25e Heure (La)

25e Heure (La)
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25e Heure (La)
25th Hour
États-Unis, 2002
De Spike Lee
Scénario : David Benioff
Avec : Brian Cox, Rosario Dawson, Edward Norton, Anna Paquin, Barry Pepper, Philip Seymour Hoffman
Durée : 2h14
Sortie : 12/03/2003
Note FilmDeCulte : *****-

Condamné à une peine de sept années de prison pour trafic de stupéfiant, Monty Brogan est un new-yorkais endurci qui n’a peur de rien. Jusqu’à aujourd’hui. Entouré de ses proches, il tire les conclusions de la première partie de sa vie, et savoure ses dernières vingt-quatre heures de liberté.

BEN LADEN IN NEW YORK

Générique d’ouverture. Ground zero. De puissants projecteurs s’illuminent dans la nuit new-yorkaise, et dessinent dans le ciel deux barres de lumière dénonciatrices d’une castration. La ville est là, les plans de cartes postales aussi. Mais les deux tours manquent. New York est défigurée. Spike Lee, cinéaste politiquement engagé, mais new-yorkais canonisé avant tout, ne pouvait plus faire comme si. Les onze minutes accordées par réalisateur pour 11'09''01 ne lui auraient pas suffi à crever l’abcès. Plus réactif que tout le monde, plus prolixe aussi, il lui fallait la parole sur la durée d’un long-métrage. La 25e Heure sera donc à jamais l’un des tout premiers films de l’histoire du cinéma américain à inclure la catastrophe du World Trade Center dans l’atmosphère d’une intrigue, dans le caractère des personnages, mais aussi directement dans les dialogues. Un lien direct avec la réalité, qui ancre le film dans une modernité baroque. En effet, si le background est plus que jamais d’actualité (trop peut-être?), l’atmosphère du film est, en contraste, baignée dans une mélancolie colorée. Bien que citant la sempiternelle loi de Murphy ("Tout ce qui peut mal se passer finira par mal se passer"), loi par essence fondatrice du film noir américain, Spike Lee renonce à toute intrigue superficielle, et par conséquent à une fin hollywoodienne mêlée de suspense et de happy end, pour s’attarder avec mordant et minutie sur des personnages atypiques et modernes.

N.Y. HISTORY X

Monty Brogan est un lointain cousin du Derek Vinyard d’American History X, déjà interprété par Norton, les relents de xénophobie en moins. De la même manière un brin utopiste que dans le film de Tony Kaye, ses dernières heures de liberté explosent ses perspectives de vie, et il n’aspire plus qu’à faire le bien, pour lui et pour ceux qu’il aime. Changement de vie, épuration des mauvaises relations, réconciliations paternelle et maritale, un passé qui rejaillit au mauvais moment, rien ne lui est épargné dans sa quête de rédemption. Mais peu à peu, l’écorce du personnage s’effrite, pour laisser apparaître un jeune homme paumé, qui a souffert de l’absence d’une mère, et qui souffre aujourd’hui de devoir purger une peine de prison. L’obstacle lui paraît insurmontable. Il a peur, et cette humanité enfin décelée vient éclabousser le film d’une rare beauté. La partition de Blanchard, justement récompensée d’une nomination aux derniers Golden Globes, est inspirée comme rarement et insuffle au film un spleen resplendissant. Spike Lee, de son côté, réitère comme à chaque fois en variant séquences maîtrisées et expérimentation gratuite. Du bon et du moins bon en somme. Pour le pire, citons par exemple un nombre inutilement élevé de double takes (action répétée plusieurs fois d’affilée grâce au montage). Quelques effets superflus et un flash-back légèrement cafouilleux - rien de bien dérangeant donc - le tout contenu dans une première demi-heure légèrement fadasse.

WELL FUCK YOU TOO

Heureusement, le reste du métrage bascule doucement dans le génial, avec bon nombre de séquences tout bonnement magnifiques, et non sans risque, comme des flash-forward rêvés (à la photo plus chaleureuse), des tentatives réussies de voix off et divers partis pris audacieux (notamment Norton qui s’adresse au spectateur, via un miroir signé au bas d’un "fuck you", qui à n’en pas douter fera date). Les comédiens, à l’unisson, s’entrechoquent avec élégance sur des dialogues finement écrits, et livrent des interprétations agréablement singulières. Barry Pepper en tête (le sniper d’Il Faut sauver le soldat Ryan), qui trouve enfin un rôle à sa mesure, Edward Norton en second, touchant et habité de cette gravité ironique dont il a seul le secret. D’autres bonnes surprises également avec la très belle Rosario Dawson (Kids, He Got Game) et le toujours indispensable Brian Cox (Manhunter). Philip Seymour Hoffman, même si très bon, est quant à lui de retour dans son rôle de célibataire timide et coincé, un brin pervers, déjà exploité dans Happiness. Si son intrigue avec sa jeune élève (Anna Paquin) se révèle moins intéressante que le reste, il offre cependant un parfait contrepoint au personnage de Pepper. Bref, le nouvel opus signé Spike Lee se glisse aux côtés des meilleurs films du cinéaste - à savoir Do the Right Thing et Malcom X. Un film culte en devenir.

par Yannick Vély

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