La Chambre interdite

La Chambre interdite
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Chambre interdite (La)
Forbidden Room (The)
Canada, 2015
De Evan Johnson, Guy Maddin
Avec : Mathieu Amalric, Geraldine Chaplin, Udo Kier, Jacques Nolot, Charlotte Rampling, Maria de Medeiros
Durée : 1h59
Sortie : 16/12/2015
Note FilmDeCulte : *****-
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Dans le sous-marin SS Plunger, l’oxygène se fait rare. Le compte à rebours vers une mort certaine est enclenché. L’équipage cherche en vain le capitaine, le seul capable de les sauver. Soudain, de manière improbable, un bûcheron perdu arrive parmi eux et leur raconte comment il a échappé à un redoutable clan d’hommes des cavernes. Sa bien-aimée à été enlevée par ces hommes féroces, et il est prêt à tout pour la sortir de là. Embarquez dans le SS Plunger et faites le tour du monde des paysages oniriques, dans un tourbillon d’aventures peuplées de femmes fatales, de fous à lier et d’amoureux transis.

IVRESSE DES SOMMETS

Guy Maddin (lire notre entretien) a beau avoir co-réalisé ce onzième long métrage avec un quasi-inconnu (le jeune Evan Johnson), sa folie n’y est en rien diluée. Au contraire, La Chambre interdite c’est du Guy Maddin², à la fois encore plus ambitieux et zinzin que ses précédents films. Les récits de Maddin ont souvent ressemblé à des sortes de rêves inquiets, déterrés d’on ne sait trop quel inconscient, comme remontés à la surface depuis le fond des âges. Des films fantasmagoriques qui ne ressemblent qu’à aux mêmes, où les portes d’entrée et de sorties ne sont jamais évidentes. Et pourtant, en guise de potentielle voie d’accès, le réalisateur canadien utilise dans La Chambre interdite deux métaphores : celle du sous-marin, où les marins prisonniers manquent d’air, et celle du volcan sur le point se réveiller pour punir les humains. Maddin est trop malin pour ne pas se rendre compte de leur portée symbolique : celle de l’inconscient dans lequel on s’engouffre non sans risque, et celle du refoulé qui menace de tout détruire s’il est découvert.

De fait, La Chambre interdite menace parfois de rendre claustrophobe, mais il s’agit surtout d’un film qui bouillonne comme jamais. Un maelstrom qui, pour peu que l’on accepte (non sans crainte) de se laisser immerger, offre en retour monts et merveilles d’histoires et de cinémas. Tel un gigantesque coffre à trésor rempli de contes mélangés, l’ensemble fonctionne sur le modèle du récit dans le récit dans le récit, ou plutôt du rêve dans le rêve - on est ici détaché de tout réalisme. Un millefeuille de fictions improbables qui s’amalgament sur un rythme parfois furieux, et où tout déborde de vie : la nature, les objets, les bananes, un os de bassin fracturé... le moindre détail sert de vecteur à une nouvelle histoire, un autre monde. Et bien malin celui qui saura retrouver ses repères dans un va et vient aussi imprévisible, qui finit pourtant par retomber sur ses pattes. C’est l’un des tours de force ici à l’œuvre : en faisant mine de s’éparpiller, Maddin et Johnson créent même une certaine émotion face à ces personnages de fous prisonniers de leurs rêves.

La Chambre interdite serait sans queue ni tête sans cette grande cohérence de style. Le style unique de Maddin, marmite de daguerréotypes et de lanterne magique, passant du parlant au muet, où surgissent des intertitres et des panneaux, où le nom des acteurs s’inscrit à l’écran à leur première apparition. Et quels acteurs d’ailleurs. Un casting all-star pour un film qui est pourtant l’antithèse du star vehicle, où le montage syncopé, les images déformées et décolorées laissent peu de place aux numéros d’acteurs. Certains n’apparaissent que quelques secondes à l’écran (ne clignez pas des yeux), tandis que d’autres semblent jouer cinq personnages différents et passer d’une vie à l’autre en un souffle. Une raison de plus de ressentir un vertige certain face à ce film inclassable, qui menace sans cesse de nous noyer mais qui au contraire nous élève. Un film qui pourrait paraitre autiste dans sa singularité, mais qui se révèle finalement généreux. Un film qui donne au final l’ivresse des sommets. Combien d’autres peuvent s’en vanter ?

par Gregory Coutaut

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