Thalasso

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Thalasso
France, 2019
De Guillaume Nicloux
Scénario : Guillaume Nicloux
Avec : Gérard Depardieu, Michel Houellebecq
Photo : Christophe Offenstein
Musique : Julien Doré
Durée : 1h33
Sortie : 21/08/2019
Note FilmDeCulte : ***---
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Cinq années ont passé depuis L'Enlèvement de Michel Houellebecq. Michel et Gérard Depardieu se rencontrent en cure de Thalasso à Cabourg. Ils tentent ensemble de survivre au régime de santé que l’établissement entend leur imposer. Alors que Michel est toujours en contact avec ses anciens ravisseurs, des événements imprévus viennent perturber leur programme..

SMOKE ON THE WATER

Depuis sa date de naissance modifiée par sa mère en raison d’une prétendue intelligence supérieure à son âge, la personnalité de Michel Houellebecq se brouille avec l’image, aujourd’hui médiatique, qu’il renvoie dans différentes émissions où il a pu intervenir. Écrivain aussi brillant que controversé, ce dernier fut l’objet d’un mystérieux kidnapping en 2014, devant la caméra du réalisateur Guillaume Nicloux. Docu-fiction déstabilisant et obscur lorgnant du côté des tranches de vie insolites croquées par Strip-Tease il y a quelques années, L’enlèvement de Michel Houellebecq avait le pouvoir de renforcer tout le mystère qui planait autour de la persona de l’écrivain tout en en faisant finalement l’instigateur du mouvement, l’organisateur de la micro-société dans laquelle ses ravisseurs et lui vont vivre l’espace de quelques jours, par la simple improvisation de la quasi-totalité des dialogues. Une certaine paraphrase audiovisuelle de la réflexion de l’auteur sur le monde, sur ses oeuvres, et ce que celles-ci contiennent. Difficile, dès lors, d’imaginer une suite à cet enlèvement avec les mêmes personnages; mais Nicloux et sa bande en prirent le pari avec Thalasso, sorte, en apparence, de journal de bord d’un auteur toujours aussi désabusé, face à sa nouvelle prison : une cure thermale à Cabourg.

MISE EN ABÎME

Le pari a toutefois le mérite d’être dans un contrepoint souvent passionnant avec le premier film cité, avec pour ambition première de relancer ici la machine Houellebecq paraissant grippée. Il n’est donc pas illogique de voir Gérard Depardieu, que le cinéaste avait revendiqué comme son alter-ego, devenir en quelque sorte l’élément perturbateur du récit, en déviant Michel Houellebecq de sa diète thermale. Son apparition subite, zone obscure du récit, contemple Houellebecq, le ranime et prolonge son état, tout en critiquant sa propre forme et sa propre carrière cinématographique. Le film trouve cependant son intérêt le plus notoire dans le retour des ravisseurs du film de 2014, via une intrigue entièrement fictionnelle qui génère alors une confusion volontaire de toute la narration. La prison, bientôt espace de vie, de L’enlèvement devient un hors-champ inaccessible, une liberté hors de l’établissement où semble emprisonné le protagoniste des deux films, le rendant alors figé, passif. Michel Houellebecq devient alors une figure fatiguée, noyau d’une constellation en constante rotation qu’il a pourtant mis en place, par les liens qu’il a tissés avec chacun des personnages. L’écrivain devient alors prisonnier de l’établissement, mais de lui-même également : la carapace qu’il a mis en place, sa persona qui servait alors de posture, contamine chacun des actants qui le manipulent, le tordent, dans l’espoir que renaisse la plaque tournante, l’esprit vif qu’il était, hors de son regard passéiste et répétitif, pour dénouer le récit fictif dans lequel s’embourbe progressivement le film, jusqu’à contaminer entièrement l’aspect documentaire présent depuis le début du métrage.

Le récit fictif - un divorce entre octogénaires - s’amorce alors par l’apparition d’artifices jusqu’ici inexploités dans les deux long-métrages. Tout devient plus musical, plus cinématographique, brouillé par le mixage, devenant cacophonie entre les dialogues et les sons off. Il est dommageable, toutefois, que le récit patauge alors, et ne trouve qu’un intérêt par la répétition lourdingue et volontaire de motifs (notamment Michel Houellebecq lui-même, qui raconte à qui Dieu veut les grandes lignes du premier volet) qui n’incitent pas plus à la réflexion. Le film semble trop vite révéler ses cartes et ses pistes d’analyses, quitte à annihiler tout prolongement sur la grande absurdité du récit à force de la surligner précédemment. Cette difficulté à tenir sur la durée cette volonté d’hyperboliser toutes les coutures du récit soumet alors une pénible question : le film n’aurait-il pas gagné à être réduit au format du moyen-métrage ?

par Tanguy Bosselli

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