Festival de Gérardmer 2012: le bilan!

Festival de Gérardmer 2012: le bilan!

Le Festival de Gérardmer s'est achevé ce dimanche. La rédaction de FilmDeCulte fait le bilan de cette 19e édition réussie.

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Après une édition 2011 qui avait laissé KO par sa succession de films-choc (J’ai rencontré le diable, Dream Home, Bedevilled, The Loved Ones…), Gérardmer version 2012 semble avoir fait le pari inverse : celui d’un fantastique moins tape-à l’œil et spectaculaire. Le défi était gonflé : présenter une compétition presque entièrement dénuée de morts violentes, de torture, de sang, et miser au contraire sur des films privilégiant un fantastique psychologique et des registres inattendus. Est-ce à dire que la programmation était faible ? Eh bien pas du tout : la discrétion n’empêche pas la réussite, et cette nouvelle édition a confirmé haut la main la singularité et la qualité du festival vosgien. Les discours d’ouverture de festivals et autres notes d’intention sont rarement leur point d’orgue, mais celui du programmateur Hedi Zardi était à écouter attentivement. Avant même la première projection, le ton était donné : montrer que le fantastique est un genre que l’on peut retrouver dans les registres les plus divers, qui peut dialoguer avec d’autres genres, aller au-delà des clichés. En un mot : un genre mature.

Alors qu’il y encore quelques semaines, personne ne savait vraiment si cette édition aurait bel et bien lieu, une autre question restait en suspens : comment allait se traduire le départ de l’équipe de Mad Movies, auparavant liée à la section vidéo et partie l’an dernier créer le PIFFF, son propre festival parisien. Ledit festival a connu un succès certain, et la section vidéo de Gérardmer s’est vue renommée « Section Extrême », une appellation sans doute tirée à la courte paille dans la précipitation, tant la plupart des films présentés n’avait d’extrême que l’étiquette. Mais maintenant que chacun a eu l’occasion de présenter « sa » sélection, on s’aperçoit que ce sont un peu deux conceptions du cinéma fantastique qui se font face. Et les films les plus inattendus et originaux furent ceux présentés à Gerardmer, dont la programmation n’a cessé de prouver son éclectisme. D’abord de par la variété des registres abordés : quoi de commun entre le fantastique d’Emergo et celui de Juan of the dead, de Chronicle, The woman ou Hell, entre le conte de fée Le Petit Poucet et l’expérimental Beyond The Black Rainbow ?

Mais l’éclectisme de la programmation était aussi celui des nationalités représentées : la présence de l’Espagne, de la Corée ou des pays scandinaves n’étonne personne, mais qui s’attendait à voir des long-métrages venus d’Israël, d’Allemagne, de Cuba ou des Pays Bas ? Au niveau de la prise de risque de la programmation : Gérardmer 1, PIFFF 0. Au niveau de l’originalité, la qualité et la personnalité des films également. Malgré cette diversité s’est dessiné un thème récurrent, un fil rouge à travers le festival, qui allait de pair avec la discrétion modeste de certains films : le pouvoir de l’imagination. A ce titre, il n’est pas anodin que le festival se soit ouvert sur Twixt (même s’il a sacrément divisé, c’est un euphémisme) : ce va et vient entre rêves concrets et un quotidien fantasmagorique a donné le la pour de nombreux autres films, jouant sur l’effacement des frontières entre réel et imaginaire (Babycall, La Maison des ombres), sur les projections inconscientes et le refoulé (The Moth Diaries, Comforting Skin, Beast…). L’audace a également été de conserver dans la programmation des films sous-titrés en anglais, ou même pas sous-titrés du tout, une prise de risque qui n’a pas forcément rempli les salles concernées mais qui a permis de présenter des sacrées curiosités.

A en juger par les bruits de couloirs entendus dans les files d’attente, une petite partie du public a semblé décontenancée, voire déçue, par ce parti pris antispectaculaire. Il a par exemple été fait remarquer que certains des films les plus percutants de cette édition se trouvaient hors-compétition. Le but du festival n’était évidemment pas de reléguer ces films hors-palmarès à tout prix, mais il faut surtout tenir compte du fait que les films en question avaient déjà été présentés dans des festivals en France, que ce soit à Strasbourg ou à l’Etrange Festival à Paris (The Woman, Rabies, Le Petit Poucet, Tucker & Dale…, Beyond the Black Rainbow, New kids turbo, Norwegian ninja…). Le festival de Gerardmer, qui souffre peut-être de passer après ses concurrents, n’a pas d’intérêt à risquer d’avoir pour Grand Prix un film déjà passé ou primé ailleurs. Le choix des films en compétition se fait aussi sur ce critère, mais celle-ci n’avait pas non plus de quoi rougir.

Autre avis entendus ici et là : « c’est un festival pour les gens qui n’aiment pas le fantastique », ou encore l’argument magique « c’est des films intellos », adjectif fourre-tout utilisé comme une injure. Comme si l’ambition, la réflexion et l’altérité étaient incompatibles avec le genre. Comme si le fantastique ne pouvait exister en dehors des films d’horreur les plus basiques, et qu’il n’y avait qu’une seule manière de l’apprécier. Le fantastique est décidément un genre mal aimé. Doublement même. D’abord par une partie du grand public qui le considère toujours comme un genre mineur, alors qu’un réalisateur « classique » aussi respecté que Coppola (qui s’était déjà frotté au genre) a prouvé qu’il avait toute légitimité dans ce registre, et que par ailleurs les plus grands festivals se montrent très ouverts aux registres fantastiques (rappelons qu’un tiers de la compétition géromoise de l’an dernier avait été découvert à Cannes). Mais paradoxalement le fantastique est aussi mal aimé par toute une partie de ses fans, qui font décidemment preuve de la même intolérance qu’ils reprochent aux autres, en se montrant frileux face à des films qui sortent du cadre du déjà vu et déjà digérable. Ce n’est pas une preuve d’ouverture que de n’aimer que ce que l’on connait déjà, ou ce qui ne surprend pas. Si le but de cette édition 2012 était de montrer que le genre ne doit pas rester renfermé sur lui-même et ses propres références, le pari est réussi.

Le manque d’adhésion d’une partie du public face à ce parti pris de subtilité s’explique aussi peut-être par le fait qu’il est quasiment intégralement constitué de bandes d’ados mâles et autres fanboys. Pas de bol, la programmation a proposé cette année pas mal de films présentant des points de vue féminins (The Moth diaries , Comforting skin , Babycall, La Maison des ombres…), pour la plupart présentés en compétition (même s'il n’y avait que 3 réalisatrices sur les 33 films présentés). Preuve que ça coince quelque part : les blagues beaufs ont eu la cote dans les files d’attentes, et chaque scène de douche ou chaque ombre de soutif semblait charrier avec elle son lot de ricanements dans les salles. Des personnages féminins aussi riches que ceux vus à Gérardmer (à l’inverse des potiches/bonnasses du PIFFF, soit dit en passant), présentés à un public qui râle parce que l’héroïne est « moche » ou pas assez à poil (complaintes véridiques entendues sur The Moth Diaries) c’est un peu de la confiture jetée aux cochons. On se demande ce que ce public là a bien pu comprendre à l’immense claque anti-misogynie qu’est The Woman.

Plus concrètement : un bémol sur la qualité de projections, qui a régulièrement posé souci cette année. Pas seulement dans la salle du Paradiso (pas la peine de tirer sur l’ambulance), mais même au Lac ou ailleurs : films parfois projetés au mauvais format, problèmes de sous-titres récalcitrants (pour info : le sous-titre facétieux à la fin de la projection de Hell provenait en réalité du doc sur Corman), saut d’image et plus souvent encore de son… pas de quoi gâcher d’excellent films (et ces problèmes n’ont heureusement pas touché toutes les séances !), mais une mise à jour technique s’impose pour être à la hauteur de la qualité de la programmation artistique du festival. A l’heure de ce bilan, nous ne connaissons pas encore les chiffres de fréquentation de cette édition, mais on espère que ce grand prix à Babycall, premier lauréat du festival à sortir en salles en trois ans (The Door et Bedevilled étaient sortis directement en dvd) augure du meilleur pour le 20e anniversaire du festival à venir l’an prochain.

par Gregory Coutaut

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