Gerontophilia

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Gerontophilia
Canada, 2013
De Bruce LaBruce
Scénario : Bruce LaBruce
Durée : 1h22
Sortie : 26/03/2014
Note FilmDeCulte : ****--
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Lake, un garçon de 18 ans à priori comme les autres, découvre sans se l’avouer son attirance pour les hommes plus âgés bien qu’il entretienne une relation amoureuse avec une fille de son âge. Lorsqu’il trouve un job d’été comme assistant médical dans une maison de retraite, il s’aperçoit que les pensionnaires sont sur-médicamentés par le personnel pour les rendre plus dociles. Révolté par cette méthode il incite un vieil homme à refuser son traitement. Mais la complicité qui les unit va bientôt se transformer en un sentiment qui les dépasse…

LA SUBVERSION TRANQUILLE

Sur le papier, la romance entre un ado à peine majeur et un monsieur de 86 ans semblait prête à être rangée parmi les propositions cul et culottées du réalisateur queer canadien Bruce LaBruce. Quelque part entre les skinheads de No skin off my ass, les terroristes gay de The Raspberry Reich ou les zombies tsoin-tsoin de Otto ou L.A. Zombie. Or dans cette filmographie faisant la part belle à la violence potentielle des relations homos, Gerontophilia vient frapper par une douceur et une empathie pour le moins inattendues. Ni images pornos (même furtives) ni scène de sexe (laissées hors champ) mais au contraire : ralentis, violons et chastes baisers. Cette histoire d’amitié amoureuse est traitée comme la première bluette venue, avec un premier degré que l’on n'oserait même plus montrer dans une romcom gay classique. On est ici face à une bonne vieille histoire d’amour décomplexée. La gérontophilie est ici un non-sujet, un non-événement. Les protagonistes pourraient avoir n’importe quel sexe et n’importe quel âge, le film resterait le même. Ouf.

Calmé, le réalisateur d’Hustler White? Ce serait voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. De même que Sono Sion ne perdait rien de son acidité en filmant autre chose que des bastons pop dans The Land of Hope, ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de bite en érection à l’écran que Gerontophilia devient d’un coup de baguette magique « le film de la maturité » de son auteur. Sous ses airs passe-partout, faut-il rappeler à quel point le sujet du film est encore provocateur, y compris dans une communauté gay où l’âge et la dégénérescence physique sont les derniers des tabous? A la manière de ce qu’avait fait Lisa Cholodenko dans The Kids are All Right, la subversion du film consiste à plonger une histoire ultra marginale dans le cadre le plus policé et facile d’accès qui soit. Un procédé ironique mais pas cynique qui fait que la norme (celle du film romantique) devient alors l’arme du film plutôt que sa prison.

Encore faut-il que ce cadre soit respecté. L’est-il vraiment ici ? D’une part, le scénario de LaBruce n’a certes pas la perfection requise aux plus grandes réussites du genre : ses personnages restent in fine un peu trop superficiels, et le rythme laissera probablement de côté les amateurs de ses fulgurances passées. D’autre part, il y a également une certaine artificialité dans cette drôle de love story. Du côté des personnages féminins un peu convenus, du côté d’un accident domestique qui arrive comme un cheveu sur la soupe, du côté surtout de l’absence quasi-incroyable d’embuches ou de réactions négatives que rencontre ce couple hors-normes... A quel point cela est-il voulu ? Ce côté gentiment toc trahit-il la superficialité du travail narratif ou au provient-il au contraire d’une démarche assumée de saborder par l’absurde le modèle de la comédie romantique à l’américaine? A quel point Bruce LaBruce fait-il exprès de rendre le parcours de ces amoureux aussi facile et (donc) parfois aussi peu crédible? La question reste ouverte, mais après tout qu’importe. Car la dernière surprise du film n’est pas la moins paradoxale, cela n’empêche pas Gerontophilia d’être toujours sincère, et surtout sacrément émouvant. Qui l’eut cru ?

par Gregory Coutaut

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