Knives and Skin

Knives and Skin
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Knives and Skin
États-Unis, 2019
De Jennfier Reeder
Scénario : Jennfier Reeder
Avec : Kate Arrington, Ty Olwin, Raven Whitley
Photo : Christopher Rejano
Musique : Jenne Lennon
Durée : 1h52
Sortie : 20/11/2019
Note FilmDeCulte : **----
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Suite à un rendez-vous nocturne, Carolyn Harper ne réapparaît pas chez elle, dans sa petite ville bien trop tranquille de l’Illinois. Sa mère, qui dirige la chorale du lycée, est dévastée. Mais ses appels à l’aide ne sont guère entendus que par un shérif qui peine à démarrer l’enquête : son entourage semble comme indifférent à l’absence de cette jeune fille qu’on connaissait mal. En réalité pourtant, c’est une onde de choc que provoque cette disparition, qui renvoie chacun à ses propres angoisses, et qui va faire naître de nouveaux rapports au sein de la communauté…

GIRLS JUST WANNA HAVE FUN

Deuxième long-métrage de la réalisatrice Jennifer Reeder, Knives and Skin porte dans son synopsis un horizon d'attentes très en vogue actuellement chez de nombreux réalisateurs, surtout en France. Tels Bertrand Mandico ou Yann Gonzalez, le film semble raconter le vide existentiel, surplombant alors le vide physique suscité par l'absence d'un individu. Une sorte de vortex esthétique outrancier et dégoulinant, curieux de sa propre référence qu'il place paradoxalement dans son film. Si certains, au sortir de la projection, parlaient de prétention en raison de nombreux grands auteurs conjugués, le résultat paraît juste être une grande déception tant il peine à se renouveler.

Le récit promis par le résumé n'est qu'un apparât. Knives and Skin prône plutôt la vacuité esthétique qu'il pose, témoignage d'une Amérique stylisée craquelée par la violence sans cesse masculine ici. Conjugaison de différents réalisateurs cruels par le flou de leurs récits, David Lynch et Dario Argento en premier lieu, Jennifer Reeder raconte un pan américain, dont l'identité passe par une certaine idée du matérialisme. Il n'en fallait pas moins qu'une jeune adolescente, du même âge de la disparue, vêtue en permanence d'une tenue de pom-pom girl qui ne la caractérise jamais plus, ou de la mère de la disparue qui, par eugénisme dérageant, revêt les robes de sa propre fille durant son absence. Chaque habit ou objet, quel que soit son apparition, témoigne d'un sentiment de vérité intangible pour les autres personnages, complètement dépersonnalisés. Pour autant, le film possède une justesse inattendue, par son anachronisme : piégé entre les années 1980 et aujourd'hui à travers différentes scènes – les reprises a cappella de musiques toutes issues de la fin du XXe siècle côtoient les smartphones – Knives and Skin ne critique pas directement les millenials, mais le prolongement d'un capitalisme parasite qui a supprimé les noms au détriment de fonctions, jusqu'à l'annihilation d'une sexualité passionnée.

SHOW MUST GO ON

Au-delà même de cette vision capitaliste, Jennifer Reeder se sert aussi de ses références pour offrir une dimension métatextuelle à son sujet. Les références, déployées de manière mécanique, donnent illusion de mise en abyme consciente de la part des protagonistes, qui semblent les connaître et de s'être confortées à l'intérieur au lieu d'en sortir. Il n'est pas anodin, dès lors qu'un personnage se soit blessé au visage, qu'il montre son hématome face à la caméra et non un interlocuteur diégétique. Ce confort apparent, vite mis en péril dans ses conventions, révèle alors son atmosphère piégeuse et cauchemardesque lors de la recherche du corps de Carolyn – élément tellement perturbateur du récit qu'elle en devient la seule personnage à laquelle on peut lui attribuer un nom, les autres étant uniquement des poupées manipulées dans l'espace dont elles ne se sont que trop bien adaptées.

Le vrai défaut du film, finalement, est son incapacité à renouveler ses thématiques et son ambition une fois le concept déployé. Amas volontairement vain et vide sous couvert d'une critique du pouvoir masculin omniprésent, Knives and Skin se retrouve en roue libre une fois le concept et ses embranchements compris au bout de vingt minutes. Une heure cinquante sur le sujet paraissait vraiment être de trop tant l'atmosphère général n'est jamais mise à mal, et les réflexions trop peu creusées pour offrir une dimension beaucoup plus ludique au projet. La recherche formelle de Jennifer Reeder est indéniable et surtout prometteuse pour la suite de sa carrière, mais mériterait un plus grand approfondissement de ses personnages et de son esthétique, pour se libérer de ses références et surtout donner la sensation d'une œuvre étoffée, au détriment d'un court-métrage étiré.

par Tanguy Bosselli

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