28 jours plus tard

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28 jours plus tard
28 Days Later
, 2003
De Danny Boyle
Scénario : Alex Garland
Avec : Megan Burns, Christopher Eccleston, Brendan Gleeson, Naomie Harris, Cillian Murphy
Durée : 1h52
Sortie : 28/05/2003
Note FilmDeCulte : *****-

Un commando de la protection animale délivre des chimpanzés contaminés par un virus qui les anime d'une rage incontrôlable. Une seule goutte de sang suffit à transmettre la maladie. 28 jours plus tard, l'épidémie a dévasté l'Angleterre. Quelques rescapés luttent pour survivre. Sortant d'un profond coma, Jim doit affronter cette terrible réalité. Il rencontre un couple de résistants, Selena et Mark.

LA RAGE

On avait laissé Danny Boyle sur une Plage paradisiaque: vaincu par le système hollywoodien, contraint de finir son dernier film par un happy end illogique. Quatre ans plus tard, toujours aidé du romancier Alex Garland et du producteur Andrew Macdonald, le cinéaste anglais signe son grand retour au cinéma d’auteur par un thriller fantastique, haletant et symbolique. Dans la lignée de la trilogie de George A. Romero (La Nuit des morts-vivants, référence évidente) et des romans de J.G Ballard (Le Vent de nulle part), 28 Jours plus tard est une allégorie futuriste, un récit de fin du monde entre film d’anticipation et road-movie d’horreur. Par sa puissance métaphorique et sa construction narrative, le film de Danny Boyle répond en écho à Apocalypse Now, le chef-d’œuvre halluciné de Francis Ford Coppola. La rage au ventre, le réalisateur de Trainspotting ne pose pas sa caméra dans les rizières du Vietnam, mais au cœur d’un monde occidental dévasté par un fléau créé par l’homme: la fureur.

SEUL AU MONDE

Après une introduction dynamique dénonçant les excès de l’expérimentation animale, Danny Boyle suit le retour à la vie de Jim, coursier tombé dans le coma avant le début de l’épidémie. Sur la magnifique partition de Godspeed You Black Emperor, le jeune homme ressuscité marche hébété dans les rues de Londres dépouillées de toute vie humaine. Saisis avec brio par la caméra numérique d’Anthony Dod Mantle (chef opérateur de Festen et de Dogville), ces instants de calme avant la tempête sont sidérants de beauté. Visions apocalyptiques d’une ville morte, certains plans sont d’une rare puissance évocatrice. Bus renversés, kiosques à journaux en ruine, panneaux immenses de messages personnels flottant au vent à Piccadilly Circus: le moindre détail a été considéré avec soin pour donner l’illusion d’une réelle contamination. Dès les premières minutes, le chaos décrit par Danny Boyle est réel, palpable, crédible.

CAUCHEMAR BLANC

L’humanité est scindée en deux. Epuisée par trois semaines de lutte, une poignée de survivants tente d’échapper à une meute de contaminés assoiffés de sang. Danny Boyle applique consciencieusement une leçon élémentaire du cinéma d’horreur. Ce qui angoisse le spectateur, c’est moins le caractère inéluctable de l’affrontement que le moment imprévisible où la violence éclate. A l’instar de Rage de David Cronenberg, les personnes atteintes par le virus sont prises d’une frénésie sanguinaire. Les yeux injectés de sang, elles n’ont d’humaine que leur apparence physique. Leurs mouvements fulgurants, saccadés, incertains, contrastent avec le sang-froid affiché par les résistants. Malgré la présence de quelques scènes chocs, 28 Jours plus tard ne se borne pas à une succession de morceaux de bravoure. L’essentiel du discours porte sur la condition humaine. Le film se compose de trois parties bien distinctes, trois étapes d’un voyage au bout de l’enfer: Londres et sa folie meurtrière, la campagne loin de la folie des hommes et Manchester contrôlé par les militaires.

L’ENFER DES ARMES

Sous l’apparat d’un film de zombie, Danny Boyle explore ses thèmes de prédilection et s’approprie une nouvelle fois la maxime de Jean-Paul Sartre: "L’enfer, c’est les autres". Des scènes d’émeute projetées sur petit écran à des singes cobayes jusqu’à l’affrontement final: toujours cette même violence déchaînée, ce même besoin de puissance, ce désir de dominer son semblable. Colonel Kurtz du troisième millénaire, le major Henry West énonce froidement le programme des réjouissances à venir: rationaliser l’espèce humaine non contaminée, féconder les femmes survivantes consentantes ou non, et tuer les hommes non valides. A ses yeux, le monde n’a guère changé. Seule l’improductivité des contaminées les rend inutiles pour l’espèce et donc foncièrement nuisibles. Pessimiste sur la nature humaine, Danny Boyle combattait déjà les amitiés de circonstance et le communautarisme post-hippie de Petits Meurtres entre amis, Trainspotting et La Plage. Pour le cinéaste anglais, la vie en société cache toujours un rapport de domination, une hiérarchie sociale et politique, une violence refoulée.

EN ROUTE POUR LA JOIE

Voisins, parents proches, hommes d’église: tous deviennent des ennemis potentiels, des rivaux à tuer dans un réflexe de survie profondément ancré dans la nature humaine. Seul l’amour permet une petite porte de sortie vers un paradis intime. Pour sa fille Hannah, Franck croit en un monde meilleur et se sent plus fort face à la horde furieuse qui l’attend au bas de son immeuble; Jim refuse d’abandonner Selena au triste sort promis par les militaires. Sur le fameux In paradisium pour requiem de Gabriel Fauré déjà utilisé dans La Ligne rouge de Terrence Malick, autre film au discours similaire, le quatuor s’offre un moment de répit dans une campagne idyllique. Un retour à une vie sauvage impromptue qui souligne la paranoïa urbaine et sociétale de l’auteur anglais. En dépit de quelques défauts et d’un vague sentiment de trop plein, 28 Jours plus tard est le meilleur film d’un cinéaste sous-estimé qui construit film après film un univers passionnant et homogène.

par Yannick Vély

En savoir plus

Le tournage a duré neuf semaines. L'équipe du film a réalisé en quatre jours les premières scènes en profitant des premières lueurs de l'aube et des facilités offertes par l'emploi d'une caméra numérique.

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