American Splendor

American Splendor
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Harvey Pekar travaille comme archiviste dans un hôpital de Cleveland. Vieux garçon mal luné, il occupe ses loisirs à écouter de vieux 78 tours chez son ami Robert Crumb. Il décide un jour d’écrire sa vie en bande dessinée. Le projet d’American Splendor est né.

UN HOMME EXTRAORDINAIRE

Les comics sont décidément à la mode. Après le débarquement massif des supers héros dans les salles obscures ces derniers temps, on assiste aujourd’hui à un véritable engouement pour la bande dessinée d’auteur. Terry Zwigoff a montré la voie avec un documentaire sur Robert Crumb, illustrateur de génie, puis l’adaptation cinématographique de Ghost World de Daniel Clowes, deux long métrages qui ont séduit le public international par leur ton décalé. Conséquence naturelle: American Splendor, la série culte de Harvey Pekar, fait l’objet de toutes les convoitises. Véritable pionnier de la BD autobiographique, Harvey Pekar est devenu au fil des années 80, une icône de la contre-culture américaine, notamment grâce à ses interventions tapageuses dans le Late Night de David Letterman, talk-show très populaire aux Etats-Unis. Fan de la première heure, le producteur indépendant Ted Hope (Happiness, Ice Storm) arrache les droits d’American Splendor et se met en tête d’offrir à l’une de ses BD préférées un traitement adéquat, qui respecterait le parti pris original de Harvey Pekar. Il a l’excellente idée de confier le bébé à deux documentaristes réputés, Shari Springer Berman et Robert Pulcini.

HARVEY BORING

Comme le souligne Scott McCloud dans L’Art invisible, ouvrage indispensable sur le neuvième art, l’artiste doit s’interroger sur le médium utilisé pour raconter une histoire. Transformer en film les bulles de vie d’American Splendor tenait de la véritable gageure. Dans le comic, Harvey Pekar, anti-héros du quotidien, mêle à la première personne du singulier anecdotes comiques et réflexions en aparté. Sa morne existence d’archiviste dans un hôpital de Cleveland jure avec l’image glamour habituellement servie sur les écrans. Susciter la curiosité du public avec un gras du bide qui a pour seul ami un aficionado de Revenge of the Nerds semblait une cause perdue d’avance. Le duo fonctionne pourtant parfaitement. Dès le formidable générique, découpé comme une planche de BD, Shari Springer Berman et Robert Pulcini insufflent vie à l’univers du dessinateur. Split-screen, interlude documentaire avec le vrai Harvey Pekar, personnage griffonné à l’arrière plan, voix-off intimiste: les réalisateurs exploitent au maximum les outils à disposition et proposent une mise en abyme passionnante. Le film demande en permanence une participation du spectateur, chargé de combler les ellipses et d’imaginer les scènes manquantes.

REVENGE OF THE NERDS

Comédie réaliste, drame familial, romance contrariée, documentaire illustré, American Splendor passe d’un genre à l’autre avec une rare audace de ton. Contrairement aux habituels biopicsFrida, dernier exemple en date – qui transforment l'artiste en martyr ou en modèle pour la jeunesse, Harvey Pekar n’est jamais idéalisé. Brouillon et grognon, il est décrit comme un homme presque ordinaire, qui déteste autant qu’il aime sa compagne, une ex-hippie acariâtre qui ne sort de son lit que pour une noble cause… La réussite éclatante d’American Splendor, puzzle jubilatoire de petits riens qui forment un tout cohérent et émouvant, doit beaucoup à son interprète principal, Paul Giamatti. Souvent cantonné à des second rôles comiques (Man on the Moon, Confidence), le comédien new-yorkais dévoile ici la pleine mesure de son talent. Il confère au personnage de Harvey Pekar une humanité troublante qui provoque larmes et fous rires. Porté par une mise en scène et des acteurs brillants, American Splendor touche juste sans tirer sur les ficelles du drame, et rend un magnifique hommage à un art souvent négligé, en ressuscitant avec fidélité l’un de ses anti-héros emblématiques.

par Yannick Vély

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