The Visit

The Visit
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Visit (The)
États-Unis, 2015
De M. Night Shyamalan
Scénario : M. Night Shyamalan
Durée : 1h34
Sortie : 07/10/2015
Note FilmDeCulte : *****-
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Deux enfants sont envoyés passer une semaine en Pennsylvanie, dans la ferme de leurs grands-parents. Mais lorsque l'un d'eux découvre qu'ils sont impliqués dans quelque chose de profondément dérangeant, leurs chances de retour s'amenuisent de jour en jour.

CHACUN SON CINÉMA

Après un double détour raté par la science-fiction (Le Dernier maître de l'air et After Earth), M.Night Shyamalan revient au genre qui l'a fait roi: l'horreur. L'auteur a divisé, parfois violemment, souvent bêtement - il reste pourtant un des meilleurs nouveaux cinéastes du genre à être apparu ces 15 dernières années et tout simplement un des meilleurs conteurs d'aujourd'hui. Il est d'ailleurs souvent question de raconteurs dans les films de Shyamalan : on expose des mythes et leurs règles, et la réalité elle-même peut prendre l'allure d'un conte. Le meilleur exemple est La Jeune fille de l'eau, l'un de ses films les plus mal aimés, qui en plus d'être un conte au premier degré est aussi un conte de cinéma. C'est un film sur l'imaginaire, sur son pouvoir, et sur son poids dans le réel: à mesure que le conte est dit, ses créatures merveilleuses s'invitent littéralement dans le quotidien d'une propriété banale, comme tombées du ciel. Ce n'est plus une métaphore.

Ce qui vaut pour La Jeune fille de l'eau vaut pour le cinéma de Shyamalan en général. Au-delà d'être un "truc" classique du fantastique où le surnaturel surgit dans le réel, c'est aussi une réflexion sur le cinéma, sur son pouvoir de fascination, sur sa réalité concrète, sur la foi en ce qu'il y a sur l'écran. Les deux jeunes héros de The Visit sont deux apprenti-cinéastes. Ils préparent un documentaire sur leurs grands-parents, brouillés depuis des années avec leur mère. Comment le cinéma peut-il agir sur la vie ? C'est la question posée par les jeunes Becca et Tyler, c'est une question qui se pose aussi dans le cinéma de Shyamalan où il est question de foi, de responsabilité et d'un monde à affronter, qu'il s'agisse d'Incassable, du Village ou de Signes. The Visit n'est pas non plus un film extrêmement profond, mais c'est une question qui néanmoins est abordée. On parlait récemment de l'équilibre délicat entre le romanesque et le théorique - c'est un art dans lequel Shyamalan excelle.

La maison est un motif récurrent du cinéaste. C'est un refuge comme dans Signes, mais celui-ci peut être empoisonné. Le héros de Sixième sens est, au début du film, attendu chez lui et on sait ce qui va lui arriver. Les habitants du Village préfèrent s'imaginer protégés derrière leurs remparts. Cette ambivalence est à nouveau utilisée dans The Visit où le mimi cottage de mamie et papy se révélera évidemment plus inquiétant que prévu. Comme souvent chez Shyamalan (et chez les cinéastes du genre les plus intéressants), le fantastique est avant tout une question de regard. Ça n'est pas seulement une irruption arbitraire du surnaturel à l'écran comme un diable sortirait de sa boite. Tout simplement, pour un gosse de la ville, la remise au fond du jardin est naturellement flippante. Pour deux gamins nés à la fin des années 90 ou au début des années 2000, des vieux aux corps fatigués et qui perdent un peu la tête sont forcément des êtres un peu bizarres - voire des extraterrestres. C'est ce qui rend riche le fantastique de Shyamalan: il laisse suffisamment de liberté pour y voir ce que l'on veut - et d'ailleurs pour le voir ou non.

Becca, comme on l'a dit, décide de faire un documentaire sur ses grands-parents et sur ce mystère qui les lie à sa mère. Shyamalan use donc du found-footage (on sait le cinéaste favori des haters, mais associé à ce genre facilement détesté - surtout lorsqu'il cite ici Paranormal Activity lors d'une scène - autant vous dire que les "haters gonna hate, hate, hate"). Cette pratique capte forcément le réel, caméra au poing, comme les héros du Projet Blair Witch traquent la sorcière. Mais on est habitué aux ficelles du genre, on sait que le vrai est faux et Shyamalan n'est pas dupe. Lorsqu'ils sont filmés, les personnages ne parviennent pas à être naturels car la caméra modifie leur comportement. Ce qu'on filme ne peut être que de la fiction : celle rattachée à l'imaginaire (lorsqu'une fillette entre dans un four, on est projeté dans Hansel et Gretel), celle qui maquille le réel (une légende inquiétante sur le lac d'à côté). Shyamalan joue avec grande habileté sur ce vrai/faux qui va comme un gant à ce genre en particulier.

La réserve que l'on peut émettre au sujet du found footage est qu'il permet assez rarement de donner une ampleur formelle aux films dans lequel il est utilisé. C'est évidemment dommage avec un filmeur comme Shyamalan. Cela confère un côté "mineur" à ce long métrage - chose qui semble d'ailleurs assumée avec son côté épisode de La Quatrième dimension. Mais cet épisode est fun, ludique et malin. Shyamalan n'a rien perdu de son sens du grotesque, de ses scènes too much à ses joyeuses gueules (ici Deanna Dunagan, actrice de théâtre aux faux-airs inquiétants à la Grace Zabriskie). The Visit a sa morale de conte, mais celle-ci est plus ambigue qu'en apparence. Comme d'habitude chez Shyamalan, et comme avec son traitement du surnaturel, il y a ceux qui le verront, et ceux qui n'y verront rien.

par Nicolas Bardot

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