La Mort de Louis XIV

La Mort de Louis XIV
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Mort de Louis XIV (La)
Espagne, 2016
De Albert Serra
Scénario : Albert Serra
Avec : Jean-Pierre Léaud
Durée : 1h45
Sortie : 02/11/2016
Note FilmDeCulte : ***---
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À son retour de chasse, Louis XIV ressent une vive douleur à la jambe… Une quinzaine de jours plus tard, il est alité à Versailles. C’est le début de la lente agonie du plus grand roi de France, entouré de ses fidèles.

L’HOMME QUI VOULAIT ÊTRE ROI

Don Quichotte, les Rois mages, Casanova, Dracula, et maintenant Louis XIV, Albert Serra n’a pas peur de se frotter aux mythes. Masi pour mieux s’approcher de ces hommes bigger than life, le cinéaste espagnol prend toujours un étrange contrepied. Le spectaculaire n’est pas là où ou l’attend : pas de faste révérencieux dans la mise en scène du monarque et de sa cour, mais plutôt un curieux mélange qui échappe aux définitions trop brèves. La Mort de Louis XIV est minimaliste, et par moments étonnamment terre-à-terre : toute l’action se déroule ici dans la chambre du roi. De Versailles, des jardins, de la cour ou la foule on ne verra strictement rien. Tout est resserré autour de l’homme qui n’a plus rien d’un soleil, hormis les grandioses perruques. Affaibli par la maladie, affalé au milieu de son grand lit comme un gros bébé endormi ou un pacha vieillissant, Louis XIV s’exprime avec difficulté et lenteur. Même si elle est traitée de façon anti-spectaculaire, l’agonie a déjà commencé.

Paradoxe : alors qu’on pourrait croire que Serra cherche à déconstruire le mythe à coup de réalisme, il lui donne au contraire une autre enveloppe - La Mort de Louis XIV possède en effet une vraie dose de mystère. On rentre dans cette chambre presque comme dans une autre dimension : un lieu sacré, coupé du monde, où le temps semble s’être arrêté. Jean-Pierre Léaud/Louis XIV a beau ressembler à Edith Massey, le solennel crépuscule du roi donne lieu à des images saisissantes et presque fantastiques (des yeux de verres, une jambe presque calcinée, des entrailles mises à nu). La lenteur générale, qui donne l’impression que tout le film est projeté au ralenti, provoque une réaction ambivalente. La torpeur élégiaque de la mise en scène berce autant qu’elle séduit, et menace d’engloutir l’ensemble. Mais la lenteur des dialogues, la lenteur des personnages embourbés dans leur respect protocolaire, la lenteur des médecins à prendre la bonne décision, la lenteur des vannes que ces derniers s’envoient pour s’humilier... donnent naissance à une dimension comique inattendue.

Même si ce n’est sans doute pas le but premier du film, La Mort de Louis XIV possède un humour bien présent, et si l’on y rit, ce n’est pas par moquerie. On y rit de surprise autant qu’on y rit jaune, un peu comme devant un Roy Andersson. Les "biscottins", proposés au roi avec l’hésitation chevrottante de Porcinet, deviennent le meilleur gag récurrent de cette histoire de médecins imaginaires et de diagnostics foireux. On se demande ce que cela donnerait si Albert Serra embrassait entièrement tout ce potentiel comique. Majestueux mais très lent (ou bien majestueux parce que très lent ?) La Mort de Louis XIV, demeure malgré tout un drôle de mélange.

par Gregory Coutaut

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