Tel père, tel fils

Tel père, tel fils
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Tel père, tel fils
Soshite chichi ni naru
Japon, 2013
Durée : 2h00
Sortie : 25/12/2013
Note FilmDeCulte : *****-
  • Tel père, tel fils
  • Tel père, tel fils
  • Tel père, tel fils

Un père de famille apprend que, suite à un échange de bébés dans un hôpital, l'enfant qu'il élève depuis 6 ans n'est pas le sien. Avec son épouse, il doit décider s'il veut retrouver son enfant biologique ou garder l'enfant qu'ils élèvent depuis sa naissance...

IL ÉTAIT UN PÈRE

Lorsque nous l’avions rencontré l’an passé pour la promotion de I Wish, Hirokazu Kore-Eda nous parlait de son nouveau projet en ces termes : « Je voudrais parler de la paternité. Qu’est-ce que c’est qu’être père, est-ce que c’est le lien du sang, l’éducation ? (…) Ma fille a 4 ans, et je me demande ce qui fait le lien entre nous deux, notre sang ou le temps qu’on passe ensemble ? ». Ces questionnements sont au centre de Tel père, tel fils, son nouveau long métrage. Dans la filmographie du Japonais, il y a les drames existentiels (les magnifiques Maborosi ou Distance), les œuvres d’enfance (Nobody Knows et I Wish, ses meilleurs films) et ses chroniques familiales (Still Walking, son plus grand succès en France, et ce Tel père, tel fils). Kore-Eda a souvent été rapproché d’Ozu (de la famille + du Japon = du Ozu, emballez c’est pesé) alors qu’il faut peut-être plutôt chercher du côté de Shinji Somai, son regard singulier sur l’enfance, son réalisme magique.

Le point de départ de Tel père, tel fils n’a rien de magique : suite à un échange de bébés à la maternité, deux familles découvrent que leur enfant n’est pas vraiment le leur. L’une est une famille aisée dont le père, obsédé par son travail, occupe un de ces postes indéterminés, en costume et dans des bureaux. L’autre tient un boui-boui miteux et extraordinaire où l’on répare entre autres des vieux jouets. L’antagonisme est tout trouvé et Kore-Eda avance avec la subtilité qu’on lui connait dans la description de ces deux milieux, la façon dont ils sont imperméables, et la trace laissée sur les gosses. Le lien familial, c’est le sang, c’est le temps, mais c’est aussi une construction sociale. Même lorsqu’il s’attache davantage ici aux tourments des adultes, les enfants, chez Kore-Eda, donnent toujours l’impression en comparaison que tous les autres enfants du cinéma sont faux. Le cinéaste parvient à se mettre à leur hauteur, ni singes ni poupées, tandis que les relations familiales semblent tout à fait naturelles, illuminées par la gracieuse bienveillance du réalisateur.

« Papa, c’est pas toi ». L’univers de Kore-Eda a beau sembler parfaitement kawai, avec sa famille paisible qui s’endort derrière une baie vitrée scintillant des mille lumières de Tokyo, la cruauté n’est jamais très loin. Cette réplique, véritable crève-cœur, en est un exemple. Le réalisateur prend son temps pour peindre ses personnages, leurs contradictions, en leur donnant suffisamment de dignité pour qu’il n’ait pas à avoir recours à la démonstration ou à tirer sur les cordes du mélo. La douceur de Kore-Eda, de sa lumière (splendide, comme toujours), n’est pas une façon d’enjoliver : rien n’est jamais parfait. Un père peut, tout simplement, ne pas se sentir connecté à son fils, son fils peut préférer un autre père. Ce qui semble aller de soi n’est pas, chez un scénariste aussi fin, une évidence. Hirokazu Kore-Eda signe un nouveau film aussi pudique que poignant, dont l’humilité ne doit pas cacher l’immense beauté.

Le Palmomètre : Le film, humble, ne hurle pas « Palme d’or ! » en tapant du poing. Ce n’est pas pour autant qu’il ne la mérite pas. Voilà un film qui devrait rassembler et l’on peut très raisonnablement l’attendre au palmarès. A noter que la mère d’une des familles est jouée par Machiko Ono, l’une des actrices fétiches de Naomi Kawase, vue dans Suzaku et La Forêt de Mogari.

par Nicolas Bardot

Commentaires

Partenaires