Chéri

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Chéri
Royaume-Uni, 2009
De Stephen Frears
Scénario : Christopher Hampton
Avec : Kathy Bates, Rupert Friend, Michelle Pfeiffer
Photo : Darius Khondji
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 1h30
Sortie : 08/04/2009
Note FilmDeCulte : *****-
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A la Belle époque, une courtisane de près de cinquante ans est la maîtresse d'un jeune homme nommé Chéri...

PLAISIR D'AMOUR NE DURE QU'UN MOMENT

"Jolies anses pour un si vieux vase", observe, amère, Léa de Lonval, courtisane dont la splendeur est pourtant baignée par la lumière déclinante du soleil. Comment adapter le Chéri de Colette? Voilà le défi casse-tête que se sont lancés Stephen Frears et son scénariste Christopher Hampton. Indice encourageant: c'est avec l'aide de la plume d'Hampton que Frears, via Les Liaisons dangereuses et Mary Reilly, a signé ses deux meilleurs films. Chéri ne vient pas bousculer la hiérarchie mais relève pourtant le pari avec succès. Le style impressionniste de Colette, son tempo particulier, les murets romanesques construits entre les amants par les ellipses, les éloignements balayés en une ligne, l'écriture à vif comme un battement de coeur exalté trouvent une traduction idéale dans le rythme qu'imprime Hampton au récit, jamais dans la pesanteur costumée mais dotée d'une énergie atypique pour le genre, une concision qui colle au décor: Belle époque en faste, violons tziganes au salon, divertissements auprès de chéris, sentiment parfaitement rendu par la partition d'Alexandre Desplat, probablement sa meilleure depuis Birth. Mais l'insouciance n'est que théâtre, surtout chez Léa de Lonval, dont la peau retient davantage le parfum simplement parce qu'elle est moins ferme, dont les attraits ne seront bientôt plus qu'un souvenir, un buste posé dans le boudoir, comme ce portrait de jeunesse de Madame Peloux (Kathy Bates) qui semble appartenir à une autre vie.

Plus que la passion dévorante, poison d'un narcissisme amoureux qui ne parvient pas à être aussi poignant que chez Colette (Rupert Friend, fade et trop commun en Chéri, est une erreur de casting), c'est le portrait du déclin tragique d'une mondaine flamboyante que réussit Stephen Frears, femme d'un monde clos et grande horizontale à qui l'on offre le reflet infamant de ses amours avilissantes, une vieille maquerelle entichée d'un giton et toute la vulgarité qui en déborde en société. Chéri peint un crépuscule, le sien, celui de Léa, incarnée par une Michelle Pfeiffer sensationnelle, rôle cousu sur elle et fleurs fanées dans la main, déclin aussi d'autres courtisanes vieillissantes, travesties ou aux yeux trop maquillés, et laisse apparaître une lueur d'espoir à travers cet amour physique, ambigu car aussi sexué que maternel; las, en société comme en amour, les mondes sont cloisonnés. La bluette avec un beau gymnaste n'est qu'une bricole et les vrais règlements de compte s'annoncent cinglants. C'est une certaine tendresse qu'Hampton et Frears ont privilégié dans le dernier face-à-face, et l'art de Colette s'y retrouve, ce drame laissé à la porte, observé de la fenêtre, destin scellé en une phrase off. Le dernier plan cite avec acuité celui des Liaisons dangereuses, dans cette valse-hésitation entre la frivolité apparente et le désespoir résigné, face au miroir, l'heure est au triste bas les masques.

par Nicolas Bardot

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