Kumiko, the Treasure Hunter

Kumiko, the Treasure Hunter
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Kumiko, the Treasure Hunter
États-Unis, 2014
De David Zellner, Nathan Zellner
Avec : Rinko Kikuchi
Durée : 1h45
Note FilmDeCulte : *****-
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Une Japonaise solitaire est convaincue que le trésor perdu d'un film de fiction est en fait réel.

UNE HISTOIRE VRAIE

« Ceci est une histoire vraie » : on est habitué à ce genre de message censé apporter du poids à des films héroïques ou indignés (et qui s’achèvent généralement avec une photo d’identité de la vraie personne pour bien vous prouver que non non, ça n’a pas été inventé). Kumiko, the Treasure Hunter saute à pieds joints dans ce cliché tout en le contournant : le film s’ouvre sur la mention « ceci est une histoire vraie ». Mais il y a quelque chose qui n’est pas comme d’habitude. L’image est neigeuse comme l’ouverture de Twin Peaks. Les gros plans sur chacun des mots s’enchainent comme autant de petits coups de marteau. Une-histoire-vraie. Ah oui ? La mise en abyme est d’autant plus malicieuse que le film s’inspire effectivement d’une histoire vraie, mais que le message en question vient d’un film que l’héroïne regarde, une fiction… qu’elle prend pour une histoire vraie.

Ce jeu de chausse-trappe fait tout le sel de Kumiko, the Treasure Hunter. D’une forme assez classique, le long métrage parle d’une héroïne sans cesse au bord de la folie, dont la foi dans un film (ce qui s’y passe est forcément vrai) devient maladive. Kumiko est socialement inadaptée. « Chacun son destin », pense t-elle, et le sien n’est certainement pas d’aller chercher les futes de son patron au pressing ou d’écouter les conversations de ses collègues sur leurs cheveux glossy ou leurs cils parfaits. Rinko Kikuchi apporte sa fragilité et plus encore son ambigüité au personnage, qui n’est pas qu’une mignonne victime kawai mais plutôt une sorte de nerd que le réalisateur n’essaie jamais vraiment de rendre charmante.

L’histoire de Kumiko ressemble à une légende urbaine. Un jour, une Japonaise quitte son pays pour chercher dans le Minnesota un trésor qu’elle a découvert dans un film. Il y a une certaine humilité dans la façon qu’a David Zellner de conduire son récit, mais celui-ci, par sa force, par son caractère improbable, devient un mythe. La secrétaire dépressive et terne devient l’équivalent des fascinantes dames des neiges des films de fantômes japonais. Kumiko se voit comme une conquistador des temps modernes. Ce n’est pas le seul déplacement fascinant du film, qui délocalise le western et sa ruée vers l’or dans un froid de mort, où la carte au trésor chiffonnée prend la forme d’une bande de VHS pourrie. Lorsque Kumiko cherche à déchiffrer le secret du trésor du film qu’elle regarde, on a l’impression qu’elle visionne la vidéo maudite de Ring.

Kumiko, the Treasure Hunter a ses faiblesses, notamment sa partie américaine qui ressemble à du mauvais Alexander Payne (une rencontre folklo avec une mamie sympa comme Dolly Parton, une autre assez préfabriquée avec un flic incarné par le réalisateur). Mais heureusement, comme son héroïne, le film s’échappe. Il n’est jamais meilleur que lorsqu’il se concentre sur la tempête qui souffle dans le crâne de Kumiko. Sur la tragédie d’une jeune femme qui a fait définitivement une croix sur le monde réel. Dream when you’re feeling blue dit la chanson. On n’oubliera pas ce personnage de sitôt.

par Nicolas Bardot

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