup plus faible. A l’heure où on l’annonce désormais à la réalisation de Dumbo, on verra vers quelle voie Burton l’artiste se dirigera.

par Nicolas Bardot

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