Après - Un voyage dans le Rwanda

Après - Un voyage dans le Rwanda
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Près de dix ans après le génocide, Denis Gheerbrant part dresser un état des lieux à la DV du Rwanda.

CORPS ETRANGERS

Refuser l’événement, solliciter la mémoire en consultant le présent. Voilà, et ça n’a rien d’une révélation, le projet documentaire de Denis Gheerbrant. Découvrir le Rwanda dix ans après le Génocide pour en tamiser les cendres encore fumantes, et (s’)interroger: qu’y a-t-il après? Qu’est-ce que vivre après? Et avant cela, qu’y avait-il? S’en tenant là, en sa position de simple témoin, posant un œil à la fois indécis, émerveillé et perdu, sur une Afrique Noire non plus imprimée sur papier journal, mais bien là, en dur, devant ses yeux, le passeur d’images Gheerbrant fascine. Récitant, réalisant, écrivant au jour le jour, tournant et montant seul, à la première personne, un carnet de voyage éberlué à travers un pays insaisissable, le documentariste nous embarque en passagers clandestins de son aventure. Caméra-œil/caméra subjective, refus du sous-titrage, partage de l’incompréhension et de la fascination qui en découle, longues scènes de danse et de chant hypnotiques… De ce vortex humain complexe, autant attractif que répulsif, qu’est le Rwanda ainsi que montré dans Après, Gheerbrant, tout comme nous, sommes étrangers: nous n'en avons aucune notion, aucune connaissance; ou plutôt: nous croyions en avoir, et n’en avons pourtant guère.

LES PAROLES S’ENLISENT, LES IMAGES RESTENT

Comment adapter notre lecture occidentale à la gacaca, par exemple, cet inconcevable tribunal où des coupables, reconnus comme tels, instruisent les procès d’autres coupables? Comment comprendre que, si l’on ne dénonce pas les crimes de son voisin, c’est par peur de rendre les siens propres, publics? Et comment, aussi, ne pas s’étonner de cette incroyable force solidaire, née sur les restes du Génocide? De ces sourires qui tiennent bon sur les visages fatigués, parce que "quand on ne peut pas faire autrement, il vaut mieux en rire", comme le dit le très probe Déo Gratias Gasana? La caméra de Gheerbrant traverse l’impénétrable mystère du Rwanda avec grâce, restituant avec constance, en couleurs épaisses et contrastées, la majesté des paysages, la dignité des hommes, la misère des enfants des rues défoncés à la colle, et la violence larvée, qu’on jurerait prête à resurgir. On se montrera en revanche davantage réservé quant au recours à la voix-off, qui alourdit inutilement, par son timbre traînant et son style apprêté, des images déjà bien pleines. Se passer de commentaire, c’eut été, au-delà d’un choix radical, la plus grande des noblesses. Gheerbrant passe à côté et se leste de cette coquetterie dispensable – tant pis. On ne l’en blâmera pas pour autant. L’existence même du film est déjà considérable.

par Guillaume Massart

En savoir plus

Denis Gheerbrant est enseignant à la FEMIS. Il participe également à la fondation de l’Association de Cinéastes Documentaristes, ADDOC.

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