L'Année cinéma 2017 de Gregory Coutaut

L'Année cinéma 2017 de Gregory Coutaut

L’événement de l'année cinématographique n'était pas un film. Ce fut la libération de la parole féminine, et la médiatisation colossale de la violence misogyne. Un mouvement d'une ampleur telle que l'on espère qu'il va entamer une modification profonde et durable de la place des femmes - dans le cinéma comme ailleurs. La parole des femmes comme outil-clé pour redistribuer les cartes et imaginer de nouveaux mondes possibles: c'était déjà le bilan que nous faisions de la dernière Berlinale. Débutant avec l'Ours d'or pour la cinéaste hongroise Ildikó Enyedi, l'année 2017 a été  - hasard du calendrier ? - particulièrement riche en points de vue féminins (on a rarement vu autant de réalisatrices en festivals que cette année – et on aimerait que les plus subversives d’entre elles sortent davantage en salles) et notamment en gestes politiques, loin des clichés condescendants sur les film-de-femmes. Deux exemples malins et révélateurs: Sofia Coppola et Kelly Reichardt, en faisant mine de respecter les codes des films virils (remaker un Eastwood pour l'une, imaginer un western contemporain pour l'autre), ont aéré avec ironie ces univers sexistes anxiogènes. Dans cette démarche utopiste - mais pas dupe - , elles étaient loin d’être les seules. Devant comme derrière la caméra, les femmes de 2017 ne se sont pas contentées de dénoncer l'état du monde, ce sont elles qui en ont créé les portes de sortie.

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MON TOP

1. Ex Libris: The New York Public Library , Frederick Wiseman
2. Sayonara, Koji Fukada
3. La Région sauvage, Amat Escalante
4. Le Parc, Damien Manivel
5. Le Secret de la chambre noire, Kiyoshi Kurosawa
6. L'Amant double, François Ozon
7. American Honey, Andrea Arnold
8. Certaines Femmes, Kelly Reichardt
9. Emily Dickinson, A Quiet Passion, Terrence Davies
10. La Femme qui est partie, Lav Diaz

COUP DE COEUR : LA CHINE

Cela fait plusieurs années que la Chine est à la pointe en matière d'arts plastiques, et c'est toute une gigantesque génération d'artistes visuels, parmi les plus pointus au monde, qui a émergée dans les foires, galeries et manifestations. Par contagion, ce raz-de-marée artistique ne pouvait que déborder sur le cinéma. Or, qu'on se le dise: un bon nombre des films les plus incroyables, puissants et radicaux de 2017 étaient chinois. Il faut le dire et le répéter car, hélas, il n'est pas évident de s'en rendre compte au premier coup d’œil. En effet, la plupart de ces films demeurent pour l'instant inédits sur nos écrans, sans distributeurs. Les films chinois à sortir chez nous restent trop peu nombreux pour se faire le relai de cette nouvelle vague, et il est inutile de compter sur Cannes pour se rattraper (ces dernières années, le cinéma chinois y était soit convenu, soit absent). Pour avoir la chance de se rendre compte de l'ampleur du mouvement, il faut avoir le loisir de se rendre dans des festivals plus curieux: Nantes, Berlin, La Roche-sur-Yon, Locarno ou d'autres encore.

A Locarno justement, le léopard d'or attribué à Madame Fang est venu couronner la carrière déjà bien identifiée du brillant Wang Bing. On souhaite que cette récompense vienne donner au passage un coup de projecteur sur un pays à la cinématographie plus éclectique qu'on ne l'imagine parfois. C'est qu'il y a tout un monde à découvrir dans le cinéma d'auteur chinois contemporain: des réalisatrices, du cinéma queer et/ou érotique, de l'animation, et bien sûr de nombreuses œuvres plastiques ambitieuses. Parmi nos grands coups de cœur de l'année, citons le drame social et féministe Angels Wear White de la réalisatrice Vivian Qu, la majestueuse exploration aux images inoubliables Ghost in the Mountains, le bouleversant documentaire intime Comme un cheval fou, la flamboyance gay et baroque de 30 Years of Adonis, ou encore le film d'animation pulp et noir Have a Nice Day (censuré à Annecy puis primé à La Roche-sur-Yon). Citons surtout l'un des projets les plus pharaoniquement mabouls de l'année: Dragonfly Eyes, un film de fiction basé uniquement sur des images réelles captées par des caméras de surveillance. Inclassable et fascinant, le résultat est une fable de science fiction glacée, tendue et existentielle, à mi-chemin entre un film catastrophe émouvant et un vidéo-gag angoissant. Avec un pied dans le cinéma et l'autre dans l'art contemporain, la Chine nous ouvre des perspectives incroyables pour le cinéma du futur.

MON TOP INÉDITS

1. Manifesto, Julian Rosenfeld
2. Dragonfly Eyes, Xu Bing
3. Colo, Teresa Villaverde
4. Mr Long, Sabu
5. The Villainess, Jeong Byeong-Gil
6. My Entire High School Sinking Into the Sea, Dash Shaw
7. Golden Exits, Alex Ross Perry
8. Kékszakállú, Gastón Solnicki
9. Pokot (Spoor), Agnieszka Holland
10. Demonios tus ojos (Sister of Mine), Pedro Aguilera

MES ATTENTES POUR 2018

1. The Season of the Devil, Lav Diaz
2. The House That Jack Built, Lars Von Trier
3. Netemo Sametemo, Ryûsuke Hamaguchi
4. Transit, Christian Petzold
5. In My Room, Ulrich Kohler
6. Sainte vierge, Paul Verhoeven
7. Angelo, Markus Schleinzer
8. Long Day's Journey Into Night, Bi Gan
9. Ash is The Purest White, Jia Zhang-ke
10. Psychokinesis, Yeon Sang-Ho

par Gregory Coutaut

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