P-047

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P-047
Thaïlande, 2011
De Kongdej Jaturanrasmee
Scénario : Kongdej Jaturanrasmee
Durée : 1h38
Note FilmDeCulte : *****-
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Lek est un serrurier solitaire qui n'a jamais eu de petite amie. Kong est un écrivain en herbe, qui vit avec sa maman. Les deux travaillent l'un à côté de l'autre dans un centre commercial. Ensemble, ils ont un plan qui combinera leurs talents. Ils s'introduisent dans des appartements pendant la journée quand les propriétaires sont partis travailler. Ils ne volent rien: ils empruntent. Ils empruntent leurs vies, leurs amours, des choses qui appartiennent à des étrangers...

LES INCONNUS DANS LA MAISON

Le titre du nouveau film du Thaïlandais Kongdej Jaturanrasmee (lire notre entretien), P-047, ressemble à un digicode. Ses héros sont, eux, des passe-murailles, qui s'invitent dans des maisons, dans la journée, lorsque celles-ci sont inoccupées. P-047 a le goût du mystère, du secret, des méfaits accomplis en cachette. Il n'est pas roublard pour autant. P-047 s'ouvre par une voix-off et une image floue dont les contours, peu à peu, se dessinent. La voix intérieure est précise, claire, tandis que les choses que l'on croit concrètes (un visage, un corps) mettent plus de temps pour apparaître à l'image. Jaturanrasmee évoque le glissement identitaire avec ses deux personnages principaux, Lek et Kong, qui s'infiltrent dans le foyer des autres comme des coucous empruntant d'autres nids, comme s'ils enfilaient des pantoufles pour en sentir la chaleur avant de les rendre. Les habitants ont laissé leur maison pour la journée, mais celle-ci reste parfaitement incarnée par les bibelots, photos, détails ici ou là. Jaturanrasmee apporte un soin particulier sur chaque chose, le moindre bouchon de bouteille qui traine par terre. Une hypersensibilité aussi: là où les héros mettent leurs pieds, là où ils posent leurs mains. Un mélange d'évanescence et de profondeur qu'on retrouve dans la structure particulière du film, faite de flash-backs et de réminiscences. Le flash-back peut être une méthode parfaitement scolaire pour relier ce qui se passe à ce qui s'est passé. Dans P-047, on oublie les flash-backs, comme si l'on suivait plusieurs contes reliés entre eux par un fil invisible. Il y a une délicatesse littéralement magique dans la façon qu'a Kongdej Jaturanrasmee de conduire son récit.

Il semble y avoir deux temps dans P-047. Celui d'une Thaïlande éternelle, avec ses histoires de fantômes, ses légendes de paons réincarnés (là encore, une légende qui n'en finit pas, avec une histoire dans une histoire dans une histoire). Et puis il y a celle d'une mélancolie toute contemporaine, celle des maisons vides qu'on retrouve chez Aditya Assarat. P-047 rappelle en partie le court métrage qu'Assarat avait réalisé pour l'anthologie Sawasdee Bangkok, ou son travail sur Hi-So, cette faculté à regarder et écouter des personnages parler de rien, tout en parvenant à en faire un portrait profond, habité. P-047 est un puzzle infini, lorsque vous replacerez une pièce, vous vous rendrez compte qu'il en manque une de l'autre côté. C'est aussi ce qui fait sa grâce et sa beauté: l'essentiel ici n'est pas le but, le point final (disparition d'un personnage, absence de dénouement conventionnel), mais ce voyage intérieur, ce flux émotionnel. En fin de long métrage, la voix-off réapparaît, l'image devient floue à nouveau.

par Nicolas Bardot

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