La Région sauvage

La Région sauvage
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Région sauvage (La)
Region salvaje (La)
Mexique, 2016
De Amat Escalante
Scénario : Amat Escalante
Durée : 1h40
Sortie : 19/07/2017
Note FilmDeCulte : *****-
  • La Région sauvage
  • La Région sauvage
  • La Région sauvage
  • La Région sauvage
  • La Région sauvage
  • La Région sauvage
  • La Région sauvage

Alejandra élève ses deux enfants avec son mari Angel dans une petite ville. Leur vie va changer avec l'arrivée de Veronica. Celle-ci leur confie que dans les bois se trouve une cabane qui n'appartient pas à notre monde et qui peut résoudre tous leurs problèmes. Son pouvoir est irrésistible - Alejandra et Angel devront faire la paix avec... ou subir sa rage.

GIVE YOURSELF OVER / TO ABSOLUTE PLEASURE

Combien de films vous emmènent aussi loin que La Region salvaje en l'espace de deux plans ? Certains ont un peu vite enfermé le Mexicain Amat Escalante (lire notre entretien) dans la boite du torture porn festivalier avec des films aussi brutaux que Los Bastardos ou Heli (qui lui a valu le prix de la mise en scène à Cannes). La Région sauvage prouve d'abord que le cinéaste vaut plus que ça et surprend dès les premières secondes. Il y a une greffe assez fascinante qui s'opère devant nos yeux, un peu à l'image du dernier Assayas (Personal Shopper) où le pur film assayasisant rencontrait le pur film de fantôme. Ici, le décor social brut du cinéma d'Escalante est voilé par le fantastique, la science-fiction, le merveilleux. C'est la première séduisante incongruité du long métrage.

Les personnages semblent surveillés dans La Région sauvage. Ils sont en souffrance, mais ils sont aussi au bord de quelque chose – l'implosion... ou la libération. C'est une autre surprise du film, qui comme les précédents longs métrages d'Escalante traite de la brutalité, et plus particulièrement de la brutalité virile. Heli parlait de cette violence, et surtout de son traumatisme, de la peur qu'elle engendre, de sa pétrifiante chape de plomb. Malgré sa noirceur apparente, La Région sauvage raconte avant tout l'apprentissage de la libération – comment s'affranchit-on de cette violence. « C'est ma vision de la lutte vers l'indépendance d'une femme et ses deux jeunes enfants dans une société où règne la culture du machisme, de la misogynie et de l'homophobie ; et de ce qui se passe lorsque la réponse à tous nos problèmes est quelque chose qui vient d'ailleurs » : c'est en ces termes que le cinéaste présentait son projet – avec une lucidité limpide.

La voie proposée par le cinéaste est celle du fantastique. C'est d'abord un pari de cinéma : rendre palpable cette inquiétante étrangeté qui gronde autour des personnages, dans la nature, dans les bois, dans la cabane qui s'y cache. Formellement, La Région sauvage est stupéfiant (le film vient d'ailleurs de recevoir le prix de la mise en scène à la Mostra de Venise). Le sens du cadre, du montage, de la rupture nimbe en permanence les images de mystère et d'incertitude. C'est, en quelque sorte, la libération que le cinéaste suggère cette fois non pas à son héroïne mais au public : une approche poétique, surréaliste du réel, peuplée de visions perturbantes (dont l'une, animalière, assez cauchemardesque). On s'engage dans la brume comme ce personnage en début de film, lors d'une séquence visuellement scotchante.

Cette rêverie métaphysique mexicaine en rappelle une autre : Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas. Mais, si le film de Reygadas était lui aussi formellement impressionnant, La Région sauvage semble être un cousin épuré, moins boursouflé, plus humble tout en étant incroyablement ambitieux. Car derrière la folie de ce film complètement dingo, derrière ses grands sujets, derrière son retour surréaliste à un état primitif, il y a la simplicité d'une fin assez abrupte, sans climax spectaculaire, presque une farce : cette aventure extraordinaire n'aura laissé que quelque taches sur un chemisier. L'une des beauté de ce voyage merveilleux, c'est aussi qu'il ose, malgré l'horreur, un très curieux happy end, aussi tragique que libérateur.

par Nicolas Bardot

Commentaires

Partenaires