Cannes 2017: L'Amant double

Cannes 2017: L'Amant double
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Amant double (L')
France, 2017
De Francois Ozon
Scénario : Francois Ozon
Avec : Jérémie Renier, Marine Vacth
Durée : 1h50
Sortie : 26/05/2017
Note FilmDeCulte : *****-
  • Cannes 2017: L'Amant double
  • Cannes 2017: L'Amant double

Chloé, une jeune femme fragile et dépressive, entreprend une psychothérapie et tombe amoureuse de son psy, Paul. Quelques mois plus tard, ils s'installent ensemble, mais elle découvre que son amant lui a caché une partie de son identité.

AMOUR AMOUR, QU'EST-CE QUE C'EST BIEN QUAND TU NOUS TIENS

Quel cinéaste au monde peut réaliser la même année des films aussi différents que Frantz (une sobre romance historique en noir et blanc) et L'Amant double (un thriller érotique complètement extravagant) ? Stakhanoviste (8 films ces 9 dernières années), François Ozon adapte librement une auteure qui elle aussi se distingue par sa production conséquente et son éclectisme : l'Américaine Joyce Carol Oates. Ou plus précisément : Rosamond Smith, le pseudonyme dont se sert l'auteure, très grande conteuse de l'Amérique et de ses mythes, pour écrire des récits plus juteux, pulpeux, pitchs de séries B pour épisodes de Hollywood Night. C'est un grand écart malicieux derrière lequel on sent le clin d’œil complice de la romancière, tout comme sa générosité en matière de plaisir coupable. Malice, clin d’œil, plaisir coupable : autant de sucreries qui ont tout à fait leur place dans la filmographie d'Ozon.

La fragile héroïne, qui tombe sous le charme de son irrésistible psychologue, est menacée par le double maléfique de celui-ci. Ce pourrait être le point de départ d'un roman Harlequin... ou d'un Brian de Palma. On sait que les grands cinéastes sont ceux qui n'ont pas peur du ridicule, ni du désastre. On sait aussi, de De Palma à Verhoeven, que ce n'est pas parce qu'une intrigue est parfaitement improbable qu'elle ne doit pas être traitée avec le plus grand sérieux. Ozon, en deux premières scènes aussi belles que déroutantes, installe immédiatement la curiosité. Quelle est la nature de ce que l'on voit – de ce qu'on croit voir ? Par ses choix esthétiques (décors monumentaux, grandes allées du Palais de Tokyo, escaliers en colimaçon, myriades de miroirs et de reflets), Ozon joue sur la dimension vertigineuse du récit et de ses énigmes. Qui est qui ? Quel est ce secret derrière la porte – ou dans mon ventre ?

Tout cela pourrait être parfaitement sérieux, avec un parcours très fléché en matière de ton. Ce n'est pas le choix d'Ozon dont le cinéma revêt une rare qualité ludique. Il y a évidemment quelque chose qui bave un peu trop dans le quotidien de ce couple qui, dans son appart' léché, bouffe ses sushi à la bougie sur une musique jazz (on ne le voit pas, mais on parie qu'ils écoutent un 33T). Rares sont les cinéastes qui assument autant leur fantaisie qu'Ozon (une fantaisie qui semble désormais être une anomalie dans le cinéma contemporain obsédé par le sérieux papal et badass). Oui, cette histoire totalement rocambolesque – histoire sur laquelle on ne vous en dévoilera pas trop – est fantaisiste. Son étrangeté est poussée jusqu'au kitsch (et du kitsch au sang, il n'y a qu'un pas). Oui, ce délire est grand-guignol jusqu'à ses emprunts au camp (avec une Jacqueline Bisset qui semble le temps d'une scène échappée d'un Psycho-Biddy-Grande-Dame Guignol d'antan). Mais il y a aussi quelque chose de profondément organique dans ce psychodrame sexuel – la question ici posée étant : comment l'incarner au mieux en termes de cinéma ? Ozon fait la part belle au mauvais esprit, à l'ironie comme à une foi très premier degré en la mise en scène, aux fantasmes impolis – la recette est absolument jouissive.

par Nicolas Bardot

Commentaires

Partenaires