El Otro
El Otro
Argentine, 2007
De Ariel Rotter
Scénario : Ariel Rotter
Avec : Osvaldo Bonet, Julio Chavez, Arturo Goetz, Ines Molina, Maria Ucdo
Durée : 1h23
Sortie : 08/10/2008
Juan Desouza apprend qu’il va être père. Le lendemain, il part en voyage d’affaires et découvre à son arrivée que son voisin de bus est mort à côté de lui pendant qu’il dormait. Il décide sur un coup de tête de prolonger son voyage et s’installe à l’hôtel sous une fausse identité, celle du mort.
UNE AUTRE VIE, LA MIENNE
L'Autre est le second film d’Aril Rotter après B.Aires - Solo por hoy en 2000. Le film démarre sur une note très originale car les crédits défilent sur l’écran noir comme une projection de diapositives. Ensuite ce sont des lettres servant à un test de vue qui envahissent l’écran noir, une voix off les lisant tout haut. Juan est dans le cabinet de sa femme, ophtamologue, et doit maintenant porter des lunettes. Le premier changement dans sa vie avant un autre bouleversement: sa femme attend un enfant. Il se rend chez son père malade mais ne peut lui dire, n’étant pas encore prêt à accepter ce nouveau rôle. Tout comme avant de partir en voyage, il regarde le corps nu de sa femme endormie, particulièrement son ventre, ne pouvant croire qu’une vie est en train de grandir, une vie qui a un pouvoir si déstabilisant sur lui. Il s’endort dans le bus qui l’emmène en province et à son réveil constate que l’homme assis à côté de lui est mort. Il y a quelques heures, il échangeait des banalités avec cet homme qui est maintenant mort. Un autre choc qui va le pousser à faire une pause, à laisser sa vie pour en essayer une autre. Ayant pris l’identité du mort, il se paye même le luxe d’assister à son propre enterrement, préparant aussi inconsciemment la mort de son père et son passage à la tête de la hiérarchie familiale. Mais surtout il veut laisser ses instincts prendre le relais. Réalisant à la fin que le jeu n’est pas si innocent, il sera prêt à affronter une nouvelle vie, la sienne.
Juan a peur. Il vieillit, son père aussi et avec l’annonce de la grossesse de sa femme et la maladie qui gagne chaque jour du terrain dans le corps de son vieux père, il sait que demain sera différent. Ariel Rotter parle de l’importance de la famille et de la transmission. Ainsi quand Juan est en déplacement, c’est pour régler l’héritage de deux paysans morts sans héritier dont les biens vont maintenant être vendus, dispersés. L’histoire de Juan est aussi celle du cycle de la vie: que se passe-t-il dans la tête d’un homme qui apprend qu’il va devenir père? Comment va se dérouler le reste de sa vie? En s’éloignant de son identité, il essaye d’être plus près de lui qu’il ne l’a été depuis longtemps. Pour capturer l’essence de cette histoire, le réalisateur argentin a fixé sa caméra en de longs plans se composant souvant d’un seul cadre, laissant les acteurs en sortir pour se concentrer sur la voix off, comme pour la magnifique dernière scène du film entre Juan et son père. Son défi était de raconter une histoire qui parle de temps, de corps et de la décrépitude de ceux-ci sans être trop graphique dans la description. La caméra scrute le visage du merveilleux Julio Chavez, cherchant à percer les secrets de son âme. Celui-ci donne à Juan une sensibilité terriblement humaine qui transcende l’écran et lui a valu sans conteste le prix d’interprétation de la dernière Berlinale alors que le film a reçu lui le prix du jury. Ariel Rotter livre un voyage subtil et tendre dans la sensibilité masculine. Un de ces films rares et précieux qui résonnent bien longtemps encore après que la projection soit terminée.