L'Avenir

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Avenir (L')
France, 2016
De Mia Hansen-Løve
Scénario : Mia Hansen-Løve
Avec : Isabelle Huppert
Durée : 1h40
Sortie : 06/04/2016
Note FilmDeCulte : *****-
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Nathalie est professeur de philosophie dans un lycée parisien. Passionnée par son travail, elle aime par-dessus tout transmettre son goût de la pensée. Mariée, deux enfants, elle partage sa vie entre sa famille, ses anciens élèves et sa mère, très possessive. Un jour, son mari lui annonce qu’il part vivre avec une autre femme. Confrontée à une liberté nouvelle, elle va réinventer sa vie.

L'AVENIR EST AILLEURS

Lors de sa récente venue parisienne au Festival Toute la mémoire du monde, le cinéaste Paul Verhoeven a parlé de l'ironie, celle utilisée dans son cinéma et celle que plus personne ne semble vouloir voir ou comprendre depuis quelques années. On vous l'accorde, il n'y a pas grand chose à voir entre le cinéma de Verhoeven et celui de Mia Hansen-Love. Mais l'ironie omniprésente dans le nouveau film de la cinéaste lui permet d'éviter en permanence ce que pourrait être L'Avenir : une sorte de cinéma français² avec ses crises existentielles en salon et ses discussions philosophiques. C'est en partie cela, mais Mia Hansen-Love désamorce tous les clichés et artifices à craindre.

Dès les premiers instants où une famille se recueille avec respect sur la tombe d'un grand auteur français, l'un des rejetons n'attend pas pour grogner qu'il n'a pas envie de passer la nuit avec Chateaubriand. Si Nathalie (Isabelle Huppert) est une prof de philo bourgeoise et intellectuelle, ça ne fait pas d'elle un épouvantail, un personnage empaillé. L'Avenir est d'ailleurs un film rempli de vie, toujours dans l'action, avec une caméra aussi dynamique que son héroïne. Nathalie lit son Gallimard debout dans le métro bondé, feuillette son numéro d'Esprit lorsqu'elle bronze au soleil. Ça vous défrise ? Allez vous faire voir ailleurs, comme peut aller se faire voir tout un cinéma français populaire pour qui « intellectuel » est devenu un gros mot.

Nathalie n'est pas là pour séduire, c'est aussi pour cela que c'est un personnage passionnant. L'Avenir est un film sur la parole (on parle, on lit, on échange beaucoup, notamment sur la philosophie) mais aussi sur l'action, sur le décalage entre l'un et l'autre – soit l'un des moteurs du cinéma de Rohmer. On qualifie souvent à tort et à travers des cinéastes de « rohmériens », mais l'héroïne incarnée par Isabelle Huppert (rayonnante, hilarante, royale, immense) aurait tout à fait sa place parmi la galerie de personnages immortalisés chez le cinéaste du Rayon vert. Lorsqu'on voit les Buttes Chaumont, celles-ci ne semblent plus appartenir qu'à La Femme de l'aviateur, les personnages de L'Avenir se baladant dans ce décor de cinéma.

L'ironie, on en parlait, rend le film particulièrement drôle. Il y a celle évidente, plus bouffonne, lorsque la mère (Edith Scob) dit des saloperies sur Nicolas Sarkozy en bouffant des After Eight. Il y a celle, moins flagrante, plus amère, d'une autre scène caricaturale en apparence : des jeunes révolutionnaires échangeant leurs concepts en allemand ; pendant ce temps, la prof de philo préfère débarrasser les assiettes. « Qu'en pensez-vous ? » lui demande t-on. « Rien », répond-elle, cinglante. C'est la petite tragédie que Mia Hansen-Love traite avec une profonde et bouleversante humanité : celle d'une femme qui croit savoir, qui n'a pas de doute sur le fait que le temps ne peut pas se tromper... et à qui l'avenir réserve des surprises. Réalisé par un homme, on aurait peut-être eu droit à un film plus sombre, à une héroïne se consolant dans les bras d'un amant. Chez la réalisatrice, son héroïne a une trajectoire moins explicite, moins spectaculaire – probablement plus subtile, plus complexe. Lors d'une scène dramatique accompagnée par un texte lu par Nathalie, la caméra s'égare ailleurs, filme la rue, ce genre d'échappées poétiques qu'on pourrait voir dans un cinéma lointain comme celui de Naomi Kawase. Mia Hansen-Love réussit là un formidable crowd-pleaser à la fois sophistiqué et accessible, avec en lui une très précieuse lumière de vie.

par Nicolas Bardot

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