César 2012: premiers pronostics

César 2012: premiers pronostics

Les nominations des César seront annoncées le 27 janvier. En attendant, FilmDeCulte vous livre ses premiers pronostics...

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« Etre contre les César est idiot, mais être pour serait complètement con ». Ces quelques mots de Fabrice Luchini (acteur césarisé mais lucide) résument bien l’étrange statut de cette cérémonie dont l’édition 2012 approche à grand-pas et fait bien évidemment trépigner d’impatience tous les cinéphiles de France. La soirée la plus longue de l’année aura lieu le 24 février, et sera une fois de plus présentée par l’animateur le plus drôle et branché de 1991, Antoine de Caunes. On peut donc d’ores et déjà prévoir de revoir les blagues que tout le monde aura déjà faites cent fois ces derniers mois : un sketch en noir et blanc où tout le monde fera semblant de jouer comme dans un film muet, des blagues sur les handicapés, sur Joey Starr qui joue un flic, l’accent anglais de Dujardin... Cocasserie, quand tu nous tiens. Mais au-delà d’un enrobage souvent désolant (qui n’a jamais été saisi d’un frisson de malaise devant le bide de certains sketch, les discours passionnants comme un annuaire et surtout devant les visages circonspects des invités étrangers obligés de subir tout ça ?), c’est parfois aussi par ses nominations que l’académie tend le bâton pour se faire battre. En attendant l’annonce officielle des heureux élus (le 27 janvier), FilmDeCulte vous fait part de ses pronostics.

MEILLEUR FILM

L’été dernier l’affaire paraissait pliée : La Guerre est déclarée, raz de marée public et critique, raflait tous les suffrages et bénéficiait d’un amour presque inédit. Puis The Artist a connu un succès encore plus grand, international même (cela aura-t-il une influence sur les votes, dans un sens comme dans l’autre ?). Puis Polisse est sorti, avec son équation magique acteurs populaires + sujet de société qui garantit plein de dossiers spéciaux dans les magazines, tout le monde était content mais le film de Valérie Donzelli se retrouvait encore un peu plus éclipsé. Or tout ce beau monde s’est fait sacrément bousculer par un fauteuil roulant lancé à la vitesse d’un boulet de canon. Lui aussi sorti de nulle part, Intouchables est devenu le carton que l’on sait, dépassant tous les superlatifs de fréquentation et d’adhésion du public. La nomination de tous ces films est garantie (même le Donzelli, qui a l’heure des bilans de fin d’année a été à moitié oublié), mais la victoire reste sacrément floue. Rappelons aussi que cette année il y aura 7 nominés. Pourquoi ? Pour se gargariser de la variété de la production française ? Pour avoir plus de chance de pouvoir enfin nommer une comédie (= le film de Dany Boon qui va encore chouiner « au snobisme » ? Comme si la réalisatrice de Twilight s’était plainte, en plus de son succès, de ne pas être nommée aux Oscar) ? Pour le plaisir cynique de multiplier le nombre de perdants ? Bref. Quels seront les autres nommés ? Probablement Les Femmes du 6e étage, L’Exercice de l’état, Les Neiges du Kilimandjaro ou peut-être même L’Apollonide. La nomination d’autres outsiders (Tomboy, Pater, Les Bien-aimés…) serait une très généreuse surprise. Le vrai suspens va plutôt venir de la botte magique des César : quels films étrangers vont être considérés comme français? Cette catégorie pochette surprise, aux critères si flous, a toujours un air étrange de décision aléatoire. Si on a bien suivi : The Lady est quasi-complètement français, et Carnage ainsi que Le Havre devraient être éligibles. S’il n’y avait que 5 places, on n’aurait pas parié dessus, mais cette année, suspens et espoir ne sont pas interdits.

MEILLEUR ACTRICE

C’est justement le sort réservé aux films étrangers sus-cités qui va peut-être pimenter cette catégorie. Si les votants se sentent d’humeur paillettes, on pourrait bien se retrouver avec Kate Winslet, Michelle Yeoh et Jodie Foster. Mais faites places mesdames : la règle pour être nommée aux César est certes de faire des films pas trop nazes, mais surtout d’être sympa, populaire chez les non-cinéphiles et pas trop prise de tête (en gros Isabelle Huppert ne risque pas de gagner son second César de sitôt, mais elle a toujours plus de chance d’être nommée que Mathilde Seigner). Les chouchous des quinze dernières années, Cécile de France et Isabelle Carré, ne sont pas concernées cette année (l’une n’a tourné qu’à l’étranger, et l’autre n’a qu’un second rôle sous la dent), c’est donc la panique totale dans l’Académie qui ne doit plus savoir qui nommer! Angoisse. Si toute l’équipe de Polisse n’est pas, par un tour de passe-passe, considérée comme des seconds rôles, les nominations de Karin Viard (autre grande chouchou) et Marina Fois semblent dans la poche. La victoire de l’une d’entre elles aussi. Pareil pour Bérénice Béjo : si elle n'est pas reléguée en second rôle, l'amour pour The Artist peut facilement jouer en sa faveur. Et pour le reste, rien n’est franchement évident. Sandrine Kiberlain remplit tous les critères ci-dessus et devrait être nommée pour Les femmes du 6e étage, et pour ces mêmes raisons on pourrait retrouver la nouvelle petite fiancée Leila Bekhti pour La Source des femmes ou même Audrey Tautou pour La Délicatesse. Moins glamour et plus sérieuse : Yolande Moreau pourrait bien surfer sur la vague de love de ses précédents rôles (Séraphine, Quand la mer monte) pour Où va la nuit. Au rayon des improbables (et parce qu’il faut bien remplir les 7 nominations) : si vraiment tout le monde se force et consent à nommer Isabelle Huppert (décidément vrai mouton noir, dont l’absence de récompense est un triste running gag), ce sera probablement plus pour Mon pire cauchemar que pour My Little Princess (où elle le mérite pourtant davantage). Nommer Valérie Donzelli pour son propre rôle dans son propre film serait assez bizarre et tordu, et témoignerait plus d’un grand amour pour le long métrage que pour de transcendantes qualités de jeu. Même raisonnement pour Maiwenn. Restent Chiara Mastroiani et Catherine Deneuve pour Les Bien aimés, nominées-surprises des prix Lumières. Voir la mère et la fille nommées l’un contre l’autre, l’occasion est presque trop belle pour la laisser passer, mais le film a-t-il suffisamment marqué le public ? Quand à Clotilde Hesme, c’est dans la catégorie « espoir » qu’elle est présélectionnée pour son rôle dans Angèle et Tony, et depuis le mini-scandale Tahar Rahim, on ne peut plus être simultanément nommé dans ces deux catégories, donc oust.

MEILLEUR ACTEUR

Attardons nous justement un instant sur cette liste des « révélations », présélection fourre-tout des éventuels nommés en meilleur espoir. Dans la partie masculine, les nommés sont parfois tellement inconnus qu’on peut douter de l’utilité d’une « pré-pré-sélection » (amusez vous à regarder les nommés d’il y a dix ans, par exemple : de combien d’entre eux se rappelle-t-on encore aujourd’hui ?). Cette année c’est pourtant une vraie révélation qui y brille par son absence : Omar Sy. Selon la règle énoncée ci-dessus : s’il n’a pas été retenu dans cette catégorie, c’est très probablement parce qu’il va jouer directement dans la cour des grands, et sa nomination à coté de son partenaire François Cluzet semble assurée. A moins qu’il ne se retrouve en catégorie second rôle, histoire d’avoir encore plus de chances de gagner ? On soupçonne que s’il y a sept nominés cette année dans la catégorie Meilleur Acteur, c’est justement pour pouvoir le caser dedans. Et pourtant la concurrence est rude, 2011 à été marqué par des acteurs populaires dans des rôles faits pour crever l’écran (avec plus ou moins succès) : Jean Dujardin pour The Artist, Joey Starr pour Polisse, Denis Podalydès pour La Conquête, Philippe Torreton pour Présumé Coupable, Olivier Gourmet pour L’Exercice de l’état, Luchini pour Les Femmes du 6e étage… Et hop, la catégorie est déjà complète. En cas d’oubli peu probable, un de ces sièges pourrait se libérer pour un joker surprise : pourquoi pas le duo Niels Arestrup / Lorant Deutsch pour Tu seras mon fils, Sami Bouajila pour Omar m’a tuer, Gérard Lanvin pour l’un de ses deux succès de l’année (Le Fils à Jo et Les Lyonnais), ou même Benoit Poelvoorde pour Rien à déclarer. Tout le reste (Carnage, Le Havre…) semble tiré par les cheveux. Quant à nommer Vincent Lindon pour son propre rôle dans Pater, l’idée serait bizarre mais Lindon est méga populaire, et ce serait la manière la plus « César » de récompenser le film, qui a peu de chances dans les autres catégories.

MEILLEUR FILM ÉTRANGER

Asghar Farhadi, réalisateur d’Une Séparation, peut à priori faire de la place sur sa cheminée. Le public français semble avoir découvert le cinéma iranien cette année, et ce sera l’occasion parfaite pour l’Académie de se gargariser de son propre éclectisme en ne récompensant surtout pas un film américain (vous n’y pensez pas !). Les seuls Américains qui aux yeux des César méritent leurs nomination d’office sont Clint Eastwood (qui avait réussi à être nommé même pour Invictus, et qui cette année a fait tourner la petite fiancée belge Cécile de France : grosse côte d’amour supplémentaire), et Woody Allen, qui a tourné à Paris (bingo bingo bingo !). Les deux ont donc de gros atouts pour être nommés. Et sinon ? On connait la règle magique qui veut que deux films francophones apparaissent obligatoirement parmi les 7 nommés. Une discrimination positive qui n’honore personne, ni le cinéma francophone (qui ne sert ici que de quota, trop la fierté), ni l’Académie qui se sent obligée de prouver son éclectisme, pourtant complètement toc. Parmi les films francophones de l’année, les favoris sont Incendies et Le Gamin au vélo (avec encore Cécile de France, Cécile on t’aime, viens vite nous délivrer de l’absence d’Isabelle Carré !). Merci au Québec et à la Belgique de remplir chaque année ces deux strapontins. Mais Et maintenant on va où ? de Nadine Labaki a été considéré comme francophone dans plusieurs festivals cette année (on a pourtant vu le film et on avoue ne pas très bien comprendre pourquoi), et elle mériterait également sa nomination. Les films asiatiques seront à nouveau nommés dans cette catégorie à la Saint glin-glin, mais il reste quand même de sacrés challengers. Du côté des États-Unis : Black Swan, The Tree of Life, Le Discours d’un roi, ou pourquoi pas True Grit ou même Drive (on peut toujours rêver), et en Europe : Melancholia, Habemus Papam, Il était une fois en Anatolie… il risque de ne plus rester de place pour un autre chouchou : Almodovar.

par Gregory Coutaut

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