Festival de Gérardmer 2013: le bilan !

Festival de Gérardmer 2013: le bilan !

Le 20e Festival de Gérardmer, c’est fini ! FilmDeCulte fait le bilan de cette édition anniversaire.

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TROUVAILLES, CONFITURES, COCHONS

Alors que l’avenir du festival, en raison de difficultés financières, semblait en péril ces dernières années, Gérardmer était bel et bien vivant pour cette 20e édition. Salles pleines pour les principales projections ou au moins bien garnies pour les curiosités de la sélection : l’intérêt du public ne semble pas avoir faibli. La principale réussite, et c’était déjà le cas ces récentes années, est l’éclectisme du programme. Le comité de sélection du festival défend avec talent une idée large du cinéma fantastique, comme dans un festival tel que Sitges (où se côtoient Noboru Iguchi et Bela Tarr ou, cette année, Leos Carax et… Camille redouble). Hors sujet ? Pas du tout. Le fantastique n’est pas tant un genre en soi qu’une expérience du réel qui peut s’insinuer dans n’importe quel genre. Tous les films de la compétition 2013 sont très différents. Tous sont des films fantastiques. Voilà des choix qui bousculent la définition réduite du genre, le questionnent, offrent un point de vue différent. Et le rendent plus riche.

La sélection compétition était aventureuse, et a donc (logiquement) suscité des réactions diverses. Ce qui, à nos yeux, est très sain, surtout dans un festival de genre où l’on attend des partis-pris forts. Les films qui ont le plus divisé étaient peut-être les plus stimulants artistiquement : on pense à House of Last Things, The Crack ou The Complex. Le premier est un labyrinthe ludique constitué de secrets sur un secret, racontant une curieuse histoire de transferts d’identité, de possession dans une maison non pas construite sur un cimetière indien mais sur… un ancien parcours de golf. Un film qui s’amuse de façon assez jubilatoire à marcher hors des sentiers battus. Le second emprunte au conte de fées pour raconter le deuil d’un jeune homme et ses désirs larvés. Alfonso Acosta parvient à créer un climat fantastique sans jamais montrer d’événements totalement surnaturels. Une partie du public, qui a mal accueilli le film, ne l’a pas ressenti. The Crack n’est, de toute façon, pas un film fait pour plaire à tout le monde. The Complex enfin a souvent été réduit à une histoire déjà vue. Mais l’histoire du nouveau Nakata est effectivement déjà vue. Sa mise en scène, non. C’est elle qui dicte son récit, chaque détail formel remplissant les creux d’un script basique. Audacieuse et flamboyante, la mise en scène de The Complex est peut-être la plus accomplie de Nakata, et sans doute la plus impressionnante parmi la compétition.

D’autres films ont davantage mis d’accord la rédaction. En premier lieu, Remington and the Curse of the Zombadings, nouvelle preuve de la vitalité actuelle du cinéma philippin. L’humour queer du film de Jade Castro, où l’on tue à coup de sèche-cheveux bionique, où les trav ressemblent à Janet Jackson ou Diana Ross, et où le pire cauchemar horrifique est d’être homo, fait merveille. Découvert à Cinemalaya, le festival de films indépendants des Philippines d’où sortent les principales révélations récentes du pays, Remington souffre simplement de problèmes de rythme, mais voilà une comédie réjouissante qui parvient même, sous ses aspects potaches, à exprimer un propos progressiste sans avoir à le hurler. The Bay de Barry Levinson questionne le genre, tente de marier le gigantisme du film catastrophe à la technique de poche du found footage. La multiplicité des supports (vidéo surveillance, webcam, Skype, téléphones portables, caméscope) fait de The Bay un objet formel plutôt inédit et surtout vivant. Et si You’re Next a généralement fait plaisir à tout le monde avec ses mises à mort saignantes, les réserves étaient généralement communes sur ses quelques facilités horrifiques ou son humour au cynisme un peu paresseux.

D’autres films ont réuni la rédaction mais plutôt dans la tiédeur. Il y a quelque chose de fascinant dans Berberian Sound Studio, dans son climat inquiétant, dans ses scènes en boucle comme on laisserait un 33T tourner même quand la musique s’est achevée. Mais le film vient assez rapidement à bout de son idée. Même chose pour The End, pas infamant mais qui ne sort jamais de ce qu’on attend de lui au bout d’un quart d’heure. Le Grand Prix est allé à Mama. Un choix consensuel (certains membres de la rédaction diraient plutôt conventionnel) pour un film classique et solide, à défaut de prendre autant de risques que les longs métrages cités précédemment.

Le pouls du fantastique, Gérardmer le prend également hors compétition. C’est aussi là que la sélection peut se lâcher sur des œuvres encore plus barrées. Cloud Atlas de la triplette Wachowski/Wachowski/Tykwer joue deux rôles en même temps : à la fois prestigieuse avant-première de blockbuster attendu et film parfaitement déroutant à l’ambition folle. Contrat rempli, et même au-delà (plus que pour l’autre blockbuster de 2013, Hansel et Gretel, dont l’intérêt se limitait à être la première projection 3D du festival). Autres longs métrages qui tels Tom Sawyer n’ont peur de rien : la SF lyrique de Vanishing Waves, le bad trip aux portes de l’enfer de Toad Road, le mix zinzin Tsukamoto/Matsumoto de Henge ou les sushis tueurs de Dead Sushi. Pour du cinéma conventionnel, on était prié d’aller voir ailleurs. Même chose du côté des documentaires : le fascinant Room 237 ne ressemble certainement pas aux docs habituels sur le cinéma.

L’un des paris du festival était également, cette année, une rétrospective consacrée à un nom pour le moins méconnu du fantastique, en opposition aux rétros récentes consacrées à des classiques populaires. La découverte du Mexicain Carlos Enrique Taboada a été formidable, plongée dans la psyché de quelques figures féminines volontiers perverses dans un monde où les hommes existent à peine. On espère une aussi belle trouvaille pour 2014.

Un mot, enfin, des propos tenus par Christophe Lambert, président du jury compétition. Celui-ci a publiquement houspillé le festival, expliquant que certains films n’avaient pas leur place en compétition. Il a en effet souvent été question ici ou là de la nature fantastique ou non des œuvres présentées. Pourtant, tous les films présentés appartenaient au fantastique. Voilà qui témoigne d’une idée bien étriquée de ce qu’il devrait être. Sélection pas au niveau peut-être ? Beaucoup ironisaient déjà dimanche soir que les réalisateurs de Catwoman, de Frontière(s) ou que l’acteur d’un nombre incalculable de nanars se permettent de faire la fine bouche sur une sélection aussi ambitieuse (dont certains films sont passés par Cannes, Rotterdam, ces festivals qui ne se caractérisent pas par leur médiocrité). Mais ce sont surtout des propos qui n’ont aucune cohérence par rapport aux films primés.

Comment Lambert peut-il prendre le festival de haut en expliquant qu’il doit faire preuve de plus d’exigence tout en récompensant le film le plus consensuel de la compétition (Mama) ? Comment caresser le public dans le sens du poil (en opposition aux choix forcément élitistes d’une sélection) tout en primant un des films les plus mal accueillis par ce même public (Berberian Sound Studio) ? Ce n’est pas parce qu’un président de jury est invité par un festival qu’il doit se transformer en VRP bien élevé. Mais taper publiquement dans les genoux d’une manifestation dont la santé financière était encore fragile il y a peu, alors même que celle-ci continue de prendre des risques en sélection, nous semble au mieux incorrect. Et condescendant envers le public. Non, le public de Gérardmer ne vient pas que pour voir des Mama. Oui, un film comme The Crack a été mal accueilli mais cet accueil rejoint ceux récemment réservés à Rétribution de Kurosawa ou Amer du duo Cattet/Forzani (pas une mauvaise compagnie). Et si le problème, ce n’était pas la sélection, mais les goûts restreints d’une certaine partie du public ? Celle qui beugle des « à poil », des « baise-la ! », des « montre ton pubis ! » pendant les films ? Ces mêmes se permettraient-ils de lancer des remarques racistes à l’écran ? Il y a, fort heureusement, un public à la hauteur du festival, venu pour tenter des films risqués et découvrir autre chose. Et il y avait beaucoup de choses à découvrir cette année à Gérardmer. Si le festival doit faire preuve de plus d’exigence l’an prochain, c’est peut-être dans son choix de président du jury.

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par Nicolas Bardot

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