Mademoiselle

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Mademoiselle
Agassi
Corée du Sud, 2016
De Chan-Wook Park
Durée : 2h24
Sortie : 01/11/2016
Note FilmDeCulte : *****-
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Corée. Années 1930, pendant la colonisation japonaise. Une jeune femme (Sookee) est engagée comme servante d’une riche japonaise (Hideko), vivant recluse dans un immense manoir sous la coupe d’un oncle tyrannique. Mais Sookee a un secret. Avec l’aide d’un escroc se faisant passer pour un comte japonais, ils ont d’autres plans pour Hideko...

OPULENCE ET MANIGANCES

Eloge de la beauté: Mademoiselle, le nouveau film de Park Chan-Wook, cueille d’emblée par sa splendeur visuelle - richesse de la direction artistique, élégance de la composition, et raffinement des plaisirs secrets offerts aux protagonistes comme à nos yeux. Mais chez le réalisateur coréen, la beauté n’est jamais superficielle, elle est toujours le masque de la cruauté. Les cerisiers en fleur ont beau être ici encore plus somptueux qu’ailleurs, ils ne servent que de branche où pendre sa corde. "La douleur est une parure" prévient-on la jeune héroïne. Une devise qui aurait tout aussi pu être celle de la famille faussement distinguée de Stoker, dont les inquiétants protagonistes de Mademoiselle pourraient être les cousins. Sans rien perdre de sa précieuse dimension ludique, Park Chan-Wook filme ces manigances de maison de poupées à travers les trous de serrures, ou à la dérobée par des cloisons entrouvertes. Quel est donc le secret derrière la porte ? Le cinéaste nous le raconte avec le mordant qu'on lui connait... mais qui vient également d’ailleurs.

A l’origine de Mademoiselle, il y a Du bout des doigts, l’excellent roman de la célèbre romancière Sarah Waters, et dans lequel l’excitation nait moins des simples émois saphiques des héroïnes que du romanesque assumé de leurs destinées, et surtout d’un habile jeu narratif sur les apparences. Le roman (comme le film) réserve son lot de surprises, et mieux vaut en savoir le moins possible sur ce drôle de jeu de rôles entre maitresses et domestiques. En transposant l’action du Londres victorien à la Corée, Park s’approprie l’une des figures-clé les plus passionnantes du cinéma coréen : la servante. Et en modifiant le dénouement sans le trahir, il donne un nouveau relief (très coréen est-on tenté de dire) à la folie des personnages. Le manoir britannique, incongru dans ce contexte historique, n’est pas là que pour le clin d’œil à un certain frisson gothique. Organisé comme un théâtre (avec sa scène, ses trappes et ses coulisses), il est une prison où l’on ne peut quitter sans risque le rôle qu’on choisit d’y jouer.

On aurait tort de réduire Mademoiselle à un simple écrin de luxe pour plaisirs érotiques soft. Ainsi, une même scène de sexe revient deux fois dans le film. On croit revoir les mêmes images et pourtant, entre les deux occurrences, sans crier gare, la mise en scène a complètement changé, traduisant un changement de point de vue radical. A l’origine, Park Chan-Wook souhaitait adapter le roman en 3D. Abandonnée en cours de route, cette idée trouve pourtant un écho dans une mise en scène où les mouvements de caméra semblent se substituer à cet effet de relief, et où surtout chaque plan traduit une idée visuelle, où le montage-même devient émouvant. Définitivement, cette beauté n'a rien de trop légère.

par Gregory Coutaut

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