Star Trek Into Darkness

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Star Trek Into Darkness
États-Unis, 2013
De J.J. Abrams
Scénario : Alex Kurtzman, Damon Lindelof, Roberto Orci
Avec : Benedict Cumberbatch, Chris Pine, Zachary Quinto
Photo : Daniel Mindel
Musique : Michael Giacchino
Durée : 2h12
Sortie : 12/06/2013
Note FilmDeCulte : *****-
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Alors qu’il rentre à sa base, l’équipage de l’Enterprise doit faire face à des forces terroristes implacables au sein même de son organisation. L’ennemi a fait exploser la flotte et tout ce qu’elle représentait, plongeant notre monde dans le chaos… Dans un monde en guerre, le Capitaine Kirk, animé par la vengeance, se lance dans une véritable chasse à l’homme, pour neutraliser celui qui représente à lui seul une arme de destruction massive. Nos héros entrent dans un jeu d’échecs mortel. L’amour sera menacé, des amitiés seront brisées et des sacrifices devront être faits dans la seule famille qu’il reste à Kirk : son équipe...

MA PETITE ENTREPRISE...

Il y a maintenant déjà quatre ans, à l'époque où certains doutaient encore des capacités de J.J. Abrams, le cinéaste aux maints talents était parvenu à ressusciter une franchise considérée moribonde avec un film qui réussissait l'exploit d'être à la fois une suite, une préquelle et un reboot de la franchise existante, proposant un nouveau départ de manière à séduire les néophytes et les réfractaires tout en gardant valides les épisodes passés, respectant l'amour que leur portent les fans de la saga. Une démarche profondément geek mais aucunement refermée sur elle-même. Aujourd'hui, alors qu'il a pu faire montre d'un tout autre registre avec le plus personnel Super 8, Abrams revient avec le nouvel épisode de Star Trek, non plus attendu au tournant comme il avait pu l'être la première fois, mais accueilli avec une certaine confiance toutefois curieuse. Après avoir su fédérer les aficionados et le grand public, saurait-il maintenir l'intérêt de chacun une fois les présentations faites? Une chose est sûre, Star Trek Into Darkness est un film somme toute assez différent du premier et qui semble parfois marcher à un tout autre degré de lecture pour les connaisseurs. L'énergie folle du précédent dynamisait la licence par le biais notamment d'un bon vieux récit reprenant les bases du monomythe de Joseph Campbell, réexposant l'univers dans tout ce que son créateur Gene Roddenberry lui avait conféré d'optimisme glorieux. Si l'on retrouve cette même qualité de blockbuster fun, force est de constater que cette suite se veut clairement moins joyeuse et bien plus sombre. Freinons tout de suite les mauvaises langues, il ne s'agit pas d'un dark "fashion". D'ailleurs, la série télévisée originale n'a rien de (volontairement) comique et tous les films de la saga ne sont pas des Star Trek IV : Retour sur Terre (où l'humour palliait au manque de budget). Cette nouvelle approche témoigne une fois de plus de la volonté de moderniser la saga tout en étant toujours plus fidèle au matériau de base, et l'ouvrage se permet donc d'être plus noir par moments, dans le fond comme dans la forme, que ses prédécesseurs.

DIRECTIVE PREMIÈRE

N'ayez pas peur, le film ne manque pas d'humour. Une bonne dose demeure principalement assurée par Scotty, le sidekick comique, ou l'antagonisme de buddy movie entre Kirk et Spock. Néanmoins, le film propose tout de même autre chose que le premier. La propulsion narrative du précédent, dont le récit était délibérément construit sur un enchaînement d'événements un peu fortuits, mettant tout le monde à sa place comme si tout était prédestiné - malgré l'altération de la timeline par le retour dans le temps de Nero (Eric Bana) - conférait à l'ensemble un rythme non-stop qui n'est plus de mise ici. Finie l'installation, on est dans l'exploitation de l'univers et des personnages. A l'instar des derniers James Bond, on est toujours un peu dans de la préquelle (re)définissant les rôles, mais le récit s'articule toutefois autour d'une histoire bien moins "prétexte" qui prend le devant de la scène, et le film s'en retrouve grandement enrichi. D'un point de vue narratif (et par conséquent visuel), l'action nous fait traverser différents aspects de Star Trek, passant du film d'aventures au codes du film de sous-marin. Le prologue très "Indiana Jones" témoigne une fois de plus de l'amour d'Abrams pour Steven Spielberg, et on voyage pas mal au départ, de Nibiru à la Terre à Kronos, ce qui permet au metteur en scène de s'en donner à cœur joie d'un point de vue esthétique. On retrouve le même goût pour les couleurs outrancières dont faisait déjà preuve Abrams dans Mission : Impossible III, dans cette jungle rouge qui semble diégétiser les filtres de son premier film, ou les vitraux jaunes criards de la planète Klingon... A l'instar du magnifique premier plan de Super 8, le réalisateur laisse parfois les images seules raconter l'histoire, au gré de quelques scènes muettes, ce qui lui offre également la possibilité de laisser planer le mystère comme il l'aime tant. Passée l'introduction, qui assure la transition, le ton est donné par le titre : l'ambiance sera différente cette fois-ci.

ZERO TREK THIRTY

Suite au succès de The Dark Knight, nombre de blockbusters ont fait état de l'influence qu'exerçait le chef d’œuvre de Christopher Nolan, et les plus réfractaires à la "nolanisation" du cinéma populaire américain risquent de ne pas apprécier cette direction. Dès la première affiche, rappelant celle du dernier Batman, Internet ne tarda pas à rebaptiser le film Star Trek Into Dark Knight. Cela dit, on ne pense pas tant que ça à Nolan. Si le méchant apparaît tout d'abord comme un terroriste, et si l'on est encore dans le trauma post-11 septembre, comme en témoigne toute cette intrigue à base de complot, de prétexte à la guerre, d'agent formé par le gouvernement pour mener la guerre et que l'on a délaissé, le destinant à se retourner contre soi, c'est davantage la patte de Roberto Orci que l'on ressent. Cependant, même sans ce scénariste, fidèle collaborateur d'Abrams, et célèbre sur Twitter pour ses théories de conspiration qu'il voit partout, Star Trek a toujours eu pour vocation de faire des analogies avec le monde réel, traitant de questions sociales et politiques. Ainsi, malgré les apparences (et les méchants qui se laissent enfermer, comme le Joker, Loki dans Avengers, ou Silva dans Skyfall), on est pas tant dans du The Dark Knight que dans du Star Trek à l'ancienne. Le terrorisme a juste remplacé la Guerre Froide. Faisant écho à la Guerre en Irak et à la traque de Ben Laden, tout le premier acte s'articule autour de la moralité de livrer une chasse à l'homme pour tuer un criminel au lieu de le ramener pour le juger, et même de l'inutilité de la torture. A ce titre, le traitement du bad guy est assez génial. John Harrison est clairement un meilleur adversaire que Nero. Sous les traits de Benedict Cumberbatch, révélé au grand public avec Sherlock, dont il incarne ici une version enragée et invincible, Harrison est sans aucun doute le personnage le plus badass du film (cf. l'incroyable scène sur Kronos). La caractérisation arrive à naviguer habilement entre la noblesse et le démoniaque pur, composant un personnage vraiment intéressant, en plus d'être charismatique. Il n'a d'ailleurs pas vraiment de plan machiavélique, contrairement aux méchants sus-mentionnés justement, et cela permet une évolution du personnage plus libre et donc plus organique finalement. En réalité, le méchant, et son intégration dans l'intrigue, renvoient davantage à ceux de la série télé, et la réinterprétation que font Abrams & Co de ce genre de figure est plutôt inventive. Et ce n'est que l'un de nombreux rappels du film à la série, à ses personnages, ses créatures, parfois par le biais d'une réplique vraisemblablement anodine ou d'une apparition fugace qui devraient ravir les Trekkies.

KIRK GARDE

Nonobstant, nul besoin d'être un fan de la première heure pour apprécier tout ce que le film développe autour des personnages, notamment du tandem Kirk/Spock, au cœur du film. Là où le film s'éloigne également de son prédécesseur, c'est en ne cherchant plus nécessairement la gestion équitable des personnages. Chacun des membres de l'équipage a encore un petit moment où briller mais l'écriture ne peut loger tout le monde à la même enseigne cette fois-ci. Kirk paraît encore plus central ici, du moins dans un premier temps, mais Spock n'est pas en reste. Le duo s'octroie la part du lion, par le biais d'une vraie exploration de la bromancequi les unit. Cela se fait sans doute au détriment de McCoy - qui complétait le trio au centre des films de l'époque Shatner/Nimoy - plus ou moins remplacé par Uhura, afin d'assurer la parité. En revanche, cette mise en avant permet surtout une mise à mal des statuts instaurés par le premier film. Ce nouveau chapitre revient sur la relative "facilité" (scénaristique et donc diégétique) de l'accès de Kirk au poste de Capitaine, et si le premier film racontait qu'il y était destiné, le second raconte qu'il doit le mériter. L'intelligence du scénario, c'est de lier l'arc de Kirk, l'humain arrogant et tête brûlée, à celui de Spock, toujours tiraillé entre la logique et les émotions, et après avoir posé les bases de cette opposition complémentaire en début de film, la résolution des deux arcs se fait conjointement, dans une scène qui met la larme à l’œil. En explorant à fond ce qu'il avait instauré en 2009, en n'ignorant jamais les tenants et aboutissements des événements du précédent film, J.J. Abrams propose une vraie suite, qui assure également le cahier des charges d'une suite. Star Trek ne sera jamais une franchise du cinéma d'action - et elle ne doit pas l'être - et toutefois, la dimension de la saga prend une toute autre ampleur ici. Outre la nature intergalactique de l'action, le film s'avère là aussi assez généreux, passant d'une course-poursuite à une fusillade, d'un dogfight aérien (enfin spatial) à du space jump, chacune de ces scènes étant magnifiée par une 3D qui s'impose comme une vraie valeur ajoutée (et l'on ne saurait évidemment que trop vous conseiller de le voir en IMAX). Star Trek Into Darkness est un film d'aventure épique, un space opera qui promet comme jamais concernant Star Wars Episode VII, mais avant tout, c'est un vrai Star Trek.

par Robert Hospyan

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