Million Dollar Baby

Million Dollar Baby
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Million Dollar Baby
États-Unis, 2004
De Clint Eastwood
Scénario : Paul Haggis d'après d'après l'oeuvre de F.X. Toole
Avec : Jay Baruchel, Mike Colter, Clint Eastwood, Morgan Freeman, Anthony Mackie, Lucia Rijker, Hilary Swank
Photo : Tom Stern
Musique : Clint Eastwood
Durée : 2h12
Sortie : 23/03/2005
Note FilmDeCulte : ******
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Agée de 31 ans, Maggie Fitzgerald, serveuse à Los Angeles, s’est mis en tête de devenir championne de boxe. Après un an d’entraînement solitaire acharné dans la salle de Frankie Dunn, ce dernier accepte de dépasser ses préjugés et ses craintes pour s’occuper d’elle.

"THERE’S MAGIC IN BOXING"

Un an et demi après le chef d’œuvre Mystic River, Clint Eastwood continue son exploration des drames sombres avec ce nouveau métrage. Un coup de maître que ce vingt-septième film qui s’est vu couronné par deux Golden Globes et quatre Oscars en ce début d’année 2005. Adapté d’un recueil de nouvelles de l’ancien soigneur de boxe professionnel F.X.Toole intitulé Rope Burns, le scénario de Paul Haggis avait tout de suite captivé le réalisateur par son habile art du détournement. Sous des faux airs de "film de boxe", la trame de l’intrigue s’appuie sur les codes, les coutumes, les habitudes de langage, l’esprit de ce milieu si particulier pour mettre en valeur chacun des personnages. Dans une conférence de presse précédant l’avant-première de New York, Clint Eastwood déclarait "Ce qui m’a intéressé dans Million Dollar Baby, c’est le fait que ce ne soit pas vraiment une histoire sur la boxe. C’est une histoire d’amour entre une personne qui est perturbée par la relation non existante avec sa fille et qui trouve une sorte de fille de remplacement dans cette jeune femme.". Un postulat de départ qui se retrouve dans chaque plan, chaque idée de mise en scène, chaque dialogue, chaque personnage. Le ring, terrain fertile, devient le lieu où se nouent toutes les relations humaines, où s’affrontent les désirs les plus intenses et les peurs viscérales les plus intimes.

"TOUGH AIN’T ENOUGH"

Une fois de plus, Clint Eastwood a ouvert son laboratoire pour disséquer des êtres solitaires, écorchés vifs, pour tisser entre eux des liens profonds, quasi-invisibles, à examiner à la loupe. Dans la sueur du "Hit Pitt", gymnase à l’ancienne aux peintures craquelées peuplé de marginaux et d’excentriques, s’entrechoquent trois personnages typiques du réalisateur aux comportements régis par des traumas enfouis. Frankie Dunn (Clint Eastwood), propriétaire des lieux, capable de transformer un boxeur modeste en véritable champion, est un coach-soigneur septuagénaire old school s’étant construit un carapace de principes. La règle de base qu’il enseigne et répète sans cesse à ses poulains: se protéger, à tout moment. Un mot d’ordre qui dépasse les cordes du ring, se révélant être peu à peu la clé de voûte de la vie de Frankie. Délaissé par sa fille qui lui retourne toutes les semaines les lettres qu’il lui adresse, cherchant depuis 23 ans un semblant de rédemption dans la religion, c’est lui-même qu’il essaye de protéger en évitant tout lien affectif, en minimisant les risques que peuvent prendre ses boxeurs. La seule relation personnelle qu’il s’autorise sont les sarcasmes et chamailleries qu’il décroche au détour de son bureau à son ami de longue date, Scrap (Morgan Freeman), la seule personne au monde à lui être restée fidèle et à connaître la cause de ses souffrances.

Ancien boxeur ayant perdu l’usage de son œil droit lors d’un ultime combat, Scrap est désormais le gardien du Hit Pitt, gardien du Temple. Derrière ses balais et ses serpillières, il se place dans la longue tradition de ces êtres mythiques dont la cécité à développé un sixième sens. Voix off, personnage omniscient présent dans l’ombre de chaque recoin, il est la bonne fée des causes perdues. Ainsi il sera le premier à voir le potentiel, le sérieux et la motivation de cette jeune femme qui se tord des poignets encore frêles contre un sac de frappe et un Frankie Dunn restant inexorablement immobiles. Maggie Fitzgerald, Hilary Swank. Serveuse de 31 ans issue d’une famille de tocards profiteurs et avachis dans leur caravane du Mississippi, elle voit dans sa passion pour la boxe une planche de salut, un moyen de toucher du doigt les sentiments de fierté et de réussite qui lui ont fait défaut dans sa jeunesse. Vilain petit canard du speed bag, impératrice du premier round, elle construit peu à peu un rêve de chair, de sang et de cartilage prêt à se rompre sous chaque coup qu’on lui porte. A partir de ces trois personnages, de leurs relations complexes, Clint Eastwood va dérouler ses thématiques, tels de nombreux fils qui s’entrecroisent pour tisser une trame à la densité remarquable.

"I’VE GOT NOTHING BUT YOU"

C’est sur la notion désormais classique du trauma que le réalisateur bâti son film. Fille perdue depuis plus de vingt ans, père décédé prématurément, famille inexistante, œil ensanglanté que l’on soigne contre son gré, obstination du match infaisable, autant de faits marquants qui ont conditionné les vies de Frankie, Scrap et Maggie. Une armature qui se voit consolidée par une autre thématique récurrente chez Eastwood, la vieillesse. Celle de Frankie et Scrap, boxeurs vétérans à la lisière de leur septième décennie, habitant les corps marqués de deux acteurs monstres sacrés et dont les dialogues sont peuplés de référence à leur âge décadent. Mais également vieillesse de Maggie, seulement âgée de 31 ans mais considérée comme trop vieille pour se mettre à la boxe. Une tournure intéressante dans ce thème qui n’avait jusqu’ici touché dans la filmographie du réalisateur que les plus de cinquante ans. Une idée qui fait écho à ses récentes déclarations, au-delà des contraintes biomécaniques, ne seraient veilles que les personnes qui auraient décidé de l’être, comme Frankie englué dans sa mentalité de retraité. Sur cette solide charpente construite depuis plus de trente ans, Clint Eastwood va développer trois autres thématiques qui étaient restées à l’état d’embryons dans ses autres réalisations: la recherche de la rédemption par la religion, la passion destructrice et la relation père-fille.

La première, en filigrane dans de nombreux films d’Eastwood, et en particulier Pale Rider et Mystic River, est ici développée comme le principal trait de caractère de Frankie. Catholique irlandais, il cherche dans la foi une sorte de béquille qui ne cesse de se briser sous le poids de sa culpabilité. Une idée d’impuissance de la religion face aux problèmes qui le hantent ouvertement explicitée lors de son dernier dialogue avec le prêtre au sujet de l’exécution de Maggie. Autre thématique déjà fortement présente chez Red Stoval dans Honkytonk Man et en toile de fond des quatre as de l’espace dans Space Cowboys, la notion d’autodestruction par la passion s’empare ici pleinement de chaque personnage, Scrap et Maggie en tête. Ces deux êtres en mal de reconnaissance se sont laissés prendre avec ardeur dans une activité exigeante où les blessures physiques sont le quotidien, où le combat continu malgré les pommettes fendues, les yeux ensanglantés et les nez cassés. Une passion que l’on pousse toujours plus loin pour arriver au cent dixième match, affronter le champion du monde, jusqu’à en perdre la vue, la faculté du mouvement, la vie. Une idée qui touche au fondement même de la boxe et que Frankie essaye de prévenir en rappelant sans cesse cette fameuse règle d’or: se protéger, à tout prix, tout le temps.

Enfin, élément principal du film, la relation père-fille qui se tisse au fil du métrage entre Frankie et Maggie. Chez Eastwood, les pères se retrouvent inévitablement éloignés de leur fille, que ce soit par simple inattention, refus de coopération ou mort de l’un des deux. C’est sur ce point de départ que s’articule l’histoire liant Frankie et Maggie. Lui rejeté par sa fille, elle ayant perdu son père en bas âge, tous deux ont besoin l’un de l’autre pour se sortir de leur impasse à la fois professionnelle et émotionnelle. Refusant au départ de la former par simple principe, Frankie se laissera toucher par le désarroi de Maggie face à l’image amère que lui renvoie son existence. Dès lors, la relation prendra forme en s’appuyant sur des séquences clés du film. Conseil sur les économies, achat d’un peignoir de satin vert sur lequel est brodé en lettres d’or l’expression "Mo Cuishle", visite dévastatrice dans la famille de Maggie, évocation des souvenirs qu’elle avait avec son père, déclaration d’amour sincère. Une figure paternelle qui prendra toute sa dimension à partir de l’accident. Avec des darling au coin des lèvres, Frankie prend en charge les soins de Maggie, lui lit des histoires féeriques, lui cherche une nouvelle université avant de succomber à sa demande insupportable dans un dernier souffle de "Mo Cuishle, my darling, my blood.".

"A DREAM THAT NOBODY SEES BUT YOU"

Suivant l’évolution de cette relation, Million Dollar Baby s’articule en trois parties cristallisées autour de l’accident de la jeune femme. D’une séquence d’ouverture remarquablement efficace situant l’univers des adeptes du Hit Pitt, le film s’embarque à la suite de Maggie et Frankie dans une tournée de tous les rings internationaux. Réalisation limpide et très fine qui se contente de montrer, parsemant le tout de petits détails annonciateurs, des touches anodines qui se précipitent dans le dernier combat de Maggie. L’entrée en scène de son adversaire dans la pénombre enveloppée de satin noir telle la grande faucheuse, la mésentente autour du placement du tabouret en début de match, autant d’éléments savamment installés qui raisonnent dans le craquement des vertèbres de Maggie. Ralenti, l’instant est suspendu, quasi irréel. Les lampes du ring tournoient au dessus du visage de Maggie, le plan suivant la clarté du jour empli sa chambre d’hôpital. Quarante dernières minutes qui seront filmées avec détachement et pudeur. La caméra garde son cap, ne s’attarde jamais sur le tragique que ce soit dans l’amputation ou la mort. Le cadre glisse, laissant bien plus qu’une image, une sensation. Les fondus au noir qui avaient jusque là rythmé le récit laissent place à des fondus enchaînés à peine perceptibles comme l’action surdimensionnée déployée lors des combats s’est désormais transformée en attente, immobile.

Cette efficacité dans la mise en scène est complétée par un travail esthétique remarquable. Des décors finement étudiés pour donner au film un caractère intemporel, une bande originale toute en douceur alliant piano jazz et guitares mélancoliques (rappelant à plus d’un titre les sonorités composées pour Impitoyable) qui soulignent habilement chaque séquence et des jeux de lumière - devenus une caractéristique eastwoodienne - supervisés de main de maître par John Stern. Bien plus que la création d’une atmosphère, ce travail lumineux participe à la construction des personnages et de l’intrigue. Visages découpés au pochoir dans les séquences de discussion à cœur ouvert. Corps décapités par les ombres comme des fantômes venus d’outre tombe donner des conseils à de fraîches recrues en passe de les rejoindre. Silhouettes noires se détachant sur des murs d’une blancheur éclatante lors des entraînements et autres escapades nocturnes. Halo de lumières autour des lettres retournées à l’envoyeur et du lit de Maggie laissant Frankie dans la pénombre, hors de porté de ses filles. Carrés lumineux et cadres du décors (portes, fenêtres, téléviseurs, cordes du ring) morcelant sans cesse les corps. En jouant fortement sur le contraste, la lumière devient un réel outil plastique allant parfois toucher les limites du noir et blanc. Un travail d’artiste maîtrisé de bout en bout par un acteur-réalisateur-producteur-compositeur hors norme.

par Julie Anterrieu

En savoir plus

Hilary Swank n’a disposé que de trois mois pour apprendre la boxe et se mettre en condition physique. Pour se faire, elle s’est alloué les services du légendaire entraîneur de boxe Hector Roca, installé à Brooklyn, le tout supervisé par le spécialiste du levé de poids Grant Roberts, avec qui elle a travaillé près de quatre heures par jour tout au long du trimestre de préparation afin d’obtenir la masse musculaire nécessaire à la crédibilité de son rôle. Au final, Hilary Swank a réalisé elle-même l’intégralité de ses scènes de combat, se servant de son expérience de découverte de ce milieu sportif pour nourrir son personnage.

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