Loving

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Loving
États-Unis, 2016
De Jeff Nichols
Scénario : Jeff Nichols
Durée : 2h03
Sortie : 15/02/2017
Note FilmDeCulte : ****--
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Mildred et Richard Loving s'aiment et décident de se marier. Rien de plus naturel – sauf qu'il est blanc et qu'elle est noire dans l'Amérique ségrégationniste de 1958. L'État de Virginie où les Loving ont décidé de s'installer les poursuit en justice : le couple est condamné à une peine de prison, avec suspension de la sentence à condition qu'il quitte l'État. Considérant qu'il s'agit d'une violation de leurs droits civiques, Richard et Mildred portent leur affaire devant les tribunaux. Ils iront jusqu'à la Cour Suprême qui, en 1967, casse la décision de la Virginie.

NEVER EVER GONNA GET IT (MY LOVIN')

Quelques mois seulement après la présentation dans la compétition berlinoise et la sortie française de Midnight Special, Jeff Nichols dévoile son nouveau long métrage, Loving, au Festival de Cannes. Le jeune cinéaste, peintre d'une Amérique archétypale, se frotte cette fois à un tout autre registre : à la science-fiction spielbergienne succède un drame inspiré de faits réels ; l'affaire Loving contre l'État de Virginie qui a permis de rendre anticonstitutionnelle la loi interdisant aux Blancs et aux Noirs de se marier. Au-delà de son strict sujet, le film trouve un écho contemporain évident au regard des tensions raciales observées outre-Atlantique en même temps qu'il documente sur une histoire édifiante.

Loving débute pourtant comme un épisode rigolo et insouciant de Happy Days. Nichols s'attache d'abord à décrire une mixité tout à fait paisible, quelques années avant la Marche vers Washington menée par Martin Luther King en 1963. Ce portrait idyllique se heurte à la réalité de la Virginie, où l'union d'un homme blanc et d'une femme noire est décrite comme une "menace à la paix et la dignité de la communauté". Nichols a son sujet puissant, son sujet à Oscars aussi. Le traitement, classique dans le bon sens du terme (... la plupart du temps), est efficace et évite certaines lourdeurs de cet exercice didactique. La meilleure idée de Loving est de rester auprès de ses personnages. Concentré sur eux et sur la "petite" histoire, Nichols évite les pièges de la leçon scolaire... mais tombe dans d'autres.

On l'a dit, le traitement de Loving est classique et son sujet clignote "Oscars". Loving souffre de quelques problèmes inhérents à ce type de produits : une musique envahissante et infantilisante, en permanence dans la redondance et l'accompagnement ; ou plus globalement un certain effacement de la personnalité. Quand Ava DuVernay subit quelques quolibets pour Selma, on se demande, d'une certaine manière, comment le fossé critique qui la sépare d'un Jeff Nichols (devenu chouchou mondial en quelques films) est aussi profond. Plus gênant, l'épouvantable Joel Edgerton, expressif comme une enclume, caricature (mal) les traditionnels emplois de héros-bloc de granit comme on les voit chez le cinéaste: il maugrée, grogne, allume une clope et grogne à nouveau - un personnage de comédie. Sa prestation met en valeur celle d'une découverte, sa partenaire Ruth Negga, qui offre à son personnage sa silhouette frêle et sa retenue. C'est elle qui voit l'Histoire se dérouler par la télévision. C'est à elle d'aller chercher ses droits civiques. Et, peut-être pour la première fois dans le cinéma assez misogyne de Nichols, une femme prend une décision. Elle est le coeur qui bat dans ce récit qui fonctionne.

par Nicolas Bardot

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