Star Wars : L'Ascension de Skywalker

Star Wars : L'Ascension de Skywalker
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Star Wars : L'Ascension de Skywalker
Star Wars : The Rise of Skywalker
États-Unis, 2019
De J.J. Abrams
Scénario : J.J. Abrams, Chris Terrio
Avec : John Boyega, Adam Driver, Oscar Isaac, Daisy Ridley
Photo : Daniel Mindel
Musique : John Williams
Durée : 2h21
Sortie : 18/12/2019
Note FilmDeCulte : ****--
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La conclusion de la saga Skywalker. De nouvelles légendes vont naître dans cette bataille épique pour la liberté.

ORDRE FINAL ET DERNIER ESPOIR

Il est tout bonnement impossible de remporter certains paris. Impossible. En 2015, J.J. Abrams devait déjà relever le défi de faire renaître Star Wars en essayant de ramener l'ancien public et le nouveau dans les salles. Et de les satisfaire. Seulement, maintenant que la saga s'étend sur trois générations, chacune s'arrogeant le droit de la voir comme bon lui semble, l'exercice est résolument irréalisable. Nul n'en a davantage fait les frais que Rian Johnson. Si Abrams avait su convaincre le plus grand nombre avec son simili-remake de l'Épisode IV - qui vit par conséquent la création du terme "film doudou" de la part de cinéphiles incapables de réfléchir aux tenants et aboutissants thématiques, qui plus est récurrents, traités par l'auteur, Johnson s'était confronté à l'ire de toute une frange de fans visiblement choqués et déçus par la façon parfois iconoclaste, et pourtant en écho avec les caractérisations et cheminements établis par la trilogie originale, dont il abordait la mythologie et les personnages. Point de discorde particulier : Johnson semblait se faire un malin plaisir à retoquer les théories de fan nées suite à la méthode de la "mystery box" régulièrement employée par Abrams. Rey n'est personne. Snoke n'est personne. Il faut tuer le passé. La Force pour tous. Appelé à la rescousse par la productrice Kathleen Kennedy après qu'elle ait renvoyé le réalisateur initial de ce neuvième opus, Colin Trevorrow (Jurassic World), Abrams se trouvait dans une position particulière. Lui qui est habitué à (re)lancer des univers est amené pour la première fois à en conclure un. Une trilogie qu'il a entamé, qui plus est. Toutefois, c'est en réalité une trilogie de trilogies qu'il se doit de conclure, l'équipe créatrice insistant sur le fait qu'il s'agissait du dernier volet de la "saga Skywalker". Néanmoins, il apparaît évident que si Kennedy, qui remplace donc un de ses réalisateurs pour la quatrième fois, est retourné chercher Abrams, c'est aussi pour retrouver l'esprit fédérateur du Réveil de la Force. Et tous les spectateurs de se demander, craintifs pour certains et pleins d'espoir pour d'autres, si Abrams allait revenir sur les choix les plus controversés des apprécié Derniers Jedi. De cette tâche ingrate, le cinéaste fait un film qui paraît à la fois bien intentionné et plein de concessions, qui rétropédale tout en assurant une certaine continuité, qui recule pour mieux sauter mais ce faisant courbe un peu trop l'échine. C'est pourquoi il est tout bonnement impossible de discuter convenablement du film sans parler du fandom. Et pourquoi il est tout bonnement impossible de discuter convenablement du film sans spoiler.

Le livre qui aura pour sujet les coulisses de Lucasfilm période Disney sera passionnant. Pour le moment, il est impossible de savoir où commence Abrams et où s'arrêtent Kennedy et Bob Iger, patron de Disney. Si L'Ascension de Skywalker semble refuser l'exercice du cadavre exquis, cela peut s'imputer autant à l'envie de caresser une minorité vocale dans le sens du poil qu'à la détermination d'un artiste à reprendre les choses là où il les avait laissé. En effet, le film donne parfois l'impression qu'Abrams et son co-scénariste Chris Terrio (Argo, Batman v Superman) ont pris tous les griefs des fans les plus toxiques ainsi que tous les souhaits des autres et ont établi une checklist d'éléments à intégrer (et que l'on n'énumèrera pas, pour ne rien dévoiler). Certains raccrochages de wagons semblent avoir été conçus pour apporter les explications exigées par les spectateurs les plus pinailleurs et le résultat, quand l'exécution ne se précipite pas trop, est plus ou moins convaincant. Non seulement l'effort est louable mais la mythologie s'en retrouve approfondie. Malheureusement, certaines décisions passent exclusivement pour du fan service. Ou pire, du hater service. "J'aime pas le personnage de Rose. Je vais harceler son actrice sur les réseaux sociaux." Résultat : Rose est réduite à de la quasi-figuration. À l'inverse, le seul souhait récurrent des fans qui n'a pas été exaucé est celui de voir Finn et Poe former un couple. Comme par hasard. En déficit de représentation, la communauté gay avait "shippé" (de relationship) les deux protagonistes en extrapolant leur camaraderie et l'alchimie entre les deux acteurs. Quand Johnson créait le personnage de Rose dans Les Derniers Jedi et faisait d'elle une potentielle cible amoureuse de Finn, ce n'était pas pour réfuter cela (le scénario était écrit avant la popularisation de ce ship) mais quand Abrams créé le personnage de Zori Bliss, aussi fonctionnel que le nouveau droïde, comme ancienne conquête de Poe ainsi qu'une autre potentielle cible amoureuse pour Finn en la personne de Jannah, qui se trouve être noire, ça fait vraiment "les hommes avec les femmes, les noirs avec les noires, les asiatiques à l'arrière-plan". Abrams ne cherche sans doute pas consciemment à faire un doigt d'honneur à Johnson mais, qu'il le veuille ou non, il se plie aux requêtes des chouineurs, et pas les moins "dangereux", leur donnant le film qu'ils voulaient voir.

Au-delà de toutes ces questions, le film présente également de vrais problèmes narratifs en soi. Introduisant à la va-vite de nouveaux éléments de lore dans le dernier épisode, tel J.K. Rowling, le premier acte est quelque peu laborieux dans son enchaînement de péripéties autour de la quête d'un McGuffin. Toutefois, cet artefact est incarné de façon métatextuelle, comme Abrams aime tant, montrant les protagonistes cherchant en vain à "trouver leur voie" dans les ruines de la trilogie originale. Par ailleurs, après avoir chacun gagné un arc certes narrativement bancal mais au propos intéressant dans le précédent chapitre, Finn et Poe écopent des rôles réservés à Han et Leia dans les Épisodes V et VI, à savoir des rebondissements de serial, tandis que les Force Sensitives se taillent une fois de plus la part du lion. À ce titre, les séquences concernant Rey et Kylo s'avèrent cette fois encore les plus pertinentes et les plus fortes, leur tourment étant poussé toujours plus loin. Certaines révélations majeures - tout ce qui touche à Palpatine, en gros - sont amenées de façon très didactique, par le biais de monologues explicatifs qui amoindrissent leur impact, mais une fois qu'on accepte certains choix polémiques, l'enrichissement de l'univers, reprenant d'ailleurs parfois le flambeau des apports de Johnson, notamment dans les pouvoirs de la Force, est une contrepartie réjouissante au récit alambiqué. Après tout, ce même élan qui pousse Abrams à vouloir faire plaisir à certains accouche d'un film franchement généreux. Au premier abord, le film paraît manquer d'audace, pour ses retcons mais aussi le sort qu'il réserve (ou refuse de réserver) à certains personnages. Cependant, ses prises de risques sont ailleurs, dans la nature objectivement bizarre des passages chez Palpatine, dans le jusqu'au-boutisme de son traitement de la Force, dans l'ambition de marquer le point final à neuf films en cristallisant le combat ultime de la Lumière contre le Côté Obscur, de tous les Sith et tous les Jedi réunis. Et, mine de rien, dans la volonté de l'auteur de finir ce qu'il a commencé.

Le Réveil de la Force amenait une réflexion sur le culte de la nostalgie : Finn et Rey, comme les spectateurs, vivaient dans un monde où Han Solo et Luke Skywalker étaient devenus des figures mythiques. En face, le méchant Kylo Ren, tel un fan avec ses produits dérivés, fétichisait le casque de Darth Vader, autant la croix gammée du néo-nazi qui s'accroche aux symboles d'antan que le symbole de la saga Star Wars en soi. Et son casque à lui ne cachait aucune cicatrice, c'était du cosplay. Là où on attendait une nostalgie exploitée en mode fan service, on avait de la mélancolie et une dénonciation du fanboyisme. Poussant la métatextualité, Les Derniers Jedi rebondissait sur cette idée, appelant à se défaire du passé et à dire adieu au vieux monde. Bien qu'il revienne sur certains des choix de Johnson, et qu'il semble ainsi donner raison aux Kylo Ren de ce monde, refusant le changement au sein de leur saga fétiche, L'Ascension de Skywalker poursuit cependant cette idée du passé à anéantir et du refus du destin. Rey, la fangirl de Luke, se rêvait des origines qui lui donneraient enfin son identité. Elle n'a pas ces origines. À l'instar des héroïnes abramsiennes qui l'ont précédé, comme Felicity ou Sidney Bristow, elle doit se forger sa propre identité. Comme les autres orphelins chers à l'auteur, elle doit se forger sa propre famille. Ce n'est pas notre lignée qui dicte qui on est. En cela, le propos final n'est pas si éloigné de celui de Johnson et achève l'idée d'une transmission du vieux monde vers le nouveau. Truffé de belles idées, d'images iconiques et de scènes touchantes (quand elles ne sont pas désamorcées par une blague en mode Marvel), L'Ascension de Skywalker demeure un film inégal, imparfait, mais quand il arrive à convertir son fan service de façon pertinente, il est dur de bouder son plaisir, à défaut d'être pleinement satisfait.

par Robert Hospyan

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