Évanouis

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Lorsque tous les enfants d’une même classe, à l’exception d’un, disparaissent mystérieusement la même nuit, à la même heure, la ville entière cherche à découvrir qui — ou quoi — est à l’origine de ce phénomène inexpliqué.

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LITTLE CHILDREN

Après le succès surprise (du pourtant moyen) Barbare, Zach Cregger revient avec Weapons (oublions le titre français générique), annoncé comme une plus ambitieuse entreprise, un improbable film d'horreur choral dont la référence, citée à l'annonce du projet, est...Magnolia. Et à l'arrivée, c'est effectivement une œuvre assez atypique, qui prend un temps et un ton déconcertant à présenter ses différents personnages, se faisant délibérément chiche en frayeurs dans sa première moitié, si bien qu'on en vient presque à se demander quand le film va enfin démarrer, avant de saisir et d'apprécier à sa juste valeur l'espèce de slow burn en départs avortés de la structure du film dont le mystère interroge encore à l'issue de la projection, entre tragédie du monde réel et conte.

On frise la roublardise dans la façon d'alterner les points de vue et d'en changer juste après un cliffhanger, une construction épisodique comparable à celle d'une mini-série, mais il est indéniablement rafraîchissant de se laisser embarquer par un film sans savoir où l'on nous emmène, le récit cultivant habilement son mystère et favorisant le drame dans un premier temps avant...la comédie? En effet, Weapons est un film étonnamment drôle et pas uniquement par le biais de gags pour soulager le spectateur tendu (définition littérale du "comic relief") mais avec de vrais pas de côté comiques au milieu de l'horreur. Parce qu'il est tout de même question de disparition inexpliquée d'enfants et l'intrigue pourrait aisément basculer dans du The Leftovers mais le film semble vouloir montrer la sordide banalisation de tels événements dramatiques, avec ce retour forcé à la normalité après la tragédie. Au fur et à mesure que le film approche de sa conclusion, on est tenté de se questionner sur le sens de tout cela. Qu'est-ce que Cregger cherche à raconter au fond? Barbare était relativement creux derrière ses tours de passe-passe narratifs (avec notamment déjà un changement de point de vue) et son lore bordélique et Weapons paraît tout d'abord souffrir des mêmes lacunes, avec un potentiel manque de rigueur dans ses règles, une fois que le film commence à livrer ses clés. Mais à la réflexion, nombre d'indices équivoques invitent à l'interprétation.

L'imagerie déployée par le film n'est pas hasardeuse. Il ne s'agit pas simplement d'enfants qui disparaissent mais d'une classe entière et le titre original n'est clairement pas innocent. Une classe soudainement vide d'élèves, le rapport aux armes à feu, les assemblées de parents prêts à blâmer autrui dans une chasse aux sorcières plutôt que regarder dans leur propre backyard... Peut-être que l'influence du film de Paul Thomas Anderson ne se joue pas exclusivement sur le fait de suivre tour à tour le point de vue de différents personnages liés par les événements et Cregger a-t-il voulu évoquer, comme le faisait Anderson, le mal que l'on fait aux enfants, que ce soit par la négligence, le manque d'affection ou la maltraitance. Comment les adultes ont, de manière générale, failli vis-à-vis des enfants. D'ailleurs, les enfants brillent par leur absence et ce n'est que lorsqu'on s'intéresse au point de vue d'un enfant que le film se dénoue. Si le film aurait gagné à être plus touchant sur la fin, parce qu'on sent que c'est là, derrière l'humour et le gore cathartiques, Weapons reste un voyage franchement prenant, porté notamment par une mise en scène habile dans sa gestion du point de vue et de l'anticipation, avec quelques oners bien sentis. C'est plus mystérieux, dérangeant et horrifique que flippant mais cet intriguant mélange des genres confirme que l'horreur se porte bien cette année.

par Robert Hospyan

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