Charlotte Rampling

Charlotte Rampling
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Actrice
Royaume-Uni

Durant ses années de mannequinat, on lui reprochait ses paupières un peu lourdes, les yeux plissés qui scrutaient "par en-dessous", par coquetterie ou par défi. Charlotte Rampling, port altier et jambes fuselées, a longtemps effrayé ou défrayé la chronique. Une allure reine échappée du Swinging London, une élégance en apesanteur, so british, qui forgent très vite l’image d’une belle plante carnivore. Aussi vorace soit-elle à l’écran, Rampling désarme et cache bien des bleus. On l’imaginait fatale et insoumise, elle s’est éclipsée pendant quelques années sans rien laisser, avant de refaire surface, le regard dans le vague et le cœur un peu moins lourd.

NOUVELLE VAGUE

"Tu ne fais pas le poids." L’océan a englouti son mari, mais Marie nie son chagrin et refuse le deuil. Pour Sous le sable, sa parenthèse désenchantée, François Ozon est allé retrouver un fantôme, Charlotte Rampling, portée disparue du cinéma. L’Anglaise à l’aura ténébreuse s’est faite discrète à une période de sa vie où la moindre larme menaçait de la noyer. La personnalité sulfureuse et tourmentée, tête d’affiche controversée, a initié elle-même sa traversée du désert. Ozon la prend par la main, lui décrit un portrait de femme à peine esquissé et fait renaître en elle un vrai désir d’actrice. Désir qui s’était étiolé avec la fin d’une folle équipée, un parcours buté et souverain qui couvre allègrement les années 60, 70 et 80. Immortalisée par Helmut Newton, chérie par Visconti, flattée par Oshima, idéalisée par Woody Allen, John Boorman ou Sydney Lumet, Rampling ne tourne jamais deux fois avec le même cinéaste. Elle se livre, impatiemment et sans retenue, puis s’éloigne, en quelques brasses. Comme Marie, l’épouse fragile de Sous le sable, elle est celle qui est restée – ou a survécu. Les absences et les dépressions chroniques succèdent à la frénésie des premiers pas de deux. Elle perd sa première alliée à 20 ans. Sa sœur, qui partage son goût pour la scène et le music-hall, meurt d’une rupture d’anévrisme. En pleine effervescence londonienne, la brindille en mini-jupe, non créditée au générique du volubile Knack… ou comment l’avoir de Richard Lester, broie du noir et fuit sa terre natale. L’optimisme d’un Georgy Girl semble enterré.

A CONTRE-COURANT

La pâle insouciance se teinte de gravité. Luchino Visconti songe déjà à elle; son flamboyant Damnés la conduit droit aux Enfers. Charlotte Rampling, hier mannequin, chaste et indolente, découvre le vice, la félicité et la décadence d’une famille d’industriels allemands au temps du nazisme. Sur le plateau, elle noue amitié avec Dirk Bogarde, qui la recommande à Liliana Cavani pour Portier de nuit. Premier scandale. Une rescapée des camps de concentration lie une passion sado-masochiste avec l’un de ses tortionnaires. L’affiche est restée en mémoire. Bretelles et seins nus, visière crâneuse et gants menaçants. Femme-enfant captive, enchaînée à un passé douloureux, Lucia tente d’écorcher les pieds de son amant, trouve encore la force de danser et de se tourner, cruellement, en dérision. La peau sur les os, ange et pécheresse, Rampling s’abîme, ne craint plus la nudité, la virulence du mélo et surmonte l’épuisement d’un tournage sous pression. La réponse des médias est cinglante. Plus personne ne veut d’une vulgaire égarée dont la vie sentimentale (un heureux ménage à trois) choque tout autant. Patrice Chéreau vient à point nommé et l’interne volontiers dans La Chair de l’orchidée, imbroglio psy et amoureux, où elle donne déjà la réplique à Bruno Cremer, le mari volatilisé de Sous le sable. Un jour en France, un soir en Italie ou en Angleterre, Charlotte Rampling décide de prolonger ses séjours aux Etats-Unis. Le climat est toxique, Hollywood ne ressemble en rien aux étoiles mirifiques du passé. Mais la beauté de l’étrangère, et son irrésistible mystère, trouvent leur parfait écrin chez Woody Allen dans Stardust Memories.

SOUS LA GLACE

Fille de militaire rompue à la discipline, Charlotte Rampling n’en fait qu’à sa tête. D'une invincible modernité, sauvage et impertinente, malgré les années. Entre un suspens alcoolisé (Le Verdict de Sydney Lumet, aux côtés de Paul Newman), une dérive maladive (Fox trot d'Arturo Ripstein, avec Peter O'Toole et Max Von Sydow) et un somptueux labyrinthe (Angel Heart d'Alan Parker, avec Mickey Rourke), l'insatisfaite renaît sous les traits de Margaret Jones, épouse éprise d'un chimpanzé. Max mon amour de Nagisa Oshima fait trembler d'effroi la Croisette, mais marque un temps d'arrêt dans la filmographie de l'actrice. Charlotte Rampling défend les plaies et les déchirements de ses personnages, mais en oublie de soigner ses propres défaillances. Elle s'éclipse. Sous le sable la ramène à la lumière. Ozon écrit quelques pages pour elle, mais l'invite à écrire la suite avec lui. Le mariage est si heureux que la convalescente accepte de rejoindre le metteur en scène une deuxième fois, pour Swimming Pool. Rampling s'est depuis installée en France. Après Jacques Deray (On ne meurt que 2 fois), Yves Boisset (Un taxi mauve) ou Claude Lelouch (Viva la vie!), une nouvelle frange de fortes têtes la courtise. Michel Blanc (Embrassez qui vous voudrez), Enki Bilal (Immortel (ad vitam)), Antoine de Caunes (Remake), mais surtout Laurent Cantet (Vers le sud) et Dominik Moll avec Lemming, où elle sème la zizanie au sein d'un maison trop sage. Sans elle, le thriller s'enlise ou s'appauvrit. Restée fatale, Charlotte Rampling résiste au temps, aux bouleversements, et s'autorise timidement un sourire.

par Danielle Chou

En savoir plus

2006 Désaccord parfait 2006 Basic Instinct 2 2005 Remake 2005 Vers le sud 2005 Lemming 2004 Immortel (ad vitam) 2003 Les Clefs de la maison 2003 Swimming Pool 2003 I’ll Sleep When I’m Dead 2002 Embrassez qui vous voudrez 2001 Spy Game, jeu d’espions 2001 Vengeance secrète 2000 Sous le sable 1999 Signs & Wonders 1997 Les Ailes de la colombe 1996 Asphalt Tango 1989 Rébus 1988 Mort à l’arrivée 1987 Angel Heart 1986 Max mon amour 1985 Tristesse et beauté 1985 On ne meurt que deux fois 1983 Viva la vie! 1982 Le Verdict 1980 Stardust Memories 1977 Un taxi mauve 1975 Adieu, ma jolie 1975 Fox trot 1975 La Chair de l’orchidée 1974 Portier de nuit 1974 Le Passager 1973 Zardoz 1972 L’Asile 1971 Dommage qu’elle soit une putain 1971 Corky 1969 Les Damnés 1969 Three 1968 Le Sequestre 1967 Les Turbans rouges 1966 Georgy Girl 1965 Rotten to the Core 1964 Le Knack… ou comment l’avoir

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